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Tariq Ramadan   Appelant les musulmans à ne pas se cantonner dans une gestion émotionnelle des problèmes qui secouent le monde, Tarik Ramadan, Pr d'études islamiques contemporaines à l'université d'Oxford, plaide pour une éducation critique, ouverte à tous les savoirs car dit-il, "l'ignorance et la foi ne vont pas ensemble".  Il fustige par ailleurs le scandale d'un monde musulman riche de son  sous-sol et de son argent mais qui ne l'utilise pas pour aider les plus pauvres. Pour Tariq Ramadan, la libération intellectuelle passe nécessairement par sortir de l'esprit victimaire.

Sud Quotidien : Alors que 200 jeunes lycéennes ont été enlevées par le groupe Boko Haram  au prétexte qu'elles ne doivent pas fréquenter l'école occidentale, c'est beaucoup plus d'occident, comme récemment lorsque le nord Mali était sous la coupe réglée de mouvements djihadistes, que nous sont parvenues les condamnations indignées des associations de la société civile. Est-ce à dire que l'Islam s'accommode de telles dérives ?

Tariq Ramadan : L'institut Al-Azhar , des organisations islamiques, moi-même  avons pris position. Le problème qu'on a aujourd'hui sur le plan international, c'est que souvent les médias occidentaux  ne rapportent pas toutes les condamnations et continuent à répéter qu'on n'entend pas les musulmans. Et je répète souvent  cette formule : " nul n'est plus sourd que celui qui ne veut pas entendre". A partir d'un certain moment, il ne faut pas seulement donner la voix aux plus extrémistes, aux plus radicaux, il faut aussi écouter  ceux qui condamnent . Pendant toutes les années qui ont suivi  le 11 septembre on a condamné, condamné, et 8-10 ans après on nous dit : "vous ne condamnez pas". C'est parce que vous n'écoutez pas . Donc ce que fait Boko Haram, ce que font les groupes  au Nord du Mali, les Talibans en Afghanistan, l'application des châtiments corporels, je trouve tout ça  extrêmement grave. Il faut que vous les journalistes  et nos interlocuteurs occidentaux nous écoutiez, et qu'on ne nous dise pas qu'on ne dit rien lorsqu'on parle.

 

Que répondez-vous aux gens qui associent l'Islam à certaines pratiques comme le voile et la lapidation qui participent à inférioriser les femmes ? 

 

Il y a aujourd'hui sur le plan international par rapport à l'Islam  un certain nombre de préjugés dont les principaux responsables sont les musulmans eux-mêmes. Donc les musulmans doivent faire un travail  d'autocritique en expliquant mieux leur religion. Prenons par exemple cette question sur la tenue vestimentaire, si l'Islam appelle à la pudeur  il y a des conditions à cela, c'est que la femme doit être libre  de décider pour elle-même. Ce n'est pas au père, ce n'est pas au frère, ce n'est pas à la société , ce n'est pas à l'Etat de décider comment on s'habille. C'est moi et ma foi. Donc il faut rappeler les prescriptions mais aussi la liberté de chacun. 

 

Sur quoi cette liberté devrait-elle s'adosser ?

 

Pour être libre, il faut être éduqué. Et l'un des grands problèmes  des sociétés musulmanes , c'est l'entretien de l'ignorance et de l'analphabétisme. Jamais vous n'aurez un Islam réel avec l'entretien d'une ignorance institutionnelle, ça ne va pas ensemble. L'ignorance  et la foi ne vont pas ensemble, et malheureusement trop de sociétés musulmanes entretiennent l'ignorance et veulent la foi. C'est donc une foi et des prescriptions imposées. Ensuite, l'Islam ce n'est pas la punition. C'est pas de commencer par punir les gens. Les châtiments  c'est la dernière chose à laquelle il faut penser en islam et le principal,  c'est Dieu qui décide, c'est pas nous. Nous, on est tellement dans un rapport superficiel à la religion, qu'au lieu d'éduquer, on préfère punir et en punissant on croit qu'on est fidèle. La fidélité c'est l'éducation, ce n'est pas la punition. La punition, elle doit intervenir  quand la personne qui transgresse sait pourquoi elle transgresse, sait ce qu'elle fait.

 

Il faut donc une remise en question ?

