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Jeu, Nov
vendredi, 31 janvier 2014 00:00

Bus brulés, vols de plaques, téléphone au bureau : Quand les Sénégalais abusent du Bien public

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On n’a pas besoin des conclusions d’une étude ou d’un séminaire pour faire le constat, car il saute aux yeux depuis quelques années. Certains Sénégalais ne respectent pas le bien public. Ils n’hésitent pas  à uriner dans la rue, saccager  les bus Dakar Dem Dikk, utiliser abusivement dans leurs bureaux ou à la cité universitaire l’eau, le téléphone et l’électricité, refuser d’emprunter les passerelles pour traverser la route, voler les lampadaires de l’autoroute et des grandes artères de la capitale, subtiliser les avaloirs et les plaques... Tous simplement parce qu’ils considèrent  que tous ses biens appartiennent à tout le monde, à l’Etat, donc  à personne. 

 Résultat, l’incivisme érigé en règle par ces indisciplinés coûte cher au Sénégal, ne serait ce que sur le plan économique. Sans compter l’image qu’il donne du « Pays de la Téranga » ou encore le danger qu’ils font courir aux honnêtes citoyens. En attendant « le réajustement civique « pour ces indisciplinés dont parlait l’avocat Me El Hadj Mame Gning, le dossier que nous vous présentons atteste de l’ampleur du mal.  

Vols des plaques en fonte et des avaloirs  : L’Etat et les contribuables payent des pots qu’ils n’ont pas cassés     
La fréquence des vols des plaques en fonte et  des avaloirs n’est pas retombée. L’Office national de l’assainissement du Sénégal (Onas) est pris dans la contrainte du renouvellement récurrent de ces couvercles aux frais de l’Etat et du contribuable. L’occurrence de ces actes inciviques est symptomatique de l’attitude peu catholique que certains ont vis-à-vis du bien public. 

Des ouvriers de l’Office national de l’assainissement du Sénégal (Onas) en tenues bleues discutent accoudés ou assis dans les pick-up près du bassin de traitement tertiaire de la station d’épuration de Cambérène. D’un moment à l’autre, ils seront sur le terrain pour une intervention. A chaque jour, son lot d’interventions. Au premier étage de ce bâtiment, Abidine Diakhaté fait face à son ordinateur. La sérénité qu’il affiche trahit les dures réalités du secteur qu’il gère. Quelques minutes plus tard, un élément vient lui rappeler les réparations  à faire près d’une mairie. La vie de ses éléments est rythmée par des interventions. « Le vol de plaque des regards se poursuit. C’est un phénomène qui prend de l’ampleur, parce que c’est une matière qui est revendue depuis que le marché de la ferraille a été ouvert au Sénégal  », dévoile le chef de service de la région de Dakar de l’Onas, Abidine Diakhaté. Le technicien parle de cette problématique avec préoccupation. Des quartiers comme la Médina ont une réputation peu enviable. Cette agglomération détient la triste palme de renouvellement des plaques et avaloirs. « Dans ma zone, je renouvelle en moyenne 3 plaques par semaine. Dans le quartier de la Médina, vous pouvez changer une plaque aujourd’hui et revenir le lendemain voir que celle-ci est enlevée, parce que nous avons un réseau unitaire qui est vétuste. On l’ouvre souvent pour mettre des eaux usées et des ordures », dit le technicien. 
Une grille avaloir au milieu de la chaussée coûte 126.000 FCfa alors que la plaque en fonte installée sur les accotements est facturée à 85.000 FCfa. Mais qui paye ces pots cassés ? « Le coût des renouvellement est supporté par l’Etat et par les impôts. Le vol des avaloirs peut être à l’origine de la destruction des cardans des voitures. Par inattention, des personnes peuvent se briser des jambes », regrette-t-il.           

L’autre vocation du réseau des eaux usées 
 Une carte sur un tableau donne une vue globale du réseau  de Dakar. L’Office national de l’assainissement du Sénégal (Onas) a un réseau linéaire de 600 km d’eau usée et à chaque 30 mètres, il y a un regard fermé avec une plaque en fonte. Dans plusieurs quartiers de Dakar, certains Sénégalais ont donné d’autres vocations au réseau d’évacuation des eaux usées. « Chaque mois, nous curons au moins 18 km de notre réseau à cause des obstructions. Beaucoup de personnes déversent des ordures dans les conduites », souligne Abidine Diakhaté. Le curage est facturé à 1.500 FCfa par kilomètres carré. Cette somme peut paraître modique pour certains. Mais le cumul depuis la création des réseaux usés aidera à évaluer le tribut que certains font payer à l’Etat et à d’autres Sénégalais. Dans la rue, comme à Yarakh, Boubacar Diallo s’alarme de l’attitude de ceux qui ne se soucient pas du bien public. « Ce n’est pas normal que d’autres cherchent à se faire de l’argent sur le bien public. Ce n’est pas aussi juste que des Sénégalaises et des Sénégalais transforment des conduites en dépotoirs d’ordures. Ce sont des comportements qu’il faut dénoncer », pense-t-il. Dans le huppé quartier des Maristes, les résidents ont l’air pressé. Ils  cherchent  à prendre au plus vite un bus ou un taxi pour aller vaquer à leurs occupations. Ici, les rares interlocuteurs indexent le manque de civisme. « Chacun dit que c’est un bien public, donc il se désintéresse. Il est temps que l’on change », déclare Sabir Sow, à travers ses lunettes sombres. En réponse aux vols, l’Onas a déposé des plaintes dans plusieurs commissariats de police ou brigades de gendarmerie du Sénégal. Certains fautifs ont été traduits en justice. La réflexion est en cours pour trouver des solutions durables. Parmi elles, l’introduction des plaques composites.

