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Ven, Nov
lundi, 09 septembre 2013 00:00

« C’est une certaine élite privée du « Ruissellement » qui pollue l’atmosphère »

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Confirmé dans ses fonctions de ministre de la Bonne Gouvernance et désormais chargé des relations avec les Institutions, le Porte-parole du Gouvernement, Abdou Latif Coulibaly a accepté pour Sud Quotidien de décrypter le message lancé à travers le nouvel attelage gouvernemental placé sous le sceau de l' « accélération ». Dans cet entretien fleuve qu'il a bien voulu nous accorder, le ministre en profite cependant pour remettre certains pendules à l'heure, au détour des nombreux sujets économique, social, politique que nous avons abordés avec lui.

En tant que porte-parole du gouvernement, pouvez-vous nous dire sur quel levier le gouvernement compte-t-il s’appuyer pour « accélérer » les réformes ?

Le Premier ministre a raison de dire qu’il faut accélérer parce que les Sénégalais sont en attente des réformes du point du vue économique, social. Accélération veut dire que déjà, les procédures étaient engagées par l’ancien Premier ministre et son gouvernement. Il faut maintenant les préciser davantage et avoir le cap sur un document de base qui est extrêmement important et qui a été proposé par le gouvernement pour que dans les 4 ans à venir, on ait une dynamique mais également un cadre permettant de réaliser les promesses faites par le président de la République dans ses engagements politiques. A chaque fois que je suis interrogé sur la question, je suis obligé personnellement de rappeler qu’il y a une stratégie nationale de développement économique et social. Aussi, si vous me demandez sur quels leviers le gouvernement va-t-il s’appuyer, je répondrais que ce sont sur les leviers et les axes stratégiques qui  y ont été définis.

Cela concerne d’abord le levier principal qui est l’agriculture et ensuite le développement industriel. Le président de la République a considéré que le développement industriel qui a été ces dernières années figé dans le commerce avait un peu souffert de la dynamisation des préoccupations fortes relativement aux questions du commerce. Il faut maintenant reprendre en main le processus d’industrialisation du pays. Il ne passera pas nécessairement par une industrie lourde mais d'abord une industrie moyenne de transformation des produits locaux, qui va donner un sens à l’engagement quant au développement de la filière agricole. Il ne serait plus question de prendre un produit brut et le vendre comme tel sans valeur ajoutée, mais plutôt d’y ajouter de la valeur dans une perspective qui nous permette d’exporter à la fois des produits finis en matière agricole. Vous savez nous avons un déficit commercial de l’ordre de 200 milliards de FCfa ou plus par mois ; à la fin de l’année, ce déficit est énorme.

De ce point de vue, il faut transformer les bases de notre agriculture et nous y sommes, d’abord en renforçant la production agricole, en mettant l’accent particulièrement sur deux leviers essentiels : la sélection de semences certifiées, l’augmentation de surfaces emblavées,  une mécanisation réelle et forte de l’agriculture et la mise en place d’intrants adéquats par rapport à nos sols et aux cultures. Et ensuite la mise en place d’une industrie plus ou moins légère qui va favoriser le développement d’unités de transformation moyenne pour se placer sur le créneau des exportations. Nous avons des atouts, des potentialités. Il faut les mettre à la disposition du développement industriel et agricole. Je pense que le ministre en charge de cette question est très conscient de cela. Je l’ai entendu citer souvent l’exemple de l’Inde qui a réussi à mettre des petites unités de transformations qui ont un apport extrêmement important au développement de l’agriculture.
 
Encore faudra-t-il commencer par restructurer les entreprises en difficultés, or à ce niveau, la Cellule dédiée à cette politique n’est pas opérationnelle depuis 10 ans. Alors que faire?
 
