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Ven, Nov
mercredi, 09 avril 2014 00:00

EUX & NOUS - PAR MOMAR GASSAMA Sénégal An 54, colonie française d’Afrique

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Cinquante quatre ans ont passé depuis que l’entité coloniale “Territoire du Sénégal” a accédé à l’indépendance. Les actes avaient été signés par les pères de la Fédération du Mali, Mamadou Dia pour le territoire du Sénégal et Modibo Kéïta pour le territoire du Soudan, ancienne appellation de l’actuel Mali. 

 

 

Après plus d’un demi-siècle d’existence et une à deux générations de Sénégalais censés être libres de mener leur destin en direction des choix de société qu’ils auront définis, où en est l’état de la Nation Sénégal?
 
Le chantier de l’émergence mis en œuvre par le nouveau régime deux ans après une deuxième alternance politique peut être une indication : un Sénégal, vieil abonné aux PPTE, pays pauvres très endettés, et qui le revendique pour toujours plus d’aide. L’on aime à rappeler qu’au moment de son indépendance, le pays avait le même niveau de développement que la Corée du Sud qui siège aujourd’hui dans le G20, le groupe des vingt premières puissances économiques du monde. On a dû sûrement, comme la cigale, trop chanté la muse dans la période pendant que la Corée se cherchait et trouvait sa voie.
 
Comme autre indication, on peut aussi noter le chantier en cours des assises du système éducatif dont les piètres performances peuvent être pointées comme une des causes de l’effondrement des valeurs de notre société reconnu par tous. Il y a trente ans, étaient déjà les Etats Généraux de l’éducation et la Formation puis “l’école nouvelle”, mais comme on le sait, l’éducation nationale sera sacrifié sur l’autel du service de la dette...
 
Au tournant du nouveau millénaire, le système éducatif légué par le colon aura peu évolué dans ses objectifs et pire dans ses infrastructures. La carte universitaire était d’une pauvreté affligeante, la population avait quadruplé et rajeuni, le dividende démographique devenait un péril jeune. Une jeunesse qui n’a pas moins d’atouts que celles des autres nations pour performer dans les sciences et industries nouvelles de l’intelligence qui ne requièrent pas de matières premières de son sous-sol.
 
Le changement était dans le discours et le changement reste toujours dans le discours, mieux le mot “rupture” y a la plus grande occurrence ces dernières années. Qu’en est-il de la rupture elle-même? L’indépendance en soi aurait dû être un moment de rupture fondamentale et sa célébration l’occasion institutionnalisée d’un réarmement national. 
 
Rompre avec la colonie pour mieux assumer son propre destin, tel devait être le but de la manœuvre. La tâche est ardue aujourd’hui, elle ne l’était pas moins au moment des indépendances. Nos “pères” de l’indépendance, néo-français d’après-guerre fraîchement sortis de l’indigénat institutionnel, n’étaient pas très emballés par la rupture. Certain président d’ex-AEF tenait à avoir le drapeau français dans un angle du nouveau drapeau de son pays à défaut de rester département français : ce penchant francophile était couvé avec un intérêt peu feint par l’ancienne tutelle. Dans tous les autres pays du pré-carré, selon la formule consacrée, les partisans les plus farouches de l’indépendance nationale, acteurs potentiels de rupture, seront éloignés, - un euphémisme -, des pouvoirs locaux naissants. Chez nous, la rupture incarnée par Mamadou Dia fera long feu...
 
Cinquante quatre ans d’indépendance, cinquante quatre années de ronron politicien : le sur-place sénégalais remonte aux lendemains de ces évènements de 1962 dits “coup d’Etat” de Mamadou Dia. L’occasion, - rêvée? -, pour le président de la République, lassé d’inaugurer des chrysanthèmes, de “changer” en adoptant la constitution de “Papa de Gaulle” comme l’appelait Bokassa qui aimait bien dépenser les maigres ressources du budget de son pays dans le département de sa résidence de vacances en métropole. 
 