Par Idrissa SANE

Bécaye DiopCasse des bus dakar dem dikk : 150 véhicules saccagés depuis 2001, selon le directeur général
En 13 ans, plus de 150 bus de la société Dakar Dem Dikk (Ddd) ont été saccagés et  10 calcinés. Cela, par la seule volonté d’étudiants et de certaines personnes qui, pour montrer leur mécontentement, n’ont rien trouvé d’autre que de s’en prendre à ces véhicules dont le coût unitaire est estimé entre 65 millions et 120 millions de FCfa.   

La scène est quelque peu ubuesque et l’image choquante. Il y a deux semaines, sur une chaîne de télévision privée de la place, un étudiant de l’université Gaston Berger de Saint-Louis a été filmé en train de briser le pare-à-brise d’un bus du Centre des œuvres universitaires de Saint-Louis (Crous) à l’aide d’un gros caillou. Après son forfait, et sans se faire du mouron du tout, le faux brave vient au devant de la caméra pour se vanter et cautionner son geste. Il voulait à travers cet acte, a-t-il dit, manifester ainsi son opposition contre le protocole d’accord que le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a obligé leur université à signer. 
De tels actes gratuits contre les biens publics sont de plus en plus fréquents dans les universités sénégalaises. Si à Gaston Berger le cas narré plus haut peut-être considéré comme un fait rare, en revanche, à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, des scènes de bus saccagés ou brûlés sont devenues monnaie courante. Et les véhicules qui font le plus les frais du courroux des étudiants, ce sont bien les bus Dakar Dem Dikk. A chaque grève à l’Ucad, surtout quand il s’agit de réclamer le paiement des bourses, ces bus deviennent une cible privilégiée. Dans un premier temps, les étudiants les « kidnappent » et en font une monnaie d’échange. Au bout de quelques heures, si le chantage ne porte pas ses fruits, ils passent à la vitesse supérieure en les saccageant. Au plus fort moment des violences, il n’est pas rare de voir à l’intérieur du campus, surtout au pied du pavillon B, un bus aux vitres réduites en miettes, aux pneus dégonflés et au carrosse tagué, à défaut d’être calciné. 
Cette vilaine habitude des étudiants a fait des émules. En 2012, des féaux du guide religieux, Cheikh Bethio Thioune, mécontents de l’incarcération de ce dernier, ont brûlé deux bus Dakar Dem Dikk et volé les recettes.  « C’est un préjudice énorme pour la société. La détérioration du matériel réduit l’offre, cause un déficit des recettes, hypothèque l’avenir de l’entreprise et précarise l’emploi à Dakar Dem Dikk. Car, il ne faut pas oublier que chaque bus prend en charge 7 emplois, ce qui veut dire que chaque bus saccagé met en péril autant d’emplois », se désole Mamadou Goudiaby, secrétaire général de l’Union démocratique des travailleurs de Dakar Dem Dikk (Udt.3D), l’un des syndicats-maison. Il trouve paradoxal le fait que ceux qui cassent les bus sont les mêmes qui, après, se retournent pour réclamer au gouvernement la création d’emplois. 
Selon le directeur général de cette société de transport public, en l’occurrence Dame Diop, depuis la création de Dakar Dem Dikk en 2001, plus de 150 bus ont été saccagés et 10 autres complètement calcinés.  Si l’on sait qu’un bus coûte entre 65 millions et 120 millions de FCfa, et que les frais de réparation de chaque bus endommagé varient entre 500.000 FCfa et 2 millions de FCfa, les préjudices et dommages que causent les actes de saccage à cette société sont énormes. « Chaque bus saccagé entraîne des coûts de mobilisation et de réparation énormes, cause une baisse des recettes,  augmente les temps d’attente au niveau des arrêts. Sans oublier que les hôpitaux de Fann et d’Abass Ndao ne sont pas desservies car nos bus sont obligés de changer de trajet pour éviter toute casse », regrette le Dg de Dakar Dem Dikk. Aujourd’hui, le parc ne compte que  quelques 130 bus roulants, soit beaucoup moins que le nombre de bus garés du fait d’actes de violence gratuite. A l’évidence, les spots de sensibilisation diffusés sur les écrans de certain de ces bus et les nombreux appels au sens du respect des biens publics n’y font rien.