 

En l'occurrence, il faut faire notre autocritique. D'un autre côté, il faut que nous soyons  très clairs  sur le fait qu'en occident, il y en a qui connaissent bien l'Islam . Mais il y en a qui entretiennent le danger de l'autre, du musulman, de l'arabe, du noir, de l'immigré, comme le Front national en France ou dans mon pays (la Suisse Ndlr), où le premier parti est un parti d'extrême droite . 

Autant , il faut respecter la peur des peuples, autant il faut résister à leur instrumentalisation  par les populistes, par des partis qui sont aujourd'hui en train de jouer là-dessus. Vous avez aux Etats-Unis le Tea Party, ils ont déterminé que l'ennemi, c'est l'Islam. Vous avez la Ligue du nord en Italie. Dans chaque pays  vous avez des gens qui jouent là-dessus. Donc il faut qu'on ait une conscience de notre propre manque et il faut y travailler. On doit avoir une conscience de nos propres enjeux politiques et être vigilants à la fois.

 

Pour d'aucuns, ce sont les musulmans eux-mêmes qui aliment cette vision à travers notamment des mouvements qui font dans le terrorisme en se réclamant de l'islam. Qu'en pensez-vous?

 

Le problème du débat autour  de l'Islam aujourd'hui, c'est la confusion. Les choses sont plus compliquées que cela. Quand on voit des gens qui sont dans la violence, dans l'excès, il faut le dénoncer mais aussi, il faut faire très attention. Quand on vient vers moi et qu'on me dit que la résistance palestinienne c'est une résistance terroriste, je dis attendez, faut pas tout mélanger. La résistance palestinienne est une résistance légitime. C'est eux qui font face  au terrorisme  d'Etat  d'Israël. On ne peut mettre tout le monde dans le même paquet. Ce qu'ils voudraient faire, c'est dire que les Palestiniens c'est comme Boko Haram. On ne peut pas être d'accord avec ça. Ceux qui utilisent la religion pour punir, pour frapper, pour couper des mains, ceux-là on les condamne mais ceux qui résistent  face à l'injustice, on ne les appelle pas des terroristes. Ils sont terroristes pour l'occident , pour Israël ou pour la Maison Blanche. Pour nous, ce sont des résistants. Il faut vraiment que de ce point de vue  là qu'on ne mélange pas tout et  il y'en a qui ont un malin plaisir  à tout mélanger. 

 

Comment définissez-vous alors les mouvements islamistes ? 

 

Déjà, même dans les mouvements islamistes, ce n'est pas tous les mêmes. Vous avez tout le discours de Ben Laden , Ansar Eddine au Nord Mali, Boko Haram au Nigeria, etc. Vous avez des islamistes comme ceux qui sont au Maroc ou qui sont au pouvoir en Turquie. Ce ne sont pas les mêmes. Ceux là ils gagnent les élections démocratiquement, participent au pouvoir . Même les Frères musulmans , on peut être critique, comme je l'ai été  mais on ne peut dire que ce sont des terroristes. Ils sont devenus des terroristes avec celui qui applique la terreur maintenant. C'est Sissi ( Président de l'Egypte Ndlr)  qui est un dictateur .C'est ce même homme qui a fermé la porte de Rafa et qui laisse les Israéliens bombarder les Palestiniens . Il est devenu un allié d'Israël. Faut faire attention et en cela, vous les journalistes ,vous pourriez nous aider pour définir les termes qu'on emploie, expliquer de quoi on parle.  Il ne faut pas mettre tout le monde dans le même paquet parce que la confusion aide les oppresseurs. Il faut se rendre compte  que quand le 11 septembre est survenu aux Etats-Unis, Ariel Sharon leur a dit :  Vous allez maintenant comprendre ce qu'est le terrorisme. Vous l'avez eu et nous nous avons Arafat. Il a fait de Arafat l'alter ego de Ben Laden. On ne peut pas être naïf de ce point de vue là. 

 

Comment promouvoir l'autocritique à laquelle vous appelez avec le déficit d'esprit critique qui a cours dans le monde musulman ?

 

C'est un vrai problème que celui du déficit de l'esprit critique. L'esprit critique vient avec l'éducation. Plus vous êtes éduqué plus vous êtes équipé à l'esprit critique. Plus vous êtes ignorant plus vous réagissez émotionnellement. Le monde musulman réagit émotionnellement, souvent de façon irréfléchie. Mais cela vient d'un manque d'éducation. C'est l'éducation qui permet d'être pondéré, de voir les différents angles, de comprendre les enjeux, de nuancer les choses. Moi par exemple, aujourd'hui en France, je fais face à une diabolisation.

