Engagement politique, ministre conseiller du Président : Assane Diop revient au pouvoir
Écrit par SENETOILE NEWS
Ancien conseiller spécial du secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (Cea), ancien directeur-adjoint du Bureau international du travail (Bit), et ministre de la Santé, du Travail et de l’Emploi dans les gouvernements du Président Abdou Diouf de 1990 à 2000, Assane Diop a gravi les marches du Quotidien pour faire face à la rédaction. Dans la première partie de cet entretien, le nouveau ministre-conseiller du Président Macky Sall évoque sans langue de bois les raisons de son choix de travailler aux côtés du chef de l’Etat. L’ancien secrétaire général-adjoint de l’Organisation de l’unité syndicale africaine explique son départ du Parti socialiste, son adhésion à l’Apr et livre son point de vue sur le débat politique au Sénégal.
Vous venez d’être nommé ministre-conseiller du Président Macky Sall, comment vous avez pu être en contact avec le Président Macky Sall et aussi à quoi vous destine-t-il, à ses côtés ?
Mon contact direct avec le Président - parce que je l’ai connu avant qu’il ne soit Président, quand il était ministre de l’Intérieur - c’est quand j’étais candidat au poste de Directeur général du Bit (Bureau international du travail), il m’a reçu. Je suis venu lui présenter le fait que j’étais un candidat, mon cursus, mon Cv et pour lui dire que je souhaitais son appui total, que c’était très urgent, j’avais accumulé beaucoup de retard sur la campagne elle-même. J’avoue que j’avais été très touché par sa réaction, parce qu’il venait d’être élu président de la République. Il n’avait pas encore d’amis nombreux dans le cercle des chefs d’Etat. C’était compliqué pour lui. Il venait d’arriver, mais il s’est investi totalement.
Il s’est investi et a appelé les chefs d’Etat, c’est un risque politique de demander le soutien de quelqu’un sans pour autant avoir les amitiés nécessaires pour cela, c’était risqué. Donc, il a pris des risques politiques pour moi. Il s’est engagé à mes côtés et a accéléré la machine pour me donner le maximum de chances d’accéder à ce poste de Directeur général du Bit. Dieu en a décidé autrement, je n’ai pas été élu. Mais cette réaction de sa part, j’avoue que cela a été pour moi très touchant. Donc, notre premier contact c’était là.
Ensuite, quand j’ai quitté le Bureau international du travail, je lui ai écrit pour le remercier de m’avoir apporté son soutien et je suis rentré au Sénégal tranquillement. J’ai été appelé aux affaires pour reprendre du service au niveau du Conseil économique pour l’Afrique. Il s’est trouvé qu’il est venu au mois de juillet dernier (à Addis-Abeba) et a reçu en audience le Secrétaire exécutif de la Cea, c’est-à-dire la structure dans laquelle je travaille, pour lui dire qu’il souhaitait l’appui de la Cea pour développer au Sénégal sa politique d’emploi de jeunes et de Couverture maladie universelle. Parce qu’il sait que la Cea est la structure la mieux outillée pour faire des politiques en matière d’emploi et de santé. Mon Secrétaire exécutif m’avait dit : «Ton Président va me recevoir. Comme je ne sais pas de quoi il s’agit, viens avec moi. S’il y a des réponses pour lesquelles tu peux être utile, que tu puisses m’aider». Voilà qu’il lui pose ses problèmes et mon Secrétaire exécutif lui a dit : «Mais, Monsieur le Président vous me demandez quelque chose pour laquelle je compte sur votre compatriote Assane Diop». Donc, c’est comme cela que c’est arrivé et le chef de l’Etat a dit : «Si c’est Assane Diop qui a ce dossier en charge au niveau de la Cea, je pense que cela doit pouvoir marcher et je demande qu’elle (Ndlr : la Cea) nous appuie dans ce domaine».
Depuis lors, je crois qu’il m’a reçu au moins cinq fois sur ces dossiers Emploi jeunes. N’oublions pas qu’au niveau national plusieurs initiatives sur l’emploi des jeunes sont développées actuellement, y compris les préparations pour le forum de la jeunesse, etc. Il y a beaucoup de choses qui se développent sur le terrain que je suis avec intérêt.