Par Elhadji Ibrahima THIAM

VOLS ET ACTES DE SABOTAGES DES LAMPADAIRES : Le lourd préjudice subi par la mairie de Dakar

Plusieurs vols de lampadaires sont enregistrés sur l’autoroute à Dakar, contribuant à rendre la zone très dangereuse la nuit. Agressions, sabotages etc… sont monnaie courante sur cet axe routier. Tout cela est le fruit de l’incivisme de citoyens malveillants et peu soucieux du bien public.

C’est un secret de Polichinelle, il n’est pas bon de tomber en panne sur l’autoroute à certaines heures. Surtout la nuit, période où voleurs, agresseurs ou autres personnes malveillantes y élisent domicile. Ils sont nombreux les automobilistes dont les voitures sont tombés en panne et qui ont eu la désagréable surprise de croiser sur le chemin une bande de voyous qui sévissent sur l’axe Malick Sy-Patte d’Oie. Profitant de l’obscurité de la nuit, ces bandes agressent d’honnêtes citoyens qui rentrent chez eux après une dure journée de labeur. Et pourtant, sur cet axe de l’autoroute, pas moins d’une centaine de lampadaires sont installés, mais aucun ne fonctionne. Les voleurs de câbles sont passés par là, en démontant tout le matériel permettant à ces candélabres d’éclairer la voie. 
   En plus du cuivre que cherchent les voleurs, tout le matériel de l’armoire de commande composé de contacteurs et d’horloge en général est emporté et revendu dans le marché noir. Pourtant, selon le directeur des services techniques (Dst) de la Ville de Dakar, Serigne Lèye Thioune, un seul candélabre peut coûter aux environs de 1,5 million de FCfa. Ce chiffre, rapporté à la centaine de lampadaires installés sur l’autoroute, renseigne sur le préjudice subi par la Ville de Dakar. Mais ce n’est pas seulement l’autoroute qui est saboté de cette façon. 
Plusieurs avenues de la capitale sont aussi plongées dans le noir, compromettant la sécurité des populations. Pourtant, de 2008 à nos jours, rappelle Serigne Lèye Thioune, la mairie de Dakar a réussi à se doter d’un puissant réseau d’éclairage public de 15.000 lampadaires, pour un investissement global de 30 milliards de FCfa. Parallèlement à l’éclairage public, la nouvelle équipe municipale a injecté une enveloppe de 2,140 milliards de FCfa pour l’installation de feux de signalisation. Mais aujourd’hui, avec l’incivisme des populations, les vols commis çà et là ainsi que les actes de sabotage, le préjudice subi par la mairie de Dakar est presque incalculable. « C’est un préjudice extrêmement grave que la ville subit, analyse Yoro Bâ, 3ème adjoint au maire de la Ville de Dakar. » Selon lui, les populations ne se rendent pas compte que quand la ville n’est pas éclairée, ce n’est pas faute d’avoir mis les moyens,  mais à cause des personnes mal intentionnées. Ainsi, pour Yoro Bâ, c’est le rapport des Sénégalais avec le bien public qui doit être revisité. Pour ce faire, il estime qu’il faut une éducation forte pour amener les citoyens à comprendre que le bien public n’appartient pas à l’Etat, mais à eux-mêmes. Une éducation qui doit être inculquée au sein de la famille, à l’école ou encore dans les écoles coraniques, les  « daaras ».

Par Maguette NDONG

UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP : Le « temple » du gaspillage de l’eau et de l’électricité

« Le temple du savoir » qu’est l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) est aussi un lieu où le gaspillage d’eau et d’électricité est monnaie courante. D’où la nécessité d’une meilleure gestion pour rationaliser les dépenses publiques.

L’Université Cheikh Anta Diop de Dakar semble être un lieu de non droit. Des étudiants et des agents de l’administration et des services gaspillent l’eau et l’électricité. Ici, le mauvais usage  des biens publics est presque considéré comme une pratique normale. « C’est l’Etat qui paie ». Cette expression retentit souvent dans les couloirs des pavillons universitaires. Robinets non fermés, lampes allumées à longueur de journée, utilisation abusive de réchauds et fers à repasser, voilà l’état des lieux au campus social et pédagogique de l’Ucad. Malgré cet usage irrationnel des ressources si indispensables au vécu, c’est l’Etat, à travers le contribuable sénégalais, qui supporte les factures. « Un jour, j’essayais de conscientiser un étudiant en lui faisant savoir que la facture de l’eau qu’il était en train de gaspiller sera supporté par nos parents. Pour cela, il serait mieux de l’utiliser à bon escient. Il m’a tout simplement répondu que si ce n’est pas moi qui payais la facture, je ferais mieux de me taire », se désole Bamba, un étudiant en Master croisé à la route qui mène à la faculté des Lettres appelée « Couloir de la mort ». Selon lui, rien que l’eau qui est gaspillée à l’université pouvait alimenter un quartier de Dakar. Un mémoire de Dea soutenu en 1988 à l’Institut des sciences de l’environnement (Ise), intitulé « Contribution à l’étude de la gestion de l’eau au Sénégal : usage et mésusage collectifs de l’eau en milieu urbain Dakarois », semble aller dans ce sens. Dans cette enquête menée par Bienvenu Laurent Jimaja, il est ressorti que dans l’ensemble des pavillons Pm 6 (qui n’existe plus), H et I, qui sont en démolition et C, le ratio de perte d’eau à usage individuel était de 25 %. Devant le pavillon M, l’étudiant Ablaye Diallo témoigne que l’université est sans doute l’un des lieux où les biens publics sont les plus gaspillés. « Il suffit d’entrer dans les pavillons pour constater la situation. Les chasses et les robinets sont ouverts et laissés en l’état. Dans certaines chambres, le courant fonctionne en continue, parce que qu’il s’y trouve des machines de toutes sortes », soutient-il. Pour lui, les étudiants doivent prendre conscience que ce gaspillage coûte cher à l’Etat et menace la durabilité de ces ressources, pourtant indispensables. 
Pour Amadou, un autre étudiant trouvé devant le pavillon J, l’année dernière, lorsqu’il logeait au pavillon B, il était fréquent d’aller en week-end et au retour de trouver le  couloir inondé. « Les gens oublient souvent de fermer les robinets et les lavabos après usage. Imagines-toi des robinets qui coulent pendant deux jours. C’est une quantité importante d’eau potable gaspillée », avance- t-il. En outre, l’étude de M. Jimaja a révélé que durant une nuit, les fuites d’eau constatées dans quelques robinets d’arrosage à la cité universitaire étaient de 1.126,2 litres en une heure.

