Longtemps membre d’un groupe de flamenco très populaire en Espagne, le Sénégalais Sidy Samb avait envie de se sentir africain sur son nouvel album Sunu qui réunit différentes influences de son continent, rompant aussi avec le style plus commercial qu’il avait adopté sur ses précédents disques.
Quand Sidy Samb remonte le temps et fouille dans sa mémoire pour en sortir des souvenirs précis, la réalité revêt parfois des allures de stéréotypes. Sur le rôle du griot en Afrique de l’Ouest, sa fonction si particulière dans la société, la transmission héréditaire des connaissances qu’ils détiennent, le propos a tendance à sembler éculé, usé jusqu’à la trame. Ceux qui naissent dans une telle famille ne sauraient échapper à une forme de déterminisme, répète-t-on à l’envi. Il faut bien reconnaitre que grandir dans un environnement aussi profondément imprégné par certaines pratiques artistiques constitue un remarquable conditionnement : c’est à trois ans que le petit Sidy se met à jouer les percussions, à six ans que la façon dont il danse suscite l’admiration, à dix ans qu’il formalise sa première composition !
De griot à l'Espagne
"Je suis très proche de ma mère”, explique le chanteur quadragénaire. Daro Mbaye, qui lui a donné le jour, a fait une grande partie de sa carrière avec l’Ensemble lyrique traditionnel du Théâtre Daniel-Sorano de Dakar, une institution culturelle gardienne des traditions. Lorsqu’elle y fut affectée, toute la famille a quitté la ville de Louga, à 50 kilomètres au sud-est de Saint-Louis, pour venir vivre dans la capitale. Le jeune homme a vu dans ce déménagement l’occasion de parfaire son apprentissage auprès d’une structure pouvant compléter ce que l’expérience lui avait permis d’acquérir. Avec le ballet du centre culturel Blaise-Senghor, il se plonge dans l’univers de la danse, de la chorégraphie, ce qui l’amène à s’envoler pour l’Espagne à l’approche de l’Exposition universelle organisée en 1992 à Séville, en Andalousie.
Là-bas, lui revient tout à coup à l’esprit un choc émotionnel qu’il avait eu en entendant pour la première fois, des années plus tôt, une chanson de Camaron de Isla, une grande figure du flamenco, longtemps associé à Paco de Lucia. Il réalise qu’il est alors sur la terre natale de cette musique qu’il trouve “hallucinante” et décide de rester. “Je me suis adapté sans difficulté”, confie-t-il. Pour preuve, l’expatriation va durer 23 ans !
Durant toutes ces années, Sidy va assouvir sa passion pour le flamenco, en particulier avec le groupe Martires del Compas au sein duquel il joue les percussions et qui se produit aussi bien aux États-Unis qu’au Portugal, ou même au Midem à Cannes en 1996. “Je me sentais comme un ambassadeur de la musique africaine en Europe, parce que dans tout ce que je faisais, j’apportais ma touche africaine. Mais à un moment, je me suis dit qu’il était temps de revenir à la source”, poursuit Sidy. Et de commencer une nouvelle carrière, cette fois auprès de ses compatriotes, en revenant au pays et en proposant “du mbalax pur et dur”, conforme aux critères commerciaux de l’époque.
Sunu, un album panafricain
Alors qu’il sort un premier album intitulé Askan Wi qu’il considère comme “une carte de visite”, il participe au projet 4.4.44, produit en 2004 par la fondation Youssou N’Dour, célébrant l’indépendance du Sénégal (survenue 44 ans plus tôt, le 4 avril 1960). Deux autres disques suivent, puis l’envie d’aller voir ailleurs commence à nouveau à pointer chez celui qui répète qu’il n’est pas “un musicien sénégalais mais un Sénégalais qui fait de la musique".
Pour présenter Sunu, son nouvel album, il parle d’un “voyage en Afrique” : Guinée, Mali, République démocratique du Congo… Autant de destinations dans lesquelles il s’est donné du temps, guidé d’abord par la volonté de se “ressourcer” et de trouver les “sonorités originales” de ces pays. “Je ne voulais pas rester au Sénégal et chanter un titre en lingala, sans aller sur place”, affirme-t-il, précisant qu’il a composé ses morceaux sur place.
Dans cet effort aux accents panafricains, il a pu compter sur le soutien et les conseils de Mao Otayeck, coréalisateur. Ce guitariste aux origines multiples, qui a grandi en Côte-d’Ivoire et longtemps officié comme pilier du Solar System d’Alpha Blondy, réside désormais à Dakar, après avoir passé quelques années aux États-Unis. Son savoir-faire s’est avéré fort utile, reconnaît le chanteur, surtout pour ce qui est des influences mandingues, très perceptibles sur certains titres. En optant pour une orchestration acoustique judicieuse, prolongeant le choix fait récemment avec succès par son “grand frère” Omar Pene, Sidy Samb se donne aussi les moyens d’ouvrir de nouvelles portes sur la scène internationale.
source: RFI