C’est un peu ce que je disais à l’entame de mon propos. En réalité l’industrie  a été quelque part le parent pauvre de la politique de développement économique de nos pays au cours des 12 dernières années. La réorganisation des ministères, celui du Commerce en particulier pour fusionner l’Industrie avec les Mines en est une indication claire. Il y a une cohérence d’ensemble sur cette approche qui est une volonté affichée de régler aujourd’hui les problèmes de la redynamisation des structures pour relancer la machine industrielle. C’est le principal challenge du ministre et du nouveau département Industrie et Mines. J’imagine que la prochaine planification stratégique de ce ministère prendra comme axe prioritaire cette question qui vient d’être évoquée. Nous proposons une nouvelle approche pour faire face à cette situation.
 
 Le développement du secteur industriel est important mais il y a aussi le volet social, notamment le coût de la vie et particulièrement les prix des denrées de première nécessité qui, on peut l’imaginer, doivent faire partie de l’ « accélération » ?
 
Je voudrais d’abord dire qu’on ne peut pas assurer un développement économique si on ne parle pas de l’économie dense dans sa réalité. L’économie a une dimension sociale très forte. Quand une population est malade, elle ne peut pas produire ; de même si elle est dans une situation d’insécurité alimentaire. Il y a donc une préoccupation fondamentale par rapport à la mise en place d’une politique de sécurisation alimentaire et même d’autosuffisance alimentaire. C’est important. Toutefois, les politiques relatives aux bourses familiales et aussi à l’assurance maladie universelle constituent également des leviers sur lesquels compte s’appuyer le gouvernement pour donner à la politique sanitaire du pays une perspective nouvelle en dehors du fait qu’une importante politique sanitaire est en cours. La santé de la population dépend par ailleurs de la vigueur de l’économie nationale.

Des statistiques récentes montrent que 62% des Sénégalais sont des pauvres. Il faut inverser cette spirale infernale en permettant aux citoyens de gagner plus d’argent d’abord et de se sentir ensuite dans un environnement social beaucoup plus sécurisé. Il ya quand même un levier important sur lequel le gouvernement a joué, c’est la baisse du niveau d’imposition du citoyen sénégalais qui fait que l’Etat a renoncé à 30 milliards F Cfa par an pour les retourner dans la bourse des Sénégalais. En renforçant de ce point de vue leur pouvoir d’achat, on renforce ainsi la structure sociale du pays.
 
Cette baisse du niveau d’imposition est quelque part annihilée par le coût de l’électricité entre autres prix sur le marché ?
 
Vous reconnaitrez quand même que ce sont les efforts du gouvernement qui ont permis de faire baisser le taux d’inflation qui tournait autour de 3,4% en 2011 à 1,4% à fin 2012; ça veut dire que le coût de la vie a été réduit même si d’autres produits par ailleurs impactent négativement. Vous parliez de l’énergie, il faut mettre en parallèle la politique économique au plan macro qui aboutit à la baisse de l’inflation, mais également de la politique de production énergétique qui, à terme, devrait rendre moins cher le coût de l’électricité par une volonté affirmée de mettre en place le mix énergétique et à moindre coût. Vous le savez, bientôt  des centrales au charbon vont démarrer avec un coût au Kilowatt de 68F Cfa. Si on produit plus d’énergie, on distribue mille énergies à un coût moindre.

C’est un facteur qui va contribuer à baisser les coûts de production d’électricité. On joue à la fois sur l’inflation mais aussi sur des politiques visant à faire en sorte que des secteurs particuliers soient plus rationnels, plus organisés dans leur gestion. La Senelec est toujours déficitaire mais une politique de rationalisation de sa gestion a abouti aujourd’hui à plus de 20 milliards F Cfa d’économie qui permettra de réduire son déficit.  Il y a une stratégie globale concernant l’électricité qui devrait aboutir dans les 5 ans à venir à une inversion du système de production.

On arrivera à une production avec des énergies beaucoup plus maitrisables : le charbon, le gaz et autres produits solaires. Si  bien que les facteurs de production dans les 3 ou 5 ans, au moment où le président va présenter son bilan devant les Sénégalais, seront beaucoup plus soutenables. Ceci dit, vous remarquerez avec moi qu’il y a une nette amélioration du point de vue de la distribution de l’électricité au Sénégal, moins de coupures, moins de délestages. C’est réconfortant. Il faut le reconnaitre même s’il y a des efforts à faire.