Le Coud en croisade contre le fléau
Le Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud) affiche, selon le chef du département des œuvres sociales, Khalifa Diagne, la ferme volonté de lutter contre le gaspillage de l’eau et l’électricité par les étudiants.

Le Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud) ambitionne sérieusement de lutter contre le gaspillage de certaines ressources publiques au campus universitaire de Dakar, comme l’eau et l’électricité. Selon le chef du département des œuvres sociales, Khalifa Diagne, il y avait beaucoup de laisser aller dans le campus. « Vous êtes certainement au courant que le Coud est en train de réprimer toutes les activités à vocation commerciale et industrielle auxquelles s’adonnent certains étudiants à l’intérieur des chambres universitaires. Aujourd’hui, tout étudiant trouvé en train de faire de l’impression ou autres services, verra son matériel saisi ». M. Diagne ajoute que des mesures préventives sont prises avec un rigoureux filtrage des entrées et sorties de matériel à la grande porte de l’Université. De même, dit-il, tous les commerces qui se faisaient à l’intérieur de l’université sont interdits. « C’est une option que nous avons pris pour assainir le campus social. Nous allons déployer, dès les prochains jours, un plan d’actions pour mieux sensibiliser les étudiants », a soutenu M. Diagne.
S’agissant  de l’eau, le chef du département des œuvres sociales affirme qu’il y a une surconsommation de ce liquide précieux dans le campus. « Si un robinet devant être utilisé par deux personnes est utilisé par 8 étudiants, il y aura forcément du gaspillage. Néanmoins, nous allons sensibiliser les étudiants pour plus de responsabilité », avance-t-il. Selon lui, le Coud est en train de prendre toutes les mesures nécessaires pour procéder à la réparation des tuyaux à partir desquels des fuites d’eau sont notées. Concernant les factures d’eau et d’électricité du campus, Khalifa Diagne avoue que le Coud n’est pas en mesure de les prendre en charge. 
« Je n’ai pas les chiffres exacts avec moi, mais je sais que la somme est exorbitante. Nous recevons tout le temps des sommations de coupure, venant aussi bien de la Sénélec que de la Sde. Mais je pense qu’ils ont compris la situation. C’est ce qui fait que leurs menaces n’ont jamais été mises en exécution. Le Coud n’est pas prêt à payer ces sommes d’argent et laisser les étudiants sans nourriture et sans accès à la santé », justifie-t-il. M. Diagne rappelle aussi qu’en 2001, après la mort de l’étudiant Balla Gaye, l’Etat s’était engagé à prendre en charge ces factures. Il avait diminué les recettes internes du Coud avec la baisse des prix des tickets de restauration, de la location des chambres universitaires… Mais en 2006-2007, le ministère du Budget a demandé à l’institution de prendre en charge ses factures.

Par Ndiol Maka SECK

Administration : Quand les agents abusent du téléphone
Certains agents de l’Etat abusent du téléphone. Au Conseil régional de Fatick, l’administration a dû mettre sur pied un système pour rationnaliser les dépenses téléphoniques et mettre fin aux factures salées. Fonctionnaire ophtalmologue travaillant au Centre Bopp, Galo Kâ pense qu’il faut agir sur les mentalités et inculquer les valeurs de civisme aux citoyens.