Je voudrais dire que nous avons actuellement sur le terrain les meilleurs consultants que nous connaissons, ensuite nous poussons la réflexion sur la filière de l’économie informelle et de l’économie numérique.
Nous lançons une recherche sur l’agriculture et les chaînes de valeurs, nous avons aussi tout ce qui est secteur privé, secteur public, etc.
Nous travaillons déjà sur le terrain avec des macros économistes, statisticiens. Je dirige personnellement la réflexion compte tenu de mon expérience du passé, ce que j’ai appris au Bit et à la Cea depuis que je suis là-bas sur les relations macroéconomiques et sur les relations économiques par rapport à ces questions d’emplois et de Couverture maladie universelle. Donc, nous travaillons déjà sur le terrain.
Au moment où je vous parle, nous avons des équipes aussi dans les régions qui sont en train de récolter le maximum d’informations qui vont nous permettre de décliner des stratégies pour arriver à un plan d’action opérationnel. Le Président m’a dit clairement : «Ce que je veux, c’est un plan d’action opérationnel, pas de rapport théorique». Il veut du concret, quelque chose qu’il peut déjà commencer à mettre en œuvre le plus rapidement possible compte tenu de tout cela.
Nous, notre rôle est de concilier les exigences des fondamentaux économiques avec la demande sociale. Nous pensons qu’à la fin du mois de décembre et la mi-janvier, nous pourrons avoir ce plan d’action opérationnel qui englobe plusieurs ministères. Au moins, neuf seront impliqués avec le patronat, les syndicats et les associations. C’est une grosse machine que nous comptons mettre en œuvre, mais il faut le dire les questions d’emplois sont extrêmement difficiles. Ce n’est pas pour rien que nous avons en Espagne Les Indignés, en France et par ailleurs les gens dans la rue pour des questions de chômage. Mais, je dis que notre marge de manœuvre dans les pays en développement est plus importante que les marges de manœuvre en Europe.
Nous avons encore des leviers sur lesquels nous appuyer, il faut organiser la réflexion et qu’elle soit inclusive. Que tous ceux qui ont des idées qui peuvent aider à faire avancer la machine le fasse, nous serons assez ouverts pour cela. Le Président a décliné son ambition, sa vision et il appartient maintenant aux gens de mettre cela en œuvre.
Le gain politique est déjà là, mais le plus important c’est d’arriver à faire en sorte que tout Sénégalais qui a une compétence dans ce domaine puisse contribuer à la réflexion. Le maître d’œuvre est le ministre de la Jeunesse et de l’Emploi, nous réfléchissons et nous remettons nos propositions, mais la mise en œuvre et l’accompagnement lui appartiennent.
Avec le Président, voilà comment se sont passées les différentes étapes de nos relations jusqu’à ce qu’il m’ait demandé d’accepter d’être son ministre-conseiller et en tant que tel mon expérience sur le terrain au niveau international, régional et national pourra aider à contribuer à la réflexion. Je crois que je le dois à mon Président et à mon pays.
Monsieur le ministre, vous avez parlé des leviers qui existent pour dérouler ce plan d’action opérationnel dont le Président vous a instruit de réaliser. Quels sont ces leviers sur lesquels vous allez vous appuyez pour mettre en œuvre cette politique ?
Je disais qu’il y a plusieurs leviers, je les ai ébauchés rapidement. Il faut que nous discutions avec le plus grand sérieux possible avec le secteur privé. Il faut reprendre la convention Etat-employeur et l’exploiter à fond.
Faire de sorte que tout ce qui est possible comme élément pouvant contribuer à la création d’emploi soit pris en compte. Ça c’est une démarche importante. Ensuite, j’ai parlé tout à l’heure de l’économie informelle. Il faut qu’on regarde dans cette économie informelle tout le potentiel qu’il y a. Et Dieu sait qu’il y en a ! Vous avez entendu par exemple le président de la République parler de commande publique. La commande publique invite à voir tout ce que nous pouvons tirer de l’équipement en matériels de bureau par exemple : les tables, les chaises, les fauteuils, les armoires. C’est énorme ! Nos menuisiers ébénistes peuvent bien le faire.