L’importance de ce secteur est telle que, aujourd’hui, le président de la République a jugé nécessaire d’en faire un département plein, en l’isolant des mines auquel il était rattaché.
 
On entend bien cela dans le commentaire du nouveau Directeur de Cabinet du Président Macky Sall lorsqu’il parle d’ « autonomie » quant au secteur de l’énergie. Cette « autonomie » signifie-t-elle pour autant que la main de la tutelle ne pèsera plus dans la gestion de ce secteur comme cela a souvent été le cas?
 
Le secteur de l’énergie était noyé dans un grand département ministériel : Energie et Mines. Aujourd’hui, l’Energie devient autonome par rapport aux Mines et par rapport à tout autre secteur. C’est le sens global à donner à l’autonomie.
Il faut interpréter cela dans le bons sens du terme. Du point de vue de l’organisation du secteur, il s’agit d’une responsabilisation plus affirmée. Il ne saurait être question que le gouvernement renonce à exister dans sa responsabilité entière et pleine dans les différentes composantes de l’électricité : la production, la distribution et le transport. Il y a une diversification de l’offre du point de la production mais également une rationalisation dans la commercialisation. Il y a une politique d’économie d’énergie mais également une politique de sensibilisation des populations en termes de paiements et de responsabilités des uns et des autres. Il faut donc interpréter l’ « autonomie » dans le sens positif d’une responsabilisation accrue des principaux acteurs, chacun dans le segment qui le concerne.

Le fait que les décrets mettant fin aux fonctions du PM et nommant Mme Aminata Touré à ce poste n’aient pas été rendus publics ne semble-t-il pas donner raison à ceux qui disent que Abdoul Mbaye aurait plutôt démissionné? Que répondez-vous à cela ?
 
Non (il se répète). Moi, je ne suis pas concerné par ces spéculations. Cependant, la publication d’un décret n’est pas l’équivalent dans sa diffusion publique. Elle concerne le journal officiel. Il sera publié au journal officiel de toutes les manières, mais la diffusion par les médias d’un décret n’est pas une obligation. Il est de coutume et de tradition que le décret soit diffusé et qu’il y ait des commentaires. Un décret est valable dans la seule mesure où il est publié. Et il le sera. Certes c’est une tradition, mais une tradition ne saurait s’imposer comme étant une règle. Il y a un communiqué qui a été lu sur les antennes pour annoncer le départ du Premier ministre. C’est ça le plus important tout en sachant que le décret sera de toutes les manières publié. C’est une obligation légale qui ne dépend pas du président de la République. Il faut évacuer cette question parce qu’elle n’a pas de fondement. Ce décret sera publié au journal officiel comme tous les actes légaux et réglementaires. Par contre, je le répète, la diffusion médiatique n’est pas une obligation. Il n’a jamais été question ni dans la loi, ni dans les règlements, des formes par lesquelles l’annonce aux populations du départ d’un Premier ministre doit être fait. Par contre, le décret qui le démet de ses fonctions subit une procédure légale à laquelle on ne peut déroger.
 
Pouvez-vous nous dire ce qui est reproché à l’ancien Premier ministre?
 
Vous posez la question à un ministre qui est sous l’autorité du Premier ministre. Moi je ne peux pas le savoir. J’ai bien apprécié le raisonnement de Mame Less Camara sur la question. Il dit qu’ « Il faudrait que nous arrivions au Sénégal à dédramatiser la démission ou le limogeage du Premier ministre. C’est dans l’ordre naturel des choses ». Le principe est que le Président nomme un Premier ministre a qui il confie la tâche de conduire l’action du gouvernement, et il peut estimer, en appréciant les faits, qu’il était opportun dans la mise en place de sa politique, de faire partir le Premier ministre ou l’inverse. Le Premier ministre peut lui-même estimer qu’il n’est plus à même, pour diverses raisons, de continuer et de présenter sa démission au président la République. Il n’y a pas lieu pour ce qui me concerne, de verser dans la spéculation. Dans le cas d’espèce, le premier Ministre sortant part et le Président nomme un autre Premier ministre. C’est la constante dans tous les pays du monde.
 