Au Conseil régional de Fatick, il a fallu trouver un mécanisme pour pouvoir rationnaliser les dépenses de téléphonie. Selon Oumar Diouf, le chef de service des Affaires sociales de cette institution, les factures téléphoniques étaient très salées auparavant. « Les gens utilisaient abusivement le téléphone. D’ailleurs, le Conseil régional peinait à régler les factures compte tenu du fait qu’elles étaient très chères. Du Coup, on se retrouvait dès fois des semaines sans téléphone puisque la Sonatel nous coupait le téléphone, faute de paiement », explique-t-il.  C’est donc pour mettre un terme à « ce gaspillage » qu’un registre a été ouvert dans l’administration afin de recueillir tout appel, son auteur et l’heure où l’appel a été effectué. « Cela a permis de mieux rationnaliser les coûts », souligne-t-il. M. Diouf précise toutefois avec regrets que l’institution est retombée dans ses vieilles habitudes, dans la mesure où ce mécanisme de rationalisation des dépenses téléphoniques a finalement été abandonné.
Personnellement, il dit n’utiliser le téléphone qu’à des fins purement professionnelles. Chef du projet écotourisme au Conseil régional, il dispose d’une indemnité de téléphone d’un montant de 30.000 FCfa. « Sur le plan professionnel, je n’utilise que cette ligne de crédit, et si je l’épuise avant la fin du mois, ce qui est souvent le cas puisqu’elle est insuffisante, je me rabats sur mon téléphone privé », poursuit-il. Oumar Diouf déclare aussi qu’il n’utilise jamais le téléphone du bureau à des fins privées.  Professeur d’anglais au lycée Coumba Ndoffène Diouf, Biram Mbow affirme recourir au téléphone du bureau que dans le cadre des activités pédagogiques. « J’utilise très rarement ce téléphone et toutes les fois, c’est à des fins strictement professionnelles. Je n’en abuse pas du tout. Pour le reste, je prends mon téléphone privé. D’ailleurs, le censeur n’aime pas trop voir les enseignants se servir du téléphone de l’administration », martèle-t-il.
Pour l’ophtalmologue Galo Kâ, un agent de l’Etat travaillant au Centre Bopp, il faut conscientiser les populations pour changer les mentalités puisqu’en réalité, il s’agit, selon lui, de problèmes de comportements. « Il faut inculquer aux citoyens les valeurs, telles que le civisme, afin qu’ils considèrent les biens publics comme leurs propres biens », propose-t-il. M. Kâ soutient également ne faire usage du téléphone du bureau que dans le cadre des affaires administratives. « Quand c’est pour appeler un ami ou un parent, je prends mon propre téléphone. J’ai un téléphone pour cela », fait-il savoir.

Par Diégane SARR

DESTRUCTION DE BIENS COMMUNS : Uriner dans les lieux publics, une banalité
« La rue appartient à tout le monde », aime-t-on à dire. C’est pourquoi personne ne se soucie d’elle. A Petersen et à Colobane, certains n’ont pas besoin d’aller dans les toilettes pour se soulager. Il suffit juste de se cacher quelque part pour se soulager. Ce qui constitue une atteinte aux biens publics.

Ici, le passant est  parfois obligé de  se boucher les narines s’il marche contre le vent. L’odeur de l’ammoniac qui se dégage des urines déposées un peu partout, mélangé à l’huile morte des mécaniciens qui arrose le sol, alourdit l’atmosphère et rende ainsi la respiration désagréable. Nous sommes à la gare routière de Petersen, un lieu de convergence de beaucoup de monde où se développe une intense activité informelle. Il est 14 heures. Quelques mètres plus loin, des hommes et des femmes font la queue devant des toilettes. « Pas de violence » lit-on à la porte fermée de cette « chambrette ». Le gérant, un bout d’homme, se dresse juste à la sortie pour encaisser les pièces. Il a certainement voulu écrire « pas de bousculade ». Pour uriner, il faut débourser 25 FCfa et pour faire autre chose, il faut un jeton de 50 FCfa. « Peu sont les gens qui utilisent ces toilettes. C’est parce que l’heure de la prière approche que tu as trouvé quelques uns ici. Et pour la plupart du temps, ils  sont étrangers au garage. Mais, ceux qui travaillent ici se cachent quelque part simplement et font leur besoin », dénonce Badara Cissé, qui vient de sortir des toilettes.
Notre regard jeté de l’autre côté tombe sur une scène peut être « banale », mais ubuesque. Un adulte avec un sachet d’eau à la main, bien accroupi derrière un véhicule en maintenance,  se soulage. Il a semblé montrer la voie aux autres. Un à un, des hommes de tous âges confondus se relaient sur la place avant de disparaître furtivement. « Je te l’avais dit », fulmine Badara, avant de poursuivre : « Même si on leur avait construit chacun une toilette, ils ne l’auraient pas utilisé. Chaque jour, je prends le bus ici. Je connais bien le milieu ». Pour M. Cissé, le problème n’est pas le fait qu’il n’y ait pas suffisamment de toilettes dans les lieux publics, c’est un problème de civisme et d’éducation civique. « Les gens pensent que dans les lieux publics, on peut tout se permettre, parce qu’il n’y a personne pour les protéger », soutient-il.
De l’autre côté, un groupe d’apprentis chauffeurs discute du prochain combat, Modou Lô-Eumeu Sène. « Sincèrement, moi, quand je veux uriner, je me cache quelque part derrière les carcasses de véhicule que vous voyez là-bas et je me soulage. J’ai trouvé ici des vieux qui ont presque l’âge de mon père et qui font la même chose. S’il y avait suffisamment de toilettes où nous pouvons aller satisfaire gratuitement nos besoins, nous l’aurions fait », avance l’un d’eux qui requiert l’anonymat. Toutefois, il reste convaincu que cette tendance peut être bouleversée s’il y a plus d’infrastructures et une bonne sensibilisation. « Ce lieu nous appartient à nous tous et nous devons le protéger », explique-t-il.
A Colobane, c’est les mêmes pratiques. Une partie du parcours d’entraînement des jeunes est presque érigée en toilettes publiques. Les riverains éprouvent d’énormes déplaisirs et accusent les laveurs de véhicule. « Ce mur que vous voyez là était peint en jaune. Mais à force d’y uriner, il est devenu noir. C’est du seul fait des laveurs de véhicule, qui ne prennent jamais le soin d’aller dans les toilettes à l’intérieur de la gare routière s’ils éprouvent le besoin de se soulager », estime la dame Khady, assise devant son domicile. « Nous faisons nos besoins ici certes, mais nous ne sommes pas les seuls. Certains vendeurs ou même de simples passants urinent aussi dans le coin », réfute Abdou Touré. Pour lui, pour éviter ces mauvaises pratiques, il faut que la mairie construise davantage de toilettes, surtout dans ces lieux publics. La grande mosquée de Dakar, qui était un lieu de prédilection de ces dépravations est aujourd’hui épargnée. Le pavage initié par la mairie de Dakar semble être une belle formule pour décourager ces personnes qui ont publiquement ce comportement peu recommandable. « Il y a quelques temps de cela, on ne pouvait pas rester ici pendant une minute. La puanteur était très intense. Mais aujourd’hui, le problème est réglé avec le pavage. Personne n’ose se mettre debout dans ce lieu pour pisser », déclare Mor Diop, un commerçant du coin.