La préférence nationale, sujet d’actualité, c’est malheureusement encore et toujours la préférence française pour nombre d’ex-colonisés, dirigeants ou non. La presse nationale nous relate comme des faits divers de société les mouvements d’indignation suscités par des mesures prises et assumées par des pontes de l’Etat, la personne morale de la Nation Sénégal, en faveur d’entités économiques dans la plus pure tradition des pratiques de l’Etat colonial. Etat colonial pour lequel l’indigène ne pouvait être un acteur économique.
 
Tous nos présidents et notre classe politique (la CNRI), des “Bokassa-Bokassa”? Même feu Senghor, l’agrégé de grammaire? Même le pape du Sopi pourtant jugé iconoclaste? Ils auront tous opté pour la constitution de la cinquième république française qui consacre un véritable monarque républicain. Le citoyen le plus indispensable de la Nation, la seule constante, gardien de “sa” constitution qu’il peut bidouiller à “sa” guise pour durer au pouvoir. Dont la seule voix a prépondérance sur la voix de tout un peuple. Qui peut dissoudre l’assemblée nationale, la représentation du peuple détenteur du pouvoir. 
 
Une véritable griserie de pouvoir, de volonté de puissance, le rapport au pouvoir dont parlait l’autre? Dès lors le problème de développement de notre pays : sa classe politique versatile parce que foncièrement prédatrice et le pouvoir politique et son chef qui tient à rester chef de clan? Un clan qui isole et coupe du peuple qu’on est censé servir. Une oligarchie tropicale véritable avatar de l’Etat colonial? Voire.
 
Réussir le changement est un gros défi, à commencer par soi-même ; nos dirigeants gagneraient en leadership à s’astreindre à ce combat interne. Pour une meilleure opérationnalisation de l’exemplarité érigée en mode de gouvernance. Le changement qualitatif, ce serait d’abord l’innovation dans les institutions à commencer par la plus haute, oser rompre avec l’ancienne tutelle en se délestant de cette constitution gaullienne qu’une certaine gouvernance wadienne tant honnie a portée à son paroxysme. 
 
Cela a été déjà dit : sortir d’une histoire qui n’a jamais été la nôtre. Une histoire dans laquelle nous ne sommes jamais entrés, peut-être comme une résistance passive à la domination extérieure. Une nouvelle opportunité s’offre aujourd’hui avec, comme adjuvant allons-nous dire, le PSE et ses engagements de PTF prêts à accompagner le Sénégal, vitrine démocratique de tout un continent, jusqu’à l’émergence. 
 
L’opportunité de faire enfin l’Histoire avec un grand H qui est l’apanage de l’Homme avec un grand H. Réconcilier le pouvoir politique avec le peuple en lui redonnant la main, ce pouvoir qui est le sien, pour créer la synergie tant déclamée, le changement inclusif, la rupture attendue depuis 54 ans. Pour que le peuple ne soit plus un acteur attentiste d’un développement même pas rêvé pour être partagé. Doter la Nation Sénégal d’une constitution avec des pouvoirs équilibrés qui ne pourra plus subir de changements majeurs parce qu’elle sera adossée au “peuple, source de tout pouvoir” dixit la CNRI.
 
Pour cela, et ça a été dit, donner sa prééminence à l’assemblée nationale en élisant le député à la base et non plus sur une liste nationale confectionnée par le pouvoir exécutif censé être sous son contrôle. Conformément à cet alinéa de l’avant-projet de constitution de la CNRI : “Le peuple est la source de tout pouvoir”, dont celui de contrôler ceux qui ont signé un bail avec la Nation, l’exigence de reddition des comptes. L’occasion de donner plus de force à l’acte III qui arrive à point nommé comme un autre adjuvant pour une désignation des députés par le département érigé en circonscription électorale pour une gouvernance plus participative. 
 
Momar Gassama
Ingénieur des télécommunications

 

source: http://www.sudonline.sn/senegal-an-54-colonie-francaise-d-afrique_a_18312.html

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