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Jeu, Nov
dimanche, 10 janvier 2016 00:00

EUX & NOUS - PAR PROFESSEUR BABACAR GUEYE- Analyse juridique des termes du débat autour du projet de refonte constitutionnelle par voie référendaire

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  Le débat suscité par l’allocution du Président de la République le 31 décembre à propos du référendum qu’il envisage d’organiser pour réduire son mandat de 7 à 5 ans nous interpelle en tant que juriste et Président du Réseau des observateurs citoyens (RESOCIT) et du Collectif des organisations de la société civile pour les élections (COSCE) et nous commande d’apporter un éclairage sur les deux points de droit que soulève la mise en œuvre  du référendum en question. Il s’agit de la voie que le Président a choisi d’emprunter pour le référendum et la valeur juridique de l’avis du conseil constitutionnel dans l’hypothèse où il serait considéré par le Président de la République.  

 

L’adoption d’une loi constitutionnelle ou d’une révision constitutionnelle peut emprunter deux voies : parlementaire ou référendaire. Dans le cas d’espèce, le Président de la République a opté pour la voie référendaire et nous nous en félicitons car c’est l’itinéraire qui est conforme à l’état de droit. La voie parlementaire serait une fraude à la constitution. Deux dispositions de la constitution peuvent servir de base juridique pour l’organisation d’un tel référendum : L’article 51 et l’article 103. 

 

 
 
L’article 51 qui semble avoir la faveur du Président de la République dispose en son alinéa premier que le Président de la République peut, après avoir recueilli l’avis du Président de l’Assemblée nationale et du Conseil Constitutionnel, soumettre tout projet de loi constitutionnel au référendum. Elle oblige le Président de la République de recueillir l’avis des Présidents du Conseil Constitutionnel et de l’Assemblée Nationale. Cette disposition peut donc servir de fondement juridique à l’adoption de tout projet de loi constitutionnelle qu’il s’agisse d’une refonte ou d’une révision de la constitution. Il en résulte que le Président de la République est obligé de recueillir l’avis de ces deux autorités. Quant à l’article 103, il est spécialement dédié à la révision constitutionnelle et fait l’objet du titre VII de notre constitution. Il dispose : « L’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République et aux députés. Le Premier ministre peut proposer au Président de la République une révision de la Constitution. Le projet ou la proposition de révision de la Constitution est adopté selon la procédure de l’article 71. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum. Toutefois, le projet ou la proposition n’est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre à l’Assemblée nationale. Dans ce cas, le projet ou la proposition n’est approuvé que s’il réunit la majorité des trois cinquièmes (3/5) des suffrages exprimés ».
 
Par conséquent, une fois le projet de loi de révision adoptée par l’Assemblée nationale au sein de laquelle le Président de la République dispose d’une très large majorité, ce dernier peut soumettre le texte au peuple. Point n’est besoin de consulter le Président de l’Assemblée Nationale ni celui du Conseil Constitutionnel. Cet itinéraire nous parait plus pertinent, plus sûr pour parvenir à la réduction du mandat présidentiel avec effet rétroactif. Il suffisait pour ce faire de mentionner dans le projet de loi soumis au référendum que la réduction envisagée s’applique au mandat en cours.
 
Sur l’avis du conseil constitutionnel : Parce qu’il prévoit une consultation pour avis, le recours à l’article 51 pourrait créer une équivoque, une incertitude quant à la matérialisation de l’engagement du Président de réduire son mandat de 7 à 5 ans en l’appliquant à son mandat en cours. La polémique soulevée par l’annonce du Président de la république en atteste. La question qui se pose ici est de savoir si le Président de la République est obligé de suivre l’avis qui lui sera donné par le Conseil Constitutionnel sur la faisabilité du référendum et l’effet rétroactif de la future loi constitutionnelle ? Pour répondre à une telle question, nous voudrions d’abord faire remarquer que les prérogatives du Conseil Constitutionnel sont l’expression d’une compétence d’attribution qui se décline en deux (2) fonctions : contentieuse et consultative.. En l’espèce, nous sommes en présence non pas d’une compétence contentieuse qui appelle une décision juridictionnelle, mais d’une compétence consultative donnant lieu à un avis. Les juridictions constitutionnelles de tous les pays démocratiques assument ces deux attributions. La fonction consultative est souvent utilisée pour des vérifications particulières, ainsi le Conseil Constitutionnel français émet-il un avis (consultatif) sur la réunion des conditions nécessaires à la mise en œuvre de l’article 16 relatif au pouvoir du Président de la République en cas de crise. De même, en Roumanie, la Cour Constitutionnelle donne un avis consultatif sur la proposition de suspension du Président de la Roumanie de sa fonction. 
 
La compétence consultative consiste donc en des avis émis par le Conseil Constitutionnel. On distingue à cet égard les avis conformes et les avis consultatifs. Les premiers lient leurs destinataires, tandis que les seconds sont purement consultatifs. L’avis conforme ne se présume pas ; il doit être expressément prévu par le texte pertinent1. Or, l’article 51 de notre constitution, comme la loi n°92-23 du 30 mai 1992 sur le conseil constitutionnel n’exige aucun avis conforme de ce dernier en matière de révision constitutionnelle. Quant à l’avis consultatif, il peut être obligatoire, mais non conforme. Autrement dit, le requérant est obligé de saisir le Conseil Constitutionnel, mais l’avis de ce dernier ne le lie pas. En l’espèce, nous sommes en présence de cette seconde hypothèse. Le Président de la République est certes tenu de recueillir l’avis du conseil constitutionnel, mais celui-ci ne saurait le lier. 
 
Notre posture d’acteur de la  société civile nous commande de ne pas tirer de conclusions politiques sur le choix ainsi fait. Mais nous sommes soucieux du maintien du standing du Sénégal comme une des démocraties les plus avancées en Afrique et de la préservation de la paix sociale dans notre pays. Aussi en appelons-nous à un dialogue entre  les acteurs sur cette question pour lever les incompréhensions et éviter tout développement préjudiciable à notre pays.             
 
* Président du RESOCIT et du collectif
des organisations de la société civile pour
les élections
 
1Voir Le Guide de légistique disponible sur le site internet de légifrance dispose à cet égard qu’un  « Un avis conforme (c’est-à-dire un avis auquel l’autorité compétente doit se conformer) n’est exigé que lorsqu’un texte le prévoit expressément. Dans ce cas, l’organisme concerné doit être saisi du projet de texte ou de décision. http://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Guide-de-legistique/II.-Etapes-de-l-elaboration-des-textes/2.1.-Regles-generales/2.1.3.-Consultations-prealables
 
source: http://www.sudonline.sn/analyse-juridique-des-termes-du-debat-autour-du-projet-de-refonte-constitutionnelle-par-voie-referendaire_a_27844.html
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Lu 28958 fois Dernière modification le dimanche, 10 janvier 2016 21:05

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