I-1- L’OMBRE MUETTE DE L’ESCLAVAGE…
A la faveur de ce « rituel hospitalier », mon attention a été attirée par un fait divers, banal, presque trivial : chaque fois que la tasse de thé nous était proposée, elle était servie par des Négro-Mauritaniens à la vêture « défraîchie », « négligée » et généralement chaussés de « sandales sommaires ».
Autant que nous avons eu à partager « ce symbole de la convivialité des Hommes du désert », la scène s’est reproduite sans que « l’irruption détonante » de ce servant Négro-Mauritanien « dépenaillé» dans le décor « aseptisé » des hauts lieux du pouvoir, n’émeuve personne, ne suscite ni l’attention, ni la manifestation d’une quelconque gêne.
Je me résigne relativement à cette évocation, à n’émettre aucun jugement de valeur, mais à établir avec le recul, un premier et douloureux constat : en Mauritanie, il existe des « Hommes » et des «ombres ».
Les « ombres » sont des personnes dont l’apparition furtive et la soudaine éclipse dans le décor, confèrent un statut « d’automates consentants et s’estimant privilégiés d’être au service des Maîtres, de l’élite…, de la « crème de leur pays(…)». Ce sont en quelque sorte « des figurants » ; mieux, «des ombres de leurs maîtres… » « Elles font partie du décor et n’en sortent que pour y rentrer».
Les « Hommes » quant à eux, sont reconnaissables à leur fière allure, à leur port altier, à leurs « vêtements ». Ils sont visibles sous la lumière du fait de leur position sociale, de leur ascension sociale, de leurs fonctions politiques, de leurs pouvoirs religieux, mais aussi, mais surtout de leur naissance.
Maures « blancs », Arabo-Berbères, Négro-Mauritaniens ou descendants d’esclaves (Haratines), ils sont par leur instruction ou par leur lignage « les maîtres » au sens où ils ne se sentent pas incommodés « par leur ombre »… leur signe distinctif sciemment ou inconsciemment, réside dans la distance qu’ils adoptent par rapport à « l’ombre », en tout cas, la superbe indifférence qu’ils affichent vis-à-vis des « personnes qui s’accommodent de l’ombre ».
Je m’appesantis sur ce fait divers au motif simple qu’il m’a interpellé et permis d’être attentif, pendant la Mission d’observation du CRAN, à tout ce qui se passait à l’intérieur des « lieux convenus » comme à la périphérie des salons feutrés ministériels de Nouakchott. Alerté, je me suis surpris à observer, entendre et marquer un arrêt sur tout ce qui ne se disait pas, mais se vivait, spontanément, et à l’abri de toute idée préconçue ou de tout a priori…
source: Hanoune Diko