Sauf que l’entourage du président commence à expliquer ce départ pour le moins surprenant. N'est-ce pas gênant ?
 
Comme je n’ai pas le privilège d’être dans l’entourage du président. Je suis sous l’autorité du Premier ministre avec la confiance du président de la République, veuillez me donner la gentillesse de me laisser m’occuper de mon porte-parolat du gouvernement. Je n’ai pas ce privilège de porter la parole du Président.
 
Quelle incidence le « chamboulement » gouvernemental pourrait-il avoir dans le processus du dossier sur la traque des biens supposés mal acquis ?
 
Il ne saurait y avoir d’ « incidence ». Le gouvernement exécute une politique définie par un homme. Il y aura une incidence le jour où il décide de changer de politique en la matière. Mais un ministre, qui qu’il soit, ne peut décider de changer la politique du Président. De ce point de vue-là, le ministre qui arrive exécute la même politique à moins que le président décide de changer. Comme je vous l’ai dit, Je n’ai nullement le privilège encore moins la prétention de parler au nom de qui que ce soit de cette question, mais il m’arrive de par mes fonctions de porte-parole du gouvernement, d’échanger avec le président et je n’ai pas l’impression ni le sentiment qu’il y ait une volonté de ne pas aller jusqu’au bout de cette dynamique de recouvrer des biens qui appartiennent à la nation. Je précise qu’il s’agit d’une « traque » contre des biens, pas contre des personnes. La nuance est importante.
 
Il semble aujourd’hui que vous privilégiez la voie de la médiation pénale, ce que l’opinion récuse fortement depuis le début ?
 
Je dis et je répète. Le plus important c’est quoi ? Que l’Etat utilise toutes les voies de droit qui sont à sa disposition pour récupérer le patrimoine spolié. Jusqu’à la fin des temps l’Etat va se positionner sur ce principe-là. C’est une constante. Les gens semblent croire qu’il y a une évolution. Mais du point de vue de la pratique je n’ai pas vu de changement. Il n’y a aucun changement de politique par rapport à ça. Si vous interrogez les faits, vous vous en rendrez compte. Je parle des faits. La voie non contentieuse de récupération des biens n’a jamais été écartée dans les faits.
 
Est-ce qu’on peut s’attendre à ce que quelqu’un comme Karim Wade pour ne pas le nommer bénéficie de cette voie pour sortir de prison?
 
Il faut comprendre les choses et les replacer dans leur contexte. Il y a une erreur fondamentale ou une confusion faite à deux niveaux. Ce qu’on appelle la médiation pénale intervient avant toute poursuite. Karim Wade est déjà poursuivi et transféré devant la commission d’instruction de la Crei. C’est-à-dire que la médiation pénale ne peut intervenir qu’avant toute poursuite. La confusion c’est de considérer qu’à chaque fois que quelqu’un est attrait devant un Procureur il y a poursuite. Non. Il y a poursuites dans la seule mesure où le procureur de la République qui a l’opportunité de les déclencher considère que son travail est terminé et le transfère à un autre ordre judiciaire qui est l’instruction, qui fait partie ce qu’on appelle les magistrats du siège.

Le procureur devient partie au procès comme la victime elle-même ou le prévenu. C’est important à savoir. Le Procureur ne décide pas à ce niveau. Il ne peut décider que de transférer le dossier à l’instruction. Son pouvoir s’arrête-là. La seule chose qu’il peut faire est de faire appel, comme le prévenu lui-même. Or Karim Wade a dépassé aujourd’hui le stade où il pouvait faire une médiation pénale. Il est à présent au stade de l’instruction et c’est la chambre d’instruction qui décide, pas le Procureur qui, toutefois, peut ouvrir une information concernant d’autres biens mal acquis. Oui, ça c’est possible. Le Procureur peut, demain, s’il découvre de nouveaux biens appartenant à Karim Wade, ouvrir une autre poursuite contre celui-ci.
 