Dans la confection, la commande publique peut créer des emplois. Même en regardant le milieu artistique, la plupart du temps c’est plus ou moins informel, il y a beaucoup de choses qu’on peut tirer de là-bas. Le transport, le bâtiment. Il y a énormément de leviers sur lesquels nous pouvons nous appuyer mais il faut organiser, réfléchir, amener les gens à contribuer.
Prenez le cas aussi de la mécanique générale, imaginez tout ce qu’il y a aujourd’hui comme garage dans ce pays, les organiser à faire en sorte qu’ils opèrent de manière beaucoup plus formelle, améliorer la formation des apprentis, arriver à ce qu’ils paient le salaire minimum, faire en sorte que les apprentis fassent partie de la Couverture maladie universelle en cas d’accident de travail. L’idée est d’inciter ces activités-là à s’approcher du formel.
Ont-ils besoin de formation complémentaire ? Ont-ils besoin d’espaces plus accessibles ? Ont-ils besoin d’accès au crédit et dans quelles conditions ? Donc il y a plusieurs choses sur lesquelles on peut jouer, mais encore une fois, je ne veux pas anticiper sur le plan d’action opérationnel, vous me comprendrez. Je vous donne seulement la surface, quand au fond maintenant je ne veux pas anticiper sur les conclusions que les consultants et le groupe de réflexion vont déposer sur la table du président de la République.
Ces ambitions que vous déclinez aussi bien sur la santé que sur la politique de l’emploi des jeunes sont-elles en phase avec l’une des ambitions politiques du régime qui sont limitées dans le temps à savoir, présenter un bilan avant les élections ?
Vous savez en matière politique pour un président de la République, c’est de réaliser les ambitions, des promesses de campagne. Il faut reconnaître qu’en matière de promesse de campagne - et ça se retrouve je crois dans le Yonnu Yokkuté - il a mis en exergue ces deux questions-là de manière spécifique.
Donc c’est tout à fait naturel et normal qu’il cherche à les réaliser. Ce sera déjà la première étape de ce qu’il doit au Peuple sénégalais pour l’avoir porter à la magistrature suprême sur la base justement de promesses de ce genre. Donc si la réalisation de ces promesses peut le conduire à aller plus loin vers un deuxième mandat, c’est tout à fait légitime et normal. Donc l’un dans l’autre, les ambitions d’élections peuvent être des ambitions de réélection.
Est-ce que votre engagement auprès du président de la République est celui d’un technicien que vous êtes ou bien est-ce à dire que vous revenez en politique ?
Moi je suis une personne, comme on le dit, entière. Je ne fais pas les choses à moitié ! Je dois dire que j’ai beaucoup réfléchi sur cette nomination comme ministre-conseiller avec toutes les implications possibles. Il faut retenir qu’en acceptant d’être ministre-conseiller, c’est tout à fait difficile pour moi de dire non au soutien politique du chef de l’Etat. La raison elle est simple. J’ai du mal à dissocier mon engagement de soutien au président de la République en tant que ministre-conseiller d’avec mon engagement de soutien politique. Pour moi, c’est difficile. Donc, en acceptant d’être son ministre-conseiller, la logique pour moi c’est d’aller jusqu’au bout et de ne pas m’arrêter à mi-chemin.
Aller jusqu’au bout pour moi, c’est l’appuyer également politiquement. Donc c’est ma conception des choses. Si mon appui politique posait problème, je n’allais jamais accepter d’être son ministre-conseiller. Et là, je voudrais dire quelque chose, parce que nous sommes au Sénégal où les gens analysent beaucoup, anticipent beaucoup et donnent leur point de vue sur tout, ce qui est tout à fait normal. Un : je ne suis pas venu gagner de l’argent. Je remercie le bon Dieu, j’ai fait une carrière internationale pendant plus de dix ans, après avoir été ministre de la République pendant dix ans. Je suis financièrement autonome. Après cela j’ai été appelé encore sur le plan international où je gagne, je le dis clairement, beaucoup plus que les ministres sénégalais. J’ai accepté de tout laisser pour venir appuyer le président de la République parce que je crois que je le dois à mon pays qui m’a tout donné et je le dois au président de la République pour tout ce qu’il a fait pour moi pendant ma campagne. Son appui à ma candidature au Bureau international du travail, ce n’était pas évident pour un chef d’Etat nouvellement élu. Donc, il a voulu quelque chose pour moi. Si j’avais gagné cela, aujourd’hui je serais déjà au Bit à Genève. Qu’est-ce qu’il allait y gagner ? Rien du tout, sinon que le directeur général du Bit est un Sénégalais et lui il est le président de la République du Sénégal.
