iGFM (Dakar) Que peut valoir encore l’élection du Premier secrétaire du Parti socialiste, maintenant que la rivale d’OusmaneTanor Dieng, Mme Aïssata Tall Sall, a été évincée de la course d’une manière aussi brutale qu’indécente ? Naturellement plus rien !
Un simple communiqué du bureau politique du PS, émanant de Khalifa Sall, président du Comité de Pilotage chargé d’organiser le congrès, a suffi pour mettre fin à une expérience inédite dans notre paysage politique : l’élection d’un numéro 1 par les militants au suffrage direct.Les espoirs de voir le PS opérer sa véritable mue par la promotion de la démocratie interne se sont envolés.
Les raisons invoquées, les récriminations de Mme Sall sur la sincérité du scrutin, sont tout simplement spécieuses. Elles relèvent de la simple volonté de l’actuel premier secrétaire, Ousmane Tanor Dieng, de garder la mainmise totale sur un parti vieillissant et endolori. Et ce, malgré les revers électoraux répétés de son Premier secrétaire, stoïquement accroché à son poste.
OTD,de son sulfureux acronyme, pensait en fait à faire de cette élection une simple formalité. L’irruption deMme Aïssata Tall Sall, candidate à la surprise générale, a faussé ses plans. L’esquive organisée de Khalifa Sall, que le monde attendait candidat à la compétition, n’avait pas suffi à débroussailler la piste en faveur du manitou socialiste, solide et figé comme un roc. Il fallait aussi, à travers un bien symbolique et formel appel à la candidature libre, donner un semblant de gage et de caution à l’élection.
Mais l’arrière-pensée finale était d’éliminer toutes les velléités de s’opposer à la reconduction d’OTD. En fait, le premier Secrétaire du PS s’est pris les pieds dans le tapis. En dépit de toutes les mesures de verrouillage qu’il avait apprêtées pour organiser, encadrer, gagner légitimement cette élection, « Tanor » s’attendait à faire cavalier seul, pour un cheminement solitaire, sans le moindre adversaire.
Comme au bon vieux temps du PS. Comme au bon vieux temps du Congrès sans débats de 1996 à l’issue duquel, motus bouche cousue, un grand boulevard lui avait été ouvert pour prendre les rênes du parti, donner un dernier mandat à Diouf en 2000… Et se présenter comme son dauphin naturel, non sans avoir écarté les Niasse, Djibo et consorts. Comme on le sait, il en a été autrement. La cinglante défaite du PS en 2000 a révélé la détermination des Sénégalais à refuser le fait du Prince, à travers la dévolution (monarchiquement constitutionnelle) du pouvoir… que Diouf voulait opérer.
OTD intraitable
On avait pensé que la cure d’opposition aurait instruit OTD, l’indéracinable secrétaire général du Parti socialiste. Il n’en a rien été. A preuve, une nouvelle fois encore, ce grand coup de bluff qu’il a servi à ses camarades socialistes, et aux Sénégalais incrédules.Eux qui étaient jusqu’ici persuadés que Tanor, tirant les leçons du passé, allait rendre le tablier et se limiter à des fonctions symboliques.
Ce coup de Jarnac rappelle, à bien des égards, les coups fourrés à travers lesquels il s’était illustré durant les dernières années d’Abdou Diouf. Avec les résultats qu’on sait : l’éviction du pouvoir, l’effondrement politique et moral du PS, réduit au dérisoire niveau de suppôt inconditionnel de l’APR. Au point qu’évoquer des statistiques pour mesurer l’audience actuelle du PS relève de l’inanité.
Des malheureux 40 % de Diouf au soir du second tour de la présidentielle de 2000, il ne reste plus que quelques modiques pourcentages (autour de 11 %) dont la seule évocation ferait remuer Senghor dans sa tombe. Depuis, les déconvenues du PS ne se comptent plus. Au risque de tomber dans la litanie, il est presque devenu superfétatoire de citer la longue liste de départs de cadres, caciques et dirigeants socialistes, exaspérés par la totale mainmise que Ousmane Tanor Dieng exerce sur le Parti socialiste.
Khalifa Sall complice
Comment comprendre le sens du communiqué de Khalifa Sall, éliminant machinalement un adversaire qui a contesté le déroulement d’un scrutin scellé à l’avance ? Le maire de Dakar, bras armé de Tanor, après avoir été son contradicteur ? Qui l’eût cru après ses multiples bravades contre l’omnipotence de Tanor et sa stratégie de reprise en main du PS en déliquescence. Sans doute, Khalifa, lui aussi, se voyant débordé par Mme Sall est allé à la rescousse de OTD, au nom d’un compromis historique entre deux hommes que tout avait fini par opposer.
N’eût été une médiation externe, de haut niveau, que les deux hommes se regarderaient encore en chiens de faïence.Sans réellement connaître les motivations de leurs retrouvailles, après toute une guerre larvée, on peut en déduire cependant que ce rapprochement est aussi surprenant qu’inattendu.
Ce coup d’arrêt brusque au processus démocratique interne est en fait l’aboutissement de tout un processus. Depuis 1996, le PS n’a pas renouvelé ses bases. Après la défaite de 2000, rien de semblable. En 2007 non plus, Tanor, prétextant de risque d’entrisme et de noyautage, joue la montre et laisse pourrir la situation pour faire oublier ses échecs personnels. Les derniers renouvellements opérés lui ont permis de placer ses hommes dans au moins 70 % des cellules de base, représentant autant d’électeurs des 27 000 votants.
Echafaudage machiavélique
C’est seulement à l’issue de cet échafaudage qu’il a décidé d’organiser cette élection, en espérant tout de même qu’aucun adversaire ne s’opposerait à lui. Au passage, il n’avait jamais démenti les rumeurs le présentant comme le futur président d’honneur du PS, décidé à laisser la place à Khalifa Sall, Aïssata Tall Sall, ou encore Serigne Mbaye Thiam.
L’astuce de Tanor se trouve précisément dans cet écran de fumée qu’il a dressé pour tromper son monde. La suite, on la connaît. Alors qu’il s’attendait à un score brejnévien comme seul candidat, Mme Sall a éventré le subterfuge. La complicité manifeste de Khalifa Sall, le silence coupable des membres du corps de contrôle de l’élection, tous obligés de Tanor, sonnent le glas d’une expérience qui apparaît plus qu’une symphonie inachevée, comme un grand coup de bluff et une volonté indécrottable d’accrochage à un poste pour lequel il n’a plus la moindre légitimité.
Que pouvait valoir une élection mal préparée, décidée à la hâte, calée entre les élections locales et le prochain congrès de consécration que Tanor prépare méticuleusement ? Quel sens donner à une élection dont les résultats partiels sont annoncés département par département, et commencés par les zones où les chances du secrétaire général sont les plus prégnantes ? Que crédit accorder à une élection sans débat télévisé public pour permettre à tous les candidats de présenter et défendre un projet de rénovation d’un parti qui en a grandement besoin ?
Autant de questions que Tanor ne s’est pas embarrassé de se poser. La chose qui comptait à ses yeux était de gagner. Gagner à tout prix… Ou peu importe le coût pour un parti en fin de cycle et dont il porte l’entière responsabilité de l’inexorable érosion…
Le Temoin
SOURCE :http://www.gfm.sn/le-grand-coup-de-bluff-de-tanor-symphonie-inachevee-au-ps-un-parti-en-fin-de-cycle/