Cependant la crainte des Sénégalais n’est-elle pas justifiée quand ils pensent que dans la plupart des cas des personnes qui transigent donnent le quart de ce qu’ils ont volé et ensuite on les oublie ?
 
Ce n’est pas vrai. C’est d’autant plus faux que malheureusement il y a un amalgame installé dans la tête de beaucoup de citoyens par le fait que, les faits tels qu’ils sont considérés par la Justice ne sont pas toujours véhiculés comme tels. Je sais bien que l’information joue sur le mode du spectaculaire. Au Sénégal tout ce qui n’est pas spectaculaire n’est pas tellement intéressant et ça conduit à une désinformation.

Quand vous dites que vous avez un patrimoine que vous ne pouvez pas justifier ; si vous avez acquis une maison que vous ne pouvez pas justifier en 2000, celle-là qui valait 20 millions FCfa en 2000 vaut peut être 30 millions FCfa en 2013, quand vous justifiez, vous ne justifiez pas 30 millions mais 20 millions parce qu’au moment où vous l’avez acquise, vous aviez des titres qui prouvent que vous l’aviez acquise à 20 millions et l’origine des 20 millions vous l’avez établie. On ne peut donc pas vous demander de justifier 30 millions parce que la maison vaut 30 millions aujourd’hui. On fait souvent la confusion de la valeur vénale actuelle et la valeur vénale au moment de l’acquisition.

Ce n’est la même chose. Votre responsabilité quelque part est de démêler les choses et les expliquer aux populations. Si on vole 1 milliard en 2000 et qu’en 2013 on établit que vous avez 1 milliard ???, ce n’est pas 1 milliard que avez volez, même si on a causé un préjudice de biens matériels et moraux à l’Etat. C’est la même chose en médiation pénale. Quand l’Etat vous dit que vous avez volé 1 milliard et c’est devenu 1 milliard 250 millions FCfa, vous dites non ! L’Etat peut faire des concessions sur les 250 millions FCfa. Mais le milliard que vous avez pris, lui, il demeure. C’est sur les dommages et intérêts qu’il peut y avoir des négociations. Tout de même, la personne qui reconnait avoir volé subit déjà une sanction terrible contre lui-même devant sa famille, devant tout le monde. Vous voyez la complexité du problème.
 
Toutefois cette tendance ne pourrait-elle pas être assimilée à une prime au vol ?
 
Ce n’est pas une prime au vol. Non. Pourquoi a-t-on prévu les procédures et mécanismes non contentieux de conflits. Ça existe. C’est pour être efficace, aller plus vite. On peut considérer que c’est une prime. Comme le législateur l’a prévu, il y a un adage qui dit et le juge le sait très bien, « le législateur ne saurait mal faire ». Tout ce que le législateur fait est bon et conforme à la morale jusqu’à l’avènement d’une autre politique en la matière. Puisque le législateur lui même en 1981 avait écrit dans la loi que si vous êtes poursuivi et que vous collaborez avec la justice et l’aidez à démasquer les enrichis illicites, on vous renvoie de fin de la poursuite. Les mêmes biens que vous avez acquis on vous les restitue. C’est dans la loi. Les gens ne prennent pas le temps de la lire. C’est une autre discussion que de dire que la loi n’est pas bonne ni morale mais on ne peut pas reprocher à l’Etat d’appliquer la loi. Quelqu’un a le droit de demander au juge de la lui appliquer dans telle disposition. Ce n’est contraire ni à la loi ni à la morale et à l’ordre public de bénéficier de l’application de la loi. Au contraire. On dit quoi dans un Etat de droit : respect et application de la loi. Au moment où l’Etat applique la loi conformément aux textes, on critique l’Etat. Si l’Etat ne l’avait pas appliqué on l’aurait également critiqué encore.
 