 

Comment expliquez-vous cela ?

 

je vais vous dire pourquoi. Parce que ce sont en fait  des gens éduqués  mais qui par rapport à l'Islam réagissent émotionnellement . On est proche de l'hystérie. On n'est plus dans le rationnel. Toute leur éducation ne leur sert à rien pour ça, parce qu'ils sont dans le blanc et le noir. Ils disent redouter d'être colonisés car l'Islam, c'est les Noirs qui arrivent, les Arabes qui arrivent , les étrangers qui s'installent. Maintenant on est dans l'hystérie. On n'est plus dans le discours apaisé. Même en occident sur certains sujets, il faut utiliser plus notre esprit critique et moins nos émotions. 

 

En France, on vous reproche aussi d'être ambigu et d'être un adepte du double jeu. Que répondez-vous ?

 

Vous savez le philosophe Charles Taylor qui est une sommité internationale disait : écoutez , je suis avec Tarik depuis 30 ans. Tarik n'a pas de discours ambigu mais il a un discours clair, entre deux univers ambigus. Le monde musulman est ambigu, il critique le monde et ne veut pas se critiquer. Et l'occident est ambigu parce qu'il  veut donner des leçons à tout le monde et il ne veut pas de critiques. Et moi je suis en train d'attaquer les deux. Je ne suis pas d'accord avec le monde musulman  quand les Musulmans ne sont pas assez critiques par rapport à leur manque d'honnêteté et de sincérité. Et en Occident , je veux qu'on arrête de nous parler comme on parlait aux colonisés. Je n'accepte pas que quelqu'un vienne me donner la leçon comme s'il savait le fin fond des choses. Je fais face à des occidentaux très éduqués et très ignorants à la fois.  Regardez ce qu'est venu dire le président Sarkozy chez vous : que l'Afrique n'a pas d'histoire. Lui, il faut l'asseoir et lui dire l'Afrique vous n'y connaissez rien, on va refaire son éducation.

 

Est-ce à dire que vous dérangez ?

 

En l'occurrence je gêne l'occident et je gêne les Français en particulier. Je les gêne parce que je suis un occidental. J'ai étudié la philosophie occidentale et je mets le doigt là où ça fait mal. Je ne suis pas dans le blanc et le noir. La vie ce n'est pas  comme ça. Moi je suis un occidental qui comprend que si l'occident veut sortir de ce rapport de domination aux autres, il faut qu'il soit autocritique. Il faut qu'on arrête de regarder les gens de haut. Le discours que je tiens à Dakar, en France, c'est le même . Je vous mets au défi  avec mes 35 livres publiés, plus de 500 audios de mes conférences, de me trouver  une contradiction une fois. Maintenant je vous dirai que sur les 30 ans de mon travail, j'ai évolué , j'ai une pensée qui s'est améliorée, qui s'est densifiée. Oui j'ai évolué mais pas au point de me contredire et de tenir un double discours. Je vous dis donnez moi une preuve.

 

N'est-ce pas que certains vous en font le reproche ?

 

Caroline Fourest qui a écrit un livre sur moi, regardez son livre, il contient 220 fautes factuelles. C'est de fausses informations, des citations coupées. Moi je vous dis, vérifiez ce que vous dîtes. Quand vous ne savez pas comment casser un discours, vous salissez la personne. C'est ce qui est en train de se passer. J'aimerai dire une chose parce que pour la première fois  de ma vie quand je suis venu dans ce pays, l'année dernière, j'ai vu quelque chose que je ne connaissais  pas en Afrique. J'ai vu des journalistes qui avaient ce même esprit pas clair sur ce que je disais. Il y a un journaliste qui a essayé de me faire passer  pour une personne que je n'étais pas et j'ai eu l'impression que j'étais en France. Première des choses, moi j'ai critiqué par exemple l'intervention française au Mali. Mais j'ai été très critique par rapport à l'extrémisme  au nord Mali mais je ne sens pas que la France est venue  parce qu'elle aimait le Mali. La France est venue  parce qu'elle aime ce qu'il y a sous le sol du Mali,  en uranium et en pétrole. C'est mon sentiment.

