La finalité des réformes politiques est souvent de gérer des intérêts personnels en créant davantage de postes à pourvoir à la charge du budget national au profit d’une clientèle politique. La création des Conseils départementaux et la communalisation intégrale auront des incidences financières importantes. Augmentation de salaires, location de sièges, fonctionnement et autres commodités obligent.
L’option institutionnelle prise pour matérialiser la première phase de l’Acte 3 de la décentralisation va engendrer d’énormes charges financières plus qu’elle ne règle les préoccupations locales. Le 29 juin prochain, date retenue pour les Locales, les fruits offerts par le Président Macky Sall à ce niveau seront mûrs. En effet, l’érection du département en collectivité locale est une aubaine pour les clientèles politiques. En lieu et place de 14 présidences de Conseil régional, le nouveau Code général des collectivités locales a consacré 45 Conseils départementaux (dont les trois villes de Dakar, Pikine et Guédiawaye) à pourvoir et à diriger avec toutes les commodités qu’ils charrient. Allusion est faite aux salaires et avantages y afférents, à la location de sièges, aux véhicules, budget de fonctionnement du cabinet, etc. Si la fonction d’élu local était bénévole de nos indépendances jusqu’aux années 2000, l’ancien Président Abdoulaye Wade avait pris un décret fixant des salaires aux présidents de Conseil régional, aux maires, aux présidents de Conseil rural ainsi qu’à leurs adjoints. «Il ne faut pas exposer au détournement quelqu’un qui gère un budget», arguait le prédécesseur de Macky Sall.
900 000 F, 500 000 F, 300 000 F…
C’est ainsi qu’un président de Conseil régional a un rang de ministre. D’ailleurs, ces deux fonctions ne sont pas cumulables comme le dispose l’ancien Code des collectivités locales de 1996. Le maire de ville et de capitale régionale touche encore 900 mille francs Cfa. Leurs homologues des capitales départementales ont droit à 500 mille francs Cfa tandis que ceux des communes d’arrondissement et les présidents de Conseil rural bénéficient d’un traitement mensuel de 300 mille francs. Ils sont tous payés à partir du budget de l’Etat. A cela s’ajoutent des indemnités spécifiques selon la collectivité locale.
Les indemnités
Abdoulaye Wade ne s’était pas arrêté en si bon chemin. Il avait affecté au moins un véhicule à tous les chefs de collectivité locale. Mieux, le «Pape du Sopi» n’avait pas oublié les adjoints. Dans un communiqué publié le 22 janvier 2012, le ministère de la Décentralisation et des Collectivités locales avait informé que le Président Wade venait de signer plusieurs décrets le mercredi précédant, portant hausse des indemnités de représentation des élus locaux. C’est ainsi que l’indemnité mensuelle de représentation des présidents de Conseil rural est passée de 150 000 à 250 000 francs Cfa par mois. Celle des vice-présidents de Conseil rural de 25 000 à 50 000 francs Cfa. Dans les communes disposant d’un budget de moins de 100 millions de francs Cfa, l’indemnité des adjoints au maire et vice-présidents de délégation spéciale est arrêtée à 50 000 francs Cfa. Ce pécule est fixé à 60 000 francs si le budget de la mairie est compris entre 100 et 300 millions de francs Cfa. Elle s’élèvera à 70 000 francs Cfa si le budget dépasse 300 millions et à 80 000 francs Cfa si la mairie a plus de 500 millions de budget, puis à 90 000 francs Cfa dans les communes qui ont un budget compris entre 1 milliard et 10 milliards de francs Cfa. Au cas où le budget de la commune dépasse 10 milliards, l’indemnité mensuelle des adjoints au maire est plafonnée à 100 mille francs Cfa. Même les assistants communautaires avaient une augmentation de 20 000 francs Cfa.
De lourdes charges en vue
Ces agents des collectivités locales devront changer de statut pour devenir des secrétaires municipaux au même titre que les 385 présidents de Conseil rural qui deviendront des maires. Par conséquent, leurs émoluments devront être alignés pour respecter leur dignité de maire quelle que soit la précarité des collectivités locales qu’ils dirigent. A ce titre, on apprend que le Président Sall prépare un décret d’application fixant les rémunérations des présidents de Conseil départemental et des maires. Si les premiers bénéficient des avantages de Conseil régional, les charges de l’Etat seront plus alourdies dans la mesure où Macky Sall devra gérer 45 gros salariés, patrons de département avec le budget de l’Etat à la place des 14 présidents de Conseil régional. Ce sera un gouvernement des collectivités locales. Il faut relever que tous les 42 conseils départementaux devront se résoudre à trouver des sièges. Ce sera là aussi à la charge de l’Etat en ce sens que même les actuels Conseils régionaux ne disposent d’aucune recette propre. Ils ne fonctionnaient qu’avec la subvention annuelle de l’Etat communément appelée Fonds de dotation. Le montant global de cela est calculé à partir de la Taxe sur la valeur ajoutée (Tva) et ne faisait pas 2% de celle-ci. Aujourd’hui, le régime de Sall a l’ambition de porter le taux autour de 4%. La finalité est que les 18 milliards faisant office de fonds de dotation passent à plus de 30 milliards dans les années à venir.
Budgétisation des salaires des Conseils départementaux et des nouvelles communes
Cette hausse n’aura point d’effet sur l’efficacité des Conseils départementaux. Le fonds de dotation n’assure que le fonctionnement des institutions décentralisées comme la région et n’aident nullement à assumer les compétences transférées. C’est plutôt pour honorer des charges fixes, notamment les salaires du personnel de l’institution. Du coup, autant la décentralisation financière et économique est reléguée à la seconde phase de la réforme, autant Macky Sall devra secouer le Trésor public pour trouver des locaux, des véhicules, un personnel, un salaire aux présidents de Conseil départementaux et aligner les présidents de Conseil rural devenus maire et à leurs adjoints. L’incidence financière pour ces changements de statut n’a pas été budgétisée pour 2014. Le président de la République n’a pas trop le choix. Soit, il la prend en charge lors de la prochaine loi rectificative, soit il va recourir à un décret d’avance à défaut de promettre un rappel de salaires aux intéressés en 2015.
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