Quelle garantie à l’Etat de récupérer jusqu’au dernier centime s’il est avéré que quelqu’un a volé ?
 
Le Parquet qui négocie en la matière est une composante de la Crei. Pourquoi pensez-vous que nécessairement quand vous allez en contentieux avec les juges de la Crei, là ça sera plus libre. Attention. Il faut faire confiance au mécanisme lui-même ou pas. Si vous êtes d’accord que les magistrats sont libres et indépendants vous pouvez être d’accord a priori que les gens poursuivis peuvent être relaxés. Si vous êtes d’accord avec le principe, il peut être relaxé parce que le magistrat aura exercé souverainement son indépendance.
 
Ça nous amène à la question du principe de la déclaration de patrimoine. Le Premier ministre actuel s’était prêté à cet exercice. Est-ce qu’on peut s’attendre à ce que cela soit élargi à tous les autres membres du gouvernement y compris vous-même qui êtes en charge de la bonne gouvernance ?
 
Elle qui est Premier ministre l’avait fait sans obligation. Elle ne fera que réactualiser ce qu’elle avait fait. C’était une bonne indication. Aujourd’hui, il reste juste que l’Assemblée nationale revienne en session pour que la loi sur la déclaration de patrimoine soit votée. C’est une obligation pour tous les ministres voire tous les élus de la République. Cette question me permet de clarifier un certain nombre de choses. J’ai entendu dans la presse que dans le projet de loi, tous les parlementaires seront soumis à la déclaration. Ce n’est pas normal. Il n’y a que le bureau de l’Assemblée qui doit y être soumis. Il ne faudrait pas qu’on fasse le contraire même de ce que les députés ont décidé. Il faut savoir que le 28 décembre 2012 les députés ont voté une loi sur la transparence qui prévoit le mécanisme de la déclaration de patrimoine. Dans cette loi, on dit tous les élus et hauts fonctionnaires ; l’élu le plus emblématique de la loi c’est le député, le représentant du peuple.

Comment on pourrait exclure les députés sans violer la loi. Le gouvernement ne fait que se conformer à la loi. La déclaration de patrimoine devient une obligation pour tout administrateur de crédit, ordonnateur de dépenses et administrateur de recettes qui gère un  budget de l’ordre de 500 millions F Cfa. Tous. Ce seuil vise à éviter qu’on en arrive à une situation telle que l’Ofnac qui va recevoir les déclarations ne se retrouve pas avec des déclarations de l’ordre de plus de 2000 ou 3000 fonctionnaires. Ce n’est pas possible. C’est la raison pour laquelle on a donné un délai de trois mois à compter de la date de nomination.

Si on n’avait pas limité, même l’intendant du lycée qui gère un budget de 40 ou 100 millions par an fera une déclaration de patrimoine. Ce n’est pas l’objectif recherché. L’idée est donc de fixer un seuil où le niveau de corruption, de prévarication est potentiellement important. Par ailleurs, il y a la question de ceux-là qui ne gèrent pas des fonds publics alors qu’ils occupent une position sociale ou politique susceptible de les exposer dans une posture où ils pourraient être amenés à être corrompus ou assumer une concussion. Légiférer, c’est prévenir l’avenir. Si vous êtes un élu, votre mandat est irrévocable, si vous refusez de faire votre déclaration de patrimoine où qu’il y a une déclaration inexacte, vous devez rectifier sous peine de voir votre salaire amputé du quart.
 
Le président de la République déclare que le pays n’a « jamais été aussi liquide », pourtant le commun des Sénégalais semble vivre une autre réalité qui a même suscité le slogan « Deuk bi daffa Macky » ?
 