 

L'intérêt est à la base de toute relation. N'est-ce pas gênant d'opposer à chaque fois l'occident à nous autres ?

 

Je n'oppose pas l'occident à nous autres. Je dis que quand on dit que la France-Afrique c'est fini, que la France n'a pas d'intérêt , je me dis que je ne suis pas sûr que la France n'ait pas d'intérêt au Mali. 

 

Vous parliez tantôt de l'importance de l'éducation pour développer l'esprit critique. N'y a-t-il pas un problème lorsqu'il s'agit d'une éducation compartimentée, enrégimentée.

 

Je disais toujours aux musulmans,  vous allez dans une librairie musulmane, vous avez des livres publiés par des musulmans sur des sujets islamiques et lus par des musulmans  et on appelle ça éducation. Non, ça c'est un enfermement! L'éducation, elle est l'éducation à tous les savoirs. Moi j'ai une triple formation. J'ai un doctorat en philosophie occidentale, j'ai une maitrise en littérature et un doctorat en science islamique et c'est uniquement pour ça que je peux   comprendre le monde parce que j'ai un univers qui s'ouvre devant moi. Je suis allé voir les Chrétiens sur le terrain. J'ai lu la Bible, j'ai lu les textes religieux chrétiens, confucéens, juifs et j'en ai rendu compte dans des livres. C'est ça l'éducation. L'éducation ça doit être une éducation ouverte. Ce n'est pas une éducation de notre religion, de nos principes fermés. Et les musulmans citent souvent un verset du Coran : " Nous vous avons constitué en nations et en tributs pour que vous vous entre connaissiez". Ils demandent aux gens de faire l'effort de les connaitre et ils ne font pas l'effort de connaitre les gens. On ne peut pas continuer comme ça. Il faut au Sénégal comme dans le monde majoritairement musulman que l'éducation soit une éducation ouverte, critique.

 

S'ouvrir au monde c'est aller vers les autres. Croyez-vous au dialogue entre les religions, entre croyants et non croyants?

 

J'ai fait un livre qui s'appelle "Au péril des idées", avec Edgar Morin qui est juif, agnostique et on eu un dialogue extraordinaire. J'ai fait un livre avec Alain Gresh, juif athée  et Jacques Neirynck, chrétien engagé. Le dialogue doit se faire avec tout le monde. Agnostiques, chrétiens, juifs. Avec tout le monde. Le dialogue, c'est la dignité des hommes. Il faut aussi que les musulmanes et les musulmans fassent un dialogue interne. On a besoin d'un dialogue intracommunautaire. Il y a un Islam mais il y a plusieurs interprétations. Il faut qu'on ait un dialogue interne. Cela fait 30 ans que je dialogue avec des chrétiens, des juifs, des athées. J'ai fait une formation  politique où je m'intéressais à Karl Marx. J'ai fait une thèse de doctorat sur Nietzsche qui a dit que "Dieu est mort". Et celui qui a dit que "Dieu est mort" m'a appris ce que ça voulait dire de croire en Dieu. Même si lui dit que Dieu est mort, il m'a beaucoup apporté. Tout le monde a quelque chose à donner, ça il faut qu'on le comprenne . On n'est pas plus fort dans sa foi quand on reste fermé dans son horizon. On est fort dans sa foi quand nos horizons s'ouvrent, quand on est en dialogue. Mais après, il faut être sincère. Le respect de soi, c'est l'humilité quant aux autres, c'est-à-dire avoir  une humilité intellectuelle. Moi je suis pour l'humilité intellectuelle.

 

Ne croyez-vous pas que l'humilité intellectuelle suppose le doute?

 

 C'est ce que je crois. Savoir douter de soi, ça ne veut pas dire douter de ses vérités. Douter de soi, c'est ça qu'il faut engager. C'est ça le parcours spirituel de l'éducation. La spiritualité  dans l'éducation, c'est l'entretien de l'humilité. Je crois que je suis juste, mais vous avez toujours quelque chose à m'apprendre. Il y a toujours quelqu'un sur la terre qui a quelque chose à m'apprendre même dans ses erreurs.

 

Douter de soi  n'implique-t-il pas alors de s'éloigner de l'esprit victimaire qui semble habiter le monde musulman ?

