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L'OBS - Rokhaya Diallo, 36 ans, est une des figures de proue de la lutte contre le racisme en France. Elle est aussi une chroniqueuse à succès de la matinale de Canal Plus. Cette jeune femme d’origine sénégalaise, auteure du livre Racisme, Mode d’Emploi paru en 2011, était la semaine dernière à Dakar pour présenter son documentaire : «Les marches de la liberté.» L’Obs l’a chopée pour quelques questions. En aparté…
Pouvez-vous présenter votre documentaire : «Les marches de la liberté»?
Ce film croise les regards entre la France et les Etats-Unis sur les questions identitaires. Il interroge la France trente ans après la grande marche pour l’égalité et contre le racisme qui a eu lieu entre Marseille et Paris en 1983. Le point de départ de ce film, c’est un jeune homme qui est parti aux États-Unis à 21 ans, avec 20 dollars en poche. Il s’agit de Thione Niang, celui-là même qui a fini par travailler dans la campagne de Barack Obama (Chef d’Etat américain). Dans le documentaire, il débarque en France avec un groupe d’Américains à la rencontre de jeunes d’origines étrangères, qui y vivent. D’abord dans le centre de Paris, puis dans les Ministères, à l’Assemblée nationale et de l’autre côté du périphérique, à Clichy- sous- bois, une banlieue populaire.
Pourquoi venir le présenter au Sénégal ?
Il y a plein de raisons symboliques. Mes deux parents sont Sénégalais, et cela me touche beaucoup d’avoir le point de vue de Sénégalais sur ce que je fais. Et puis, ce film traite des conséquences de l’immigration.
Le film débute avec le fameux «I have a dream» de Martin Luther King. Quel est vôtre rêve ?
Mon rêve serait de ne plus avoir à travailler sur les questions de racisme. Au début, c'était quelque chose de militant que je faisais à côté de mon travail. Et puis, cela a pris de plus en plus de place dans ma vie et dans mes engagements. C'est quelque chose qui me fait bouger et qui me motive énormément. Mais c'est vrai que je regrette qu'on en soit seulement là. J'aimerais bien qu'on puisse parler d'autre chose. La marche dont je parle dans le film a eu lieu en 1983 en France. Et c'est assez terrible de voir que plus de trente ans plus tard, on se pose encore les mêmes questions. Je voudrais qu'il n'y ait plus de raison de manifester contre le racisme.
Comment vit et grandit une jeune fille d’origine sénégalaise à Paris ?
J'ai toujours vécu dans les quartiers populaires du Nord de Paris. C’étaient des quartiers avec une grande mixité. Donc dans ma jeunesse, j’ai eu la chance d’être entourée de beaucoup de camarades d'origine étrangère. La question de mes origines ne s'est pas posée avant que je sois adulte et que j'adhère à des sphères ou les discriminations sont telles que la présence de noirs est très marginale. C’est à ce moment-là qu’on a commencé à se focaliser sur ma couleur de peau.
On me posait continuellement des questions sur ma provenance. Et puis quand on est noir, on nous prête certaines qualités, certains goûts, certains défauts évidemment. En fait, moins il y avait de noirs dans mon environnement, plus on me posait des questions de manière récurrente.
Comment gérez-vous vos deux identités, sénégalaise et française ?
Ma mère et une partie de ma famille viennent du quartier de la Médina à Dakar. Mon père est parti pour la France au milieu des années 70. Mais il n'est pas parti de manière volontaire. Il travaillait dans une entreprise française en Sierra Leone. Par la suite, on lui a proposé d’aller travailler en France. Je dirais donc qu’li est venu en France, sans rêve d'eldorado. Ma mère l'a rejoint plus tard dans le cadre des politiques de regroupement familial. Donc, c’est pareil, elle n'est pas venue de gaieté de cœur. Ils ne pensaient pas rester si longtemps en fait. Et puis finalement ils sont restés. Mon frère et moi, sommes nés là-bas et ils ne sont jamais vraiment rentrés. Mon père a fait partie de la main d'œuvre qui a travaillé à la reconstruction de la France, il y a donné beaucoup. Il a eu un accident du travail et a payé de son corps. Par rapport au Sénégal, ils m’ont transmis beaucoup sur la religion. Mais ils ne m’ont jamais parlé en Wolof bien qu'ils parlaient wolof entre eux. Donc je comprends bien cette langue, mais j'ai du mal à la parler. C’est à l’image de ma relation avec le Sénégal. C'est une relation très ambivalente. Je ne me suis jamais demandé qui j'étais. On m’a beaucoup plus posé cette question que je ne me la suis posée.
Vous êtes l’initiatrice des «Ya bon Awards», une cérémonie qui récompense chaque année les pires phrases racistes dans les médias français. Aura-t-elle lieu cette année ?
Oui, il y en aura normalement une, cette année. Actuellement, le plus difficile, c’est de trier les propos à connotation raciste, tellement, il y en a ! Il faut pourtant faire tenir l’émission en une heure et demie ! Cette émission, grâce à l’humour, rend ces propos audibles et accessibles. Cela reste politique bien sûr, mais c’est digeste, tout en montrant à quel point l’espace médiatique français est toujours imprégné de racisme.
Comptez-vous revenir vivre au Sénégal ?
Vivre, je ne sais pas. Mais, je veux prendre la nationalité sénégalaise, j’ai déjà entamé les démarches. Le fait de prendre un visa pour aller dans le pays de mes parents n’est pas quelque chose dont j'ai envie. Cela me permettrait d’institutionnaliser mon lien avec ce pays. La nationalité, c’est une trace tangible de la filiation citoyenne. Je suis très heureuse d’être ici actuellement, et de pouvoir partager ce que je fais avec ma famille. Je remercie les Sénégalais de leur accueil et espère que c’est le début d’une collaboration future.
Propos recueillis par LAURE BROULARD
SOURCE: http://www.gfm.sn/actualites/item/13194-ma-relation-avec-le-senegal-est-tres-ambivalente.html
«Ma relation avec le Sénégal est très ambivalente»
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