Par Ndiol Maka SECK


TRAVERSÉE DES ROUTES NATIONALES et AUTOROUTES : Des piétons refusent d’emprunter les passerelles

Le manque de civisme pour les uns, l’insouciance voire simplement la paresse pour les autres, poussent les piétons à renoncer, au péril de leur vie, à emprunter les passerelles piétonnes aménagées le long des autoroutes et des routes nationales.

Perchée sur une petite élévation en dur séparant la route nationale en deux voies sur une partie de la route nationale à hauteur de la passerelle de Diamaguène Sicap Mbao, une poignée d’individus s’impatiente le temps que les voitures qui passent par les deux voies libèrent la route pour pouvoir traverser. Un choix risqué, étant entendu qu’ils ont la possibilité d’emprunter la passerelle piétonne qui, à quelques encablures seulement, surplombe majestueusement la route animée en cette après-midi. Maintenant que la voie est momentanément dégagée, ils traversent la route à la course tout en souriant comme s’ils avaient l’intime conviction qu’ils venaient de survivre à un exercice périlleux. « J’ai bien vu la passerelle, mais j’avoue que c’est juste par paresse que je me suis gardée de l’emprunter, surtout pour gagner du temps », a affirmé Dieynaba Alassane Dia, habitante de Thiaroye Azur. Elle est accompagnée de sa copine Henriette Sylva, qui, sans attendre que la parole lui soit adressée, réagit tout de go : « C’est elle qui m’a poussée à traverser la route à pied au lieu d’emprunter la passerelle », confie-t-elle, avant d’ajouter : « A chaque fois que je dois traverser seule la route, à cette hauteur, j’emprunte la passerelle pour être en sécurité ».

Plusieurs accidents enregistrés
Comme pour se dédouaner, Dieynaba Alassane Dia arrache la parole et précise que c'est parce qu’elle avait toujours voulu se solidariser avec sa sœur Rougui Dia qu’elle se résolvait à traverser avec elle la route au point de s’y habituer. « Ma sœur a peur de prendre la passerelle, elle m’a dit qu’à chaque fois qu’elle l’emprunte, elle a toujours des vertiges, surtout une fois qu’elle arrive au milieu de la passerelle », a-t-elle ajouté.Pendant ce temps, trois individus descendent les dernières marches de l’un des escaliers qui bordent les deux côtés de la passerelle. L’un d’eux, un enseignant dans une école privée répondant au nom de Jules Kandji nous confie que tout le monde doit emprunter la passerelle par souci de respecter les règles, mais aussi parce que cette route fait partie de ceux qui sont les plus dangereux à traverser. En véritable donneur de leçons, il martèle : « En cas d’accident, le piéton est systématiquement fautif même si le chauffeur qui l’a fauché est sanctionné », a-t-il soutenu, avant de conclure : «Parce que ce n’est pas pour rien que cette passerelle a été construite par les autorités ». Chauffeur de taxi clando au garage jouxtant la passerelle de Diamaguène, Ibrahima Keïta a constaté que les piétons qui traversent à pied sont plus nombreux que les passants qui empruntent la passerelle. La conséquence est ainsi intuitive : « Je suis témoin, au moins, de trois accidents de la route qui se sont produits à cet endroit », a-t-il révélé. « La cause de ces trois accidents est commune : « Ces trois individus étaient en train de traverser la route à pied lorsqu’un véhicule qui arrivait à vive allure les a percutés, avant de les projeter sur la l’asphalte », a révélé Ibrahima Keïta.