 

Vous avez raison et ça je n'arrête pas de le dire. J'ai écrit un livre qui s'appelle la réforme radicale, éthique et libération. Libération, c'est un mot très important. Il faut qu'on se libère de l'esprit victimaire, de penser que c'est toujours la faute des autres. Le Sénégal est un pays  africain, s'il y a un problème de la corruption, ça ne vient pas de Washington ni de Paris, ça vient d'ici. Si on a un problème par rapport au pouvoir, si on a un problème par rapport aux femmes, c'est pas là bas que ça se passe, ça se passe ici. Si on a un problème avec l'égalité, si on a un problème par rapport à l'éducation, ça se passe ici. Le doute suppose qu'on dépasse l'esprit victimaire. La principale libération intellectuelle passe  par sortir de l'esprit victimaire.  

 

N'empêche que vous êtes parfois suspecté de prosélytisme. Qu'est-ce qui fait courir Tariq Ramadan ?

 

Mais, ma foi d'abord. Je suis profondément croyant et puis la deuxième des choses, rappeler  les hommes à leur humanité. Moi, ce n'est pas dans ma main de faire qu'un chrétien devienne musulman mais c'est de ma main d'être le meilleur témoin de ce que je crois. Quand je rencontre un chrétien je luis dis n'essayez pas de me convaincre mais soyez le meilleur de ce vous croyez.  Dans tous mes livres je cite un homme, Pierre Dufresne qui était profondément chrétien  qui est un défenseur des droits de l'homme. J'ai vu dans son miroir  ce que je veux être dans ma foi intérieure.

Et si je peux permettre à un juif, à un chrétien  d'être plus proche de ses principes, moi j'ai gagné. Je ne suis pas là pour convertir, je suis là pour rappeler que pour être un être humain, avec la foi ou avec la conscience, il y a des principes. Et le premier  principe, c'est  de se respecter. Le deuxième principe, c'est de respecter tous les autres êtres humains.

 

L'islam ne s'opposerait donc pas à la laïcité ?

 

Je n'ai aucun problème avec ça. A une seule condition, c'est que les laïcs appliquent une laïcité égale pour tous et qui n'est pas à géométrie variable. Le problème, ce n'est pas ma compréhension de la laïcité, c'est leur compréhension. C'est comme pour la démocratie . Je n'ai aucun problème avec la laïcité et la démocratie mais  appliquons les pour tous.

 

N'est-ce pas que la démocratie est une grande aspiration des peuples, comme  l'a d'ailleurs rappelé le printemps arabe?

 

Moi  j'ai été  critique par rapport à ça mais il faut aller  vers un vrai processus de démocratisation. Il faut dire une chose, la démocratie, ce n'est pas une structure  politique simplement. C'est une dynamique politique  liée à des considérations économiques. Vous ne faites pas une démocratie viable si 60% de votre population n'est pas éduquée. Vous ne faites pas une démocratie si les rênes de l'économie sont entre les mains des multinationales qui vous étouffent. Quand il n'y a pas d'égalité socioéconomique, il n'y a pas de démocratie. Le problème du monde africain  c'est que tous nos efforts vers la démocratie , s'ils ne sont pas liés à une stabilité économique ne vont pas nous permettre de réussir. C'est pourquoi les rênes de la solution, ce n'est pas uniquement d'aller voter, c'est de demander la justice sociale au niveau de l'accès à l'éducation, à l'emploi. Que voulez vous que j'attende de la démocratie si je suis au chômage toute ma vie ?  Si  on ne me donne pas  ma dignité d'être humain ? Si je n'ai pas la dignité de me nourrir, vous m'avez enlevé le sens de la dignité de voter

 

Le monde musulman regorge pourtant de richesses et  la pauvreté y est criante. Comment appréciez-vous ce paradoxe ?

 

L'Etat du monde musulman aujourd'hui, c'est un vrai scandale. Et le rôle des pétromonarchies, des Etats du golfe, de tous ceux qui sont riches et de l'argent qu'ils n'utilisent  pas pour aider les plus pauvres, c'est un vrai scandale. Il faut regarder cela en face. Il faut être critique  par rapport à cela.


SOURCE:http://www.sudonline.sn/lignorance--et-la-foi-ne-vont-pas-ensemble_a_20340.html