N’est-ce pas alors une redevabilité ?
J’y arrive ! Je vais répondre à votre question. Donc, je ne suis pas venu gagner de l’argent. Au moins, ca c’est clair ! Deuxièmement, comme je l’ai indiqué, redevable dans un certain sens. Mais surtout en conformité avec son programme et notamment sur ces deux questions.
Moi, je trouve qu’aujourd’hui un président de la République quel qu’il soit, qui a un programme aussi ambitieux pour la jeunesse en matière d’emploi, un programme aussi ambitieux pour sa population en matière de santé, mérite d’être soutenu. Ce sont deux domaines dans lesquels je me sens à l’aise pour pouvoir lui apporter un soutien. Donc redevable, oui, parce qu’il m’a soutenu quand j’étais candidat au Bit. Mais, son programme est conforme à mes aspirations et à ce que je sais faire.
Si j’étais aujourd’hui le Président du Sénégal je me serais inscrit dans la même dynamique : emploi-santé. Je crois que ces deux questions méritent d’être soutenues très fortement. Par la grâce de Dieu, j’ai de l’expérience dans ces deux domaines. Donc il faut, mettre tout cela ensemble pour comprendre pourquoi aujourd’hui je m’inscris dans le cadre de son parti et ensuite comprendre qu’en étant membre de son parti non seulement je le soutiens politiquement mais, je vais me donner à fond par rapport aux domaines que je gère.
Donc vous-êtes un militant de l’Apr ?
Tout à fait ! De manière très claire et très tranchée, je suis membre de l’Apr.
Est-ce que vos anciens camarades socialistes ne seront pas frustrés de cela ?
Peut-être ! Mais, il faut reconnaître aussi, ça c’est important de le souligner, depuis 2000 je ne milite plus dans le Parti socialiste. Parce que mes fonctions internationales ne me le permettaient pas.
Depuis que je suis rentré au Sénégal, j’ai observé la scène politique et ma conviction est forte que je ne vois pas dans le débat politique aujourd’hui une proposition de programme meilleure que ce que j’ai vu dans le Yonnu Yokkuté. Donc si je ne vois pas un programme meilleur et que je me retrouve du point de vue de mes compétences par rapport à ce qui est mis en place, on comprendra mon appui à ce programme-là.
On ne peut pas parler, je crois, de transhumance. Quelqu’un qui n’a pas vu la carte d’un parti politique pendant douze ans, il avait cessé ses activités politiques oui ou non ? Donc je reprends mes activités politiques sous une nouvelle bannière. C’est différent de quelqu’un qui est dans un parti aujourd’hui et le lendemain ou le mois suivant est dans un autre. Il faut reconnaître quand même qu’il y a eu une rupture d’actions politiques de treize années entre 2000 et 2013.
Vous aviez gelé vos activités politiques, mais vous n’aviez pas officiellement quitté le Ps…
Non, ce n’est pas que j’avais gelé, j’avais arrêté. J’avais arrêté totalement. Je ne pouvais même pas militer.
Comment comptez-vous reprendre votre base politique, après douze ans d’arrêt de toute activité politique ? Est-ce que vous allez militer dans le Kaffrine, lors des prochaines Locales ?
Moi, je suis du département de Koungheul et de la région de Kaffrine. Et je crois que, toute humilité mise à part, j’ai eu à être très collé à ma base politique. Et même quand j’étais sur le plan international, chaque année j’étais au Sénégal et quand je suis au Sénégal, je suis régulièrement chez moi.
J’ai entretenu les meilleures relations possibles avec mes amis à Koungheul. Je crois que c’est trop tôt de dire ce que je représente là-bas encore, on le verra dans les prochains jours. On verra bien si Assane Diop est encore ce qu’il était à Koungheul ou pas.
