On le subodorait, on le craignait même. Le colonel Abdoulaye Aziz Ndaw est conduit à l’échafaud. Le ministre des Forces Armées, Augustin Tine, a revêtu hier, devant les caméras de la Télévision nationale, la toge d’un procureur de la République. Le colonel Ndaw est rappelé à Dakar, de son poste d’attaché militaire à Rome.
Des poursuites de tous ordres seront ainsi engagées contre l’auteur du livre Pour l’honneur de la gendarmerie sénégalaise. Le ministre a même prononcé sa sentence de culpabilité à l’encontre du colonel Ndaw. On ne peut s’empêcher de s’étrangler devant les reproches faits à cet officier supérieur de gendarmerie aux états de services bien éloquents.
On lui reprocherait essentiellement d’avoir enfreint les règles militaires en rendant publiques des affaires internes à l’Armée. Qui disait qu’en voulant tuer son chien on l’accuse de rage ?
De combien de lettres le colonel Ndaw a-t-il pris le soin de saisir sa hiérarchie, notamment le ministre des Forces armées et le président de la République, chef suprême des Armées ?
Les autorités de l’Etat n’ont jamais daigné donner une suite aux correspondances du colonel Ndaw, encore moins satisfait ses demandes insistantes d’ouverture d’une enquête ou de le confronter à ses chefs qui l’accablaient de tous les péchés d’Israël.
Depuis son limogeage en juin 2007, le colonel Ndaw n’a eu de cesse de demander des enquêtes ou d’être confronté à ses bourreaux. Il a attendu sept bonnes années sans jamais être entendu. Si ses cris de détresse étaient entendus, certainement qu’il n’aurait pas écrit son livre. Voudrait-on qu’il meure dans une injustice totale comme un parfait imbécile ?
Jamais une oreille ne lui a été tendue. La République l’a abandonné à son sort fait de descente aux abîmes et d’injustice flagrante. Sa vie s’est disloquée et aucune perche ne lui a été tendue. Alors voudrait-on qu’il continue à broyer du noir et à rester stoïque ? Où est l’idéal de justice et d’équité que la République doit garantir à tous ses enfants ?
Franchement, il faudrait défendre le colonel Ndaw qui va passer fatalement pour l‘agneau du sacrifice. Ses révélations sont circonstanciées et tout esprit qui se voudrait juste devrait pouvoir les trouver crédibles. Il a pris la responsabilité de dénoncer des travers qui mettent en péril notre sécurité à tous. A ce titre, il mérite d’être soutenu.
On ne saurait certainement pas préjuger de la véracité de ses affirmations, mais on devrait au moins lui permettre de porter les faits qu’il évoque devant une structure d’enquête. C’est une grave erreur de sceller ainsi le destin du colonel Ndaw. Passe qu’il soit traduit devant une commission disciplinaire, mais alors que fait-on des graves crimes et autres délits contre la sécurité nationale, contre le patrimoine national, contre l’honneur et l’intégrité de l’Armée nationale et de la Gendarmerie nationale ?
Il faudrait aussi faire attention, car le colonel Ndaw n’est pas un idiot, encore moins un imbécile. Il ne manquerait certainement pas de garder des preuves de ses affirmations et comme on peut aisément le deviner, il n’aurait pas encore tout dit. En le sacrifiant de la sorte, on le pousse à faire feu de tout bois et de déballer tout ce qu’il gardait encore. Il suffit de savoir lire entre les lignes de son livre. Il a été au cœur du dispositif de renseignements et de sécurité de l’Etat. Il devrait, à ses différentes stations de commandement et d’officier supérieur, avoir accès à bien des informations. Attention ! Attention ! Attention ! Quand on n’a plus rien à perdre...
Dommage que cet Etat continue de gérer ses «affaires» par l’émotion et quelle émotion grégaire !
Augustin Tine, au nom de l’Etat du Sénégal, a pris fait et cause pour les personnes mises en cause dans le livre du colonel Ndaw. Le ministre des Forces armées se permet de dire que les personnes mises en cause se réservent le droit d’ester en justice.
Pourquoi le ministre s’autorise-t-il à parler ainsi au nom des supposées victimes ?
Et notre pays, qui serait victime des méfaits dénoncés par le colonel Ndaw
SOURCE:http://www.lequotidien.sn/index.php/component/k2/item/33353-le-devoir-de-d%C3%A9fendre-le-colonel-ndaw