Les délestages intempestifs, le chômage des jeunes, la cherté de la vie et la volonté de Wade de briguer un troisième mandat les ont agacés. Le titre de Tiken Jah Fakoly les a inspirés. Voilà résumée l’histoire du mouvement «Y en a marre» qui trouble le sommeil du président Wade et de son régime. A l’origine, Cheikh Oumar Cyrille Touré, de son surnom «Thiat» (Ndlr, benjamin de la famille en Wolof), rappeur du groupe «Keurgui». Après avoir muri l’idée, il s’ouvre à ses amis rappeurs dont Malal Tall alias «Fou Malade», Simon, Kilifeu et Cheikh Fadel Barro, journaliste. En février, le mouvement ‘’Y en marre’’ est porté sur les fonts baptismaux.
Ce slogan qui traduit une exaspération fait tâche d’huile. Des milliers de jeunes sénégalais s’y reconnaissent et y adhèrent. Très vite, il s’impose sur l’échiquier politique, aidé d’une opposition minée par des dissensions internes au sein de la coalition «Benno Siggil Sénégal» qui peine à porter les revendications sociales du peuple. Les tee-shirts estampillés du slogan ‘’Y en a marre’’ se vendent comme de petits pains. Le pouvoir voit d’un mauvais œil l’émergence du mouvement. Et ses craintes sont justifiées. ‘’Y en a marre’’ a été le principal artisan de la mobilisation populaire du 23 juin devant l’assemblée nationale qui a contraint Wade à retirer son projet de loi qui devait modifier la Constitution. Cette mobilisation inattendue impressionne l’opposition et la société civile. C’est à juste titre qu’ensemble, elles se joignent au mouvement pour former «Le Mouvement du 23 juin» avec pour objectif de contraindre le président Wade à renoncer à briguer un troisième mandat. Devenu homme à abattre, Thiat est interpellé le 26 juillet par la brigade des affaires générales de la Division des investigations criminelles (la police judiciaire). Trois jours plus tôt, lors du rassemblement du mouvement à la place de l’Obélisque de Dakar où le titre «Y en marre» de Tiken Jah servait de musique de soutien à leur meeting, le rappeur avait tenu des propos jugés offensants au chef de l’Etat en paraphrasant Amadou Hampathé Bâ : «Un vieux peut bien être utile à son pays s’il œuvre dans le bon sens. Mais un vieux qui dit, se dédit ou ment n’a pas sa place dans le pays». Il répondait ainsi à Abdoulaye Wade qui, dans son discours du 14 juillet, avait laissé pantois plus d’un en affirmant «Ma waxoon, ma waxeet» (J’ai dit, je me dedis) faisant ainsi allusion à ses propres propos, en 2007, au soir de sa réélection où publiquement il a annoncé qu’il entamait son deuxième et dernier mandat. Interpellé le 26 juillet et gardé dans les violons du commissariat central de Dakar avant d’être relâché tard dans la nuit du mardi 27 juillet, Thiat n’en est pas à ses premiers déboires depuis la création du mouvement. Tabassés et interpellés avant d’être relâchés pendant la révolte populaire du 23 juin, ses camarades et lui, en tournée à Mbacké, 190 km à l’Est de Dakar, ont été interpellés pour la première fois et interdit sut les antennes de la radio locale. Adulés des jeunes, courtisés par l’opposition, vomis et persécutés par le pouvoir, Thiat et ‘’Y en a marre’’ réussiront-ils à barrer la route d’un troisième mandat au président Wade, surnommé «Laye Njomboor» (Laye le lièvre en Wolof) ? Verdict le 26 février, date de la présidentielle. Pour Thiat, Tiken Jah est «un grand frère dans l’engagement. C’est un modèle pour nous. Nous espérons qu’il va continuer à rester ce qu’il est car c’est important de rester ce qu’on est. Nous le lui demandons vivement. Qu’il ne bouge pas d’un iota de son engagement. Qu’il ne soit pas un reggaeman qui finalement va nous faire des clips avec des dollars et des euros ou un reggaeman qui va rouler dans des Hummer en France ou ailleurs. Qu’il reste dans notre chère Afrique et qu’il continue de représenter notre chère Afrique. S’il continue à le faire, il sera toujours notre idole. Nous le prendrons toujours comme référence. Mais s’il bouge d’un iota, nous le laisserons et nous chercherons d’autres exemples», a-t-il affirmé.
SOURCE: Abidjan.net