Par Abdou DIOP

Fonction publique : L’Etat en guerre contre les gaspillages

Dans son discours de nouvel an, le président de la République, Macky Sall, a indiqué que le gouvernement du Sénégal attend des économies de l’ordre de 39 milliards de FCfa grâce à la rationalisation des agences et structures de l’Etat et la réduction de ses dépenses.

La facture téléphonique annuelle de l’Etat s’élevait à 28 milliards FCfa, soit presque « l’équivalent de toutes les recettes que le ministère des Finances reçoit de la Sonatel à titre de rémunération des actions que le gouvernement détient dans la société ». En 2012, suite à la politique de rationalisation des dépenses de l’Etat, elle a enregistré une baisse de 7 milliards de FCfa. Pour 2013, la baisse est de 14 milliards de FCfa d’économies, soit le double des économies de 2012. Il y a quelques années, la facture téléphonique de l'Etat sur le mobile culminait à 13 milliards de FCfa. L’Etat dirigé par Macky Sall, qui met en avant la gouvernance sobre, est en guerre contre le gaspillage. 
A cet effet, « 50 mesures de rationalisation des dépenses publiques » sont prises par l’Etat. La facture d'eau avoisine aujourd'hui 22 milliards FCfa et sa réduction par le biais d’une consommation plus rationnelle pourrait alléger les finances publiques. Aussi, à partir de juin 2014, la location de logements conventionnés permettra au gouvernement d’économiser 15 milliards de FCfa par an. La facture d'électricité sera plafonnée à 11 milliards de FCfa ; ce qui permettra d'économiser annuellement le même montant.
Cette rationalisation des dépenses concerne également les agences qui s’occupaient de l’emploi des jeunes. Désormais, l’Agence nationale pour l’emploi des jeunes (Anej), le Fonds national de promotion des jeunes (Fnpj), l’Office pour l’emploi des jeunes de la banlieue (Ofejban) et l’Agence nationale d'appui aux marchands ambulants (Anama) seront regroupés en une seule structure. Cette fusion des agences, selon le chef de l’Etat, Macky Sall, permettra de « réduire les dépenses de fonctionnement et mettre en cohérence les politiques publiques ».
La fonction publique fait aussi partie de cette rationalisation. Ainsi, son audit a révélé plus de 12.000 cas d’agents non identifiés dont les salaires étaient pourtant régulièrement payés. « Nous avons mis fin à ces abus inacceptables. Des mesures conservatoires ont été prises. Et la procédure ira jusqu’à la radiation le cas échéant », souligne le président de la République. Tout en rappelant la poursuite de ces mesures, Macky Sall a précisé que « ces ressources seront investies dans des programmes économiques et sociaux ».

Par Adama MBODJ et Aly DIOUF

DAME GAYE, DIRECTEUR DE LA PROTECTION CIVILE : « Le vol des bouches d’incendie expose à des risques »
La recrudescence des vols de bouches d’incendie et  de couvercles en fer, en même temps qu’elle impacte négativement sur la préservation des biens publics, expose les populations aux risques de catastrophes, selon le directeur de la Protection civile (Dpc) Dame Gaye.

A Dakar, le vol des bouches d’incendie est devenu monnaie courante. Une situation qui n’est pas sans conséquence, si l’on en croit le Directeur de la protection civile (Dpc), Dame Gaye.  « Les  bouches d’incendie sont des moyens de secours constitués de points d’eaux avec une pression permettant aux services de secours d’alimenter leurs engins lors d’un feu. En principe, une bouche d’incendie défend un secteur des risques de développement du sinistre. 
Le vol de ce dispositif très important expose aux risques de catastrophes et favorise une propagation rapide d’un foyer d’incendie car le secteur est privé d’eau », explique-t-il. Selon lui, en l’absence de bouche ou de poteau d’incendie, le ravitaillement des engins prendrait plus temps. D’après M. Gaye, c’est ce qui  a fait que lors l’incendie du marché Sandaga, les sapeurs-pompiers étaient obligés d’aller se ravitailler à la caserne distant d’environ de 3 Kilomètres, face à  l’absence de bouches d’incendie.
Outre les bouches d’incendie, le vol de couvercles en grilles ou de glissières, lesquels sont des dispositifs de sécurité utilisés pour fermer les canaux de drainage des eaux usées ou pluviales, a pris aussi de l’ampleur.  En effet, depuis quelques temps, certains individus enlèvent nuitamment ces couvercles en fer, pour ensuite laisser les caniveaux ouverts avec des odeurs nauséabondes qui mettent les populations environnantes dans une situation inconfortable. Pourtant, c’est sans se rendre compte des risques auxquels ils exposent les gens qui habitent dans ces périmètres.  « Ce sont des dispositifs qui  protègent et préviennent contre les risques d’accidents, par exemple les chutes de piéton ou de véhicule, mais aussi empêchent les corps étrangers de pénétrer et d’obstruer ainsi les conduits », avance le directeur de la Dpc.  A son avis,  le vol de ces couvercles, au-delà de ces risques générés, provoque des désagréments comme  « ce fut le cas lors de la période hivernale ou une carcasse de mouton jetée dans un canal a provoqué l’inondation sur une bonne partie de l’autoroute occasionnant ainsi des files d’attente de deux à trois heures ».
Par ailleurs,  c’est pour faire face  à  ces pratiques qui relèvent de l’incivisme et qui ont un  impact néfaste sur la préservation des biens publics que le maire Dakar Khalifa  Sall  avait réclamé une police municipale lors du vote du  budget 2014  de la commune.