Mais c’est évident que vous allez vous présenter aux prochaines élections locales ?
Non, ce n’est pas encore dans mes cordes, franchement.
Quelque part l’Apr aura besoin d’un poids politique important comme vous dans la zone…
Nous avons sur le terrain à Koungheul, très franchement, de jeunes cadres qui sont bons et qui travaillent pour l’Apr. Je ne vois pas l’intérêt à les bousculer. Il n’y a aucun intérêt. Ils sont bons, ils travaillent encore une fois. Et ce qui est important aujourd’hui, c’est que nous puissions tous ensemble nous mettre autour du Président, avoir une unité, pas de façade, ça ne peut même pas… (Il ne termine pas la phrase). Je ne pense même pas qu’il y aura une unité de façade. Je les connais tous un à un, c’est des gens sérieux. Et je pense que tout le monde comprend aujourd’hui que ce qui est important, ce n’est pas une personne qui soit ici ou là.
Ce qui est important c’est avoir dans notre localité un parti suffisamment soutenu et fort pour arriver à faire des résultats importants, surtout, je le dis encore une fois, pour l’élection présidentielle. Pour moi les élections locales, c’est tellement local comme son nom l’indique que l’essentiel c’est d’appuyer les gens qui se seront mieux positionnés. Moi, je veux bien appuyer quelqu’un qui est fortement positionné par rapport aux autres. On va travailler ensemble, on va regarder qui est-ce qui peut le mieux conduire les destinées de l’Apr au niveau des communes et des communautés rurales. Mais je ne veux pas anticiper.
Permettez-nous juste d’insister sur la question parce qu’à Kaffrine le Conseil régional est dirigé par le Pds, la mairie par le Ps. C’est dire que personne n’émerge au niveau de l’Apr et si on faisait appel à vous, est-ce que vous seriez prêt après 10 ans de gel politique, à représenter l’Apr ?
Je crois qu’il ne faut pas trop anticiper sur cette question-là. Pourquoi ? Le problème ce n’est pas ma personne. Le problème, c’est de mettre l’Apr en ordre de bataille pour gagner ces élections-là. Et pour mettre l’Apr en ordre de bataille, je dis que le potentiel est là. Maintenant il faut arriver à avoir, pas une armée polonaise, mais avoir en tout cas une équipe fortement soudée, cohérente dans son approche, solidaire dans son action et ça on peut le faire. Moi, je travaille à cela. Mais anticiper sur le Conseil régional, la commune etc., je crois que c’est poser des problèmes qui n’existent pas encore. Maintenant quand on arrivera là, nécessairement nous réglerons ces questions-là. On n’y est pas encore.
Et vous arrivez à la Présidence dans un contexte où les ministres-conseillers s’en vont. Est-ce que cela ne vous a pas interpellé ?
Je pense que je ne connais pas les raisons profondes des départs des uns et des autres. Mais un président de la République a son administration, disons des gens sur qui il s’appuie pour mener sa politique et son administration au niveau de la présidence de la République.
Un ministre-conseiller comme son nom l’indique est pour conseiller le Président. Quand on conseille le président de la République, la première des choses c’est l’humilité. Personne n’a le monopole du savoir. Donc conseiller le Président, c’est lui donner des indications, des fiches techniques, des éclairages, mais la décision revient au président de la République qui peut faire usage des recommandations de son conseiller à 10, 50, 80, 100 pour cent ou alors dire : «Cette recommandation, pour l’instant, je la gèle.»
Si chacun joue son rôle de conseiller, normalement il ne devrait pas y avoir de problème. Et j’entends moi, en ce qui me concerne, jouer mon rôle de conseiller, un point, un trait. Parce que si je ne sors pas de mon rôle de conseiller, je ne vois pas pourquoi je devrais avoir de problème avec le Président.
Vous risquez de faire des jaloux parce qu’une fois nommé, la machine a été mise en branle pour vous donner tout ce dont vous avez besoin apparemment ?