Cette question est totalement dénuée de tout fondement et les statistiques fiables notamment celles de la Dpee(Direction de la prévision et des études économiques) sont là pour le prouver. J’en ai fait un résumé. Si l’on considère les critères macroéconomiques qui permettent de jauger la circulation monétaire dans le pays, les statistiques de la Dpee établissent qu’entre juin 2012 soit juste deux mois après l’entrée en fonction du Président Macky Sall et juin 2013, la masse monétaire qui est la somme des dépôts en banque et chèques postaux ainsi que les pièces et billets en circulation dans le territoire sénégalais, est passée de 2753 milliards de FCfa à 2791,1 milliards de FCfa soit une variation de 1,4%.

Quant à la situation fiduciaire (billets, pièces de monnaie) dans la même période, elle fait état de 597,5 milliards de FCfa contre 575,6 milliards de FCfa en 2012 soit une variation de 4,2%. Pourquoi ? Parce qu’en 2011-2012, les incertitudes politiques et les rétrécissements des investissements, entre autres, expliquent qu’on était quasiment en baisses constantes, en 2013 on redresse. Le mérite en revient au gouvernement mais également à la quiétude et la confiance retrouvées. Prenons un autre critère, l’encours du crédit intérieur qui est la capacité d’endettement de l’Etat, il est établi en juin 2013 à 2355,8 milliards de FCfa contre 2248 milliards de FCfa soit une variation de 4,9% en rythme annuel.  Quant aux crédits à l’économie, c’est-à-dire les crédits octroyés aux entreprises et aux ménages, ils sont à 2208,4 milliards de FCfa en juin 2013 contre 2112 milliards de FCfa en juin 2012 soi une progression de 4,6%. Bref, la liste n’est pas exhaustive mais ces chiffres-là parlent d’eux-mêmes...

Néanmoins le niveau macro ne reflète pas le vécu des Sénégalais…

Quand vous prenez 100 Sénégalais, les 62% sont identifiés comme des pauvres, pauvres hier, pauvres aujourd’hui. Vous avez alors toutes les chances quand vous vous promenez, d’en rencontrer un qui a effectivement le sentiment que l’argent ne circule pas. Parce que pour lui en réalité l’argent n’a jamais circulé parce qu’il est pauvre. Et il va répéter à l’envi que l’argent ne circule pas. Il ya une théorie économique qui considère que la circulation monétaire dans la masse, plus elle est importante, plus la consommation l’est également.

Un autre courant de pensée économique a battu cette théorie en brèche en soutenant qu’il faut plutôt enrichir une élite et par l’effet du « ruissellement » vers la base « trickle-down ». Cette dernière théorie a merveilleusement fonctionné sous l’ancien régime, vous le savez très bien. Il y avait une élite qui tournait autour du pouvoir, qui recevait des milliards qui, par cet effet de « ruissellement », atteignaient les populations quelque part. Ce sont ces gens-là qui, ayant été privés des circuits de cet argent-là et détenant des moyens et des pouvoirs d’information importants, font courir le bruit que l’argent ne circule pas.

L’argent ne circule plus pour eux parce que ces circuits ont été cassés. Pour exemple, on avait budgétisé et investi 24 milliards de FCfa pour les abattoirs de Touba. Ils n’ont jamais été finalisés, où est passé cet argent ? Un potentat du système l’a accaparé et en a fait une redistribution à une échelle réduite. C’est ce phénomène de « Trickle down » qui ne fonctionne jamais pour l’économie mais seulement pour certains individus qui finissent par truster les médias. On est ainsi obligé, face à une certaine désinformation, de donner l’information vraie. Mais le gouvernement a conscience que la situation est difficile et que c’est de mettre en place des politiques socio-économiques qui vont placer le pays sur la rampe du développement.
 
Entretien réalisé par Bacary Domingo MANE Et Malick NDAW
 source:http://www.sudonline.sn/-c-est-une-certaine-elite-privee-du--ruissellement--qui-pollue-l-atmosphere-_a_15408.html

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Lu 27898 fois Dernière modification le samedi, 05 octobre 2013 23:49

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