Par Ibrahima BA


DESTRUCTION DE BIENS PUBLICS ET GASPILLAGE  : Les religieux réprouvent
Dans un verset du Coran, le Tout-Puissant Allah exhorte les musulmans à éviter le gaspillage. Dieu va plus loin en soutenant que les gaspilleurs sont des alliés de Satan. « Le Soleil » donne la parole à des religieux pour plus de détails.

Aucune religion au monde n’encourage la destruction de biens appartenant à autrui, la spoliation effrénée… en somme, le gaspillage. Interrogé, l’imam de la grande mosquée de « Soprim Extension », Ousmane Ndao, sermonne : « Le Coran a cité le mot gaspillage 50 fois pour attirer l’attention des  musulmans sur le danger. Ceux qui s’adonnent à ces pratiques n’aiment pas leur pays ». Selon lui, le musulman doit même se battre pour défendre les intérêts communs. Citant un des plus célèbres compagnons du Prophète et interprète du Coran, Ibn Abass, l’imam souligne que Mouhamed (Psl) accordait une importance capitale aux biens de son pays. « Le bon musulman ne dois pas gaspiller l’économie de sa nation, ni torpiller ses relations de bon voisinage. C’est une obligation pour tout croyant de défendre les biens publics. L’éducation islamique prône qu’on les préserve afin de participer efficacement à la transmission du legs », explique-t-il. Imam Ndao estime que les édifices et réalisations trouvées sur place méritent une considération particulière. Chaque génération participe à cet exercice pour mieux contribuer au développement. Le maître coranique rappelle que nous devons travailler en synergie et s’aimer mutuellement. « La manifestation sur la place publique ne doit favoriser en aucune mesure la dévastation de biens », prêche-t-il, prévenant que si le gaspillage est parrainé par le gouvernement (deniers publics), cela devient encore plus grave. Poursuivant, il avertit que les conséquences du gaspillage ont pour nom sous-développement, mauvais comportement, déperdition des mœurs, manque de sécurité et de stabilité. Et dans ce cas, Ousmane Ndao pense qu’on est tous responsable. « Le Coran et la Sunna interdisent formellement le gaspillage », martèle-t-il. 
Quant à abbé Aloyse Sène, curé de la paroisse Saint-Martin de Porrès Ndièbel, le retour à nos valeurs traditionnelles peut nous éviter ces dérapages. C’est la stupéfaction quand nous voyons les casses de bâtiments publics, dénonce l’homme d’Eglise. Ce professeur de Droit au Grand séminaire de Sébikhotane constate la grande perte des repères enseignées et léguées par nos parents. Abbé Aloyse Sène fait également savoir que nos valeurs ont tendance à disparaître. Dès lors, il exhorte à un retour vers l’éducation de base, très primordiale. « Que les parents reprennent leurs responsabilités. Le Sénégal a besoin de cela », conseille-t-il.  

Par Serigne Mansour Sy CISSE

PROFESSEUR ABDOULAYE NIANG, SOCIOLOGUE : « Le respect ou le non respect du bien publicest une affaire de culture »

Le respect ou le non respect du bien public est  une affaire de culture, c'est la conviction de Monsieur Abdoulaye Niang  professeur titulaire de sociologie à l’Université Gaston Berger de  Saint Louis. Le  spécialiste de la sociologie du travail et des organisations, du secteur informel et des dynamiques associatives, des entreprises, de l’industrialisation et de  la société civile est d'avis que pour le respect du bien public « L’Etat doit exercer un droit de contrôle et de sanction sur les comportements inciviques ».

Professeur que représente pour vous la notion de bien public ? Qu’est ce qui a évolué dans la mentalité des Sénégalais pour que le respect du bien public qu’ils avaient, se soit érodé ?
« Le bien public peut être considéré comme  tout bien et service matériel ou immatériel fourni par l’Etat suivant des modalités diverses pour assurer durablement le bien-être des citoyens, et qui est  accessible à tous sans discrimination, sans exclusion. Ce qu’il faut dire c’est que dans l’imaginaire collectif des Sénégalais le bien public est représenté par le concept ouolof « alalou buur », c'est-à-dire la propriété du roi  ou de l’Etat, les quels détiennent le monopole légitime du contrôle et de la sanction publiques. Or le roi, en prenant ce cas de figure pour exemple, ayant un droit de vie ou de mort sur ses sujets, normalement les biens et autres