Enfin, disons que c’est un peu le hasard du calendrier. (Rires) Il faut dire que tout ça c’est passé au même moment. Mais j’avoue que ce n’est pas maintenant, tout de suite que j’ai… (Il ne finit pas son propos) J’ai déjà parlé de ça avec le Président, on a discuté de cette affaire de ministre-conseiller, ce n’est pas vendredi dernier, on en a parlé et reparlé. C’est maintenant qu’on l’a mise en œuvre. Donc ce n’est pas pour remplacer quelqu’un qui est parti, non, non, non.
C’est une troublante coïncidence…
Moi, je parlerai de hasard du calendrier.
En politique, surtout…
Vous savez , nous sommes dans un pays comme je le dis, particulier. On ne peut pas empêcher les gens de cogiter, d’analyser, d’interpréter, de poser des questions, d’anticiper. Nous sommes dans un pays où les gens sont politiquement très intéressés. Tout acte est analysé. Je sais que tout le monde ne sera pas d’accord avec ce que je suis en train de dire, mais je respecterai ceux qui ne sont pas d’accord avec ma démarche. Je demande aussi à ce qu’ils respectent ma démarche, c’est le moins que l’on puisse dire.
Que ceux qui acceptent ma démarche puissent m’accompagner dans ce que je vais faire. Mon appel c’est ça, que les gens respectent mon choix qui est personnel et légitime et que je respecte aussi leur façon de voir. Ça c’est un minimum que je peux demander et maintenant le reste on verra au fil du temps que les choses se passeront de la manière la plus normale et qu’entre un ministre-conseiller du Président et un acteur politique, c’est difficile. J’ai du mal à séparer les deux, donc comme je suis entier de nature, je prends les deux.
Quel est votre regard aujourd’hui sur le débat politique au Sénégal ?
J’avoue qu’aujourd’hui le débat politique au Sénégal est un peu pollué par la politique politicienne. Et je pense que nous devons au Peuple sénégalais et à notre démocratie une discussion politique plus sereine, une discussion politique qui porte sur ce qui a de plus important sur notre pays, c’est son développement. Un débat politique serein parce que porteur même des valeurs de notre culture et du respect des institutions de la République.
Je pense que nous pouvons exercer pleinement notre liberté de ton, notre acquis démocratique tout en respectant les institutions de la République. Parce qu’on le veuille ou pas un président de la République est là aujourd’hui, d’autres l’ont précédé ils sont partis. Donc nécessairement la roue tourne. Après deux mandats, il laissera la place à quelqu’un d’autre. Donc il faut arriver à faire en sorte que ce soit le chef de l’Etat, que ce soit les ministres, le président de l’Assemblée nationale, le président du Conseil économique et social, que ce soit ceux qui représentent la République qu’ils puissent être respectés dans leur fonction. Ce qui n’enlève en rien encore une fois la liberté de ton, la démocratie et la liberté de dire ce que l’on pense.
C’est pourquoi je pense très sincèrement que la presse a un rôle extrêmement important à jouer dans ce cadre précis. Parce que c’est la presse qui suscite le débat politique, le débat économique, le débat du développement. Arriver à faire le maillage avec la nécessaire information politique, le débat économique et de développement qui importe le plus pour le Sénégal, nous devons essayer de tirer vers cette direction. Et c’est en ce moment qu’on se rendra compte qui est-ce qui porte des ambitions réelles et qui est-ce qui porte des orientations capables de faire décoller ce pays-là ? Qui est-ce qui porte les stratégies pour arriver vers un Sénégal émergent ? Je pense que c’est sur ces questions-là qu’on devrait être invité à discuter aujourd’hui.
Quel que soit le responsable politique qui s’exprime, on devra pouvoir lui demander quelles sont ses stratégies en matière d’emploi, en matière de protection sociale, de santé ? Quelle est sa stratégie en matière de politique agricole ? Et qu’il y réponde, et par quel moyen il pourra le faire ? Il ne s’agit pas seulement de dire : ‘’Je ferai…’’ C’est facile. On devra lui demander : ‘’par quels moyens vous allez le faire ?’’ S’il dit : ‘’je mets tant de milliards’’, le journaliste doit pouvoir lui dire qu’il y a déjà tant de milliards déclenchés, ‘’le budget est équilibré en ceci, en cela ; où est-ce que vous allez trouver l’argent ?’’ Mes amis électeurs vont me le donner, ça ce n’est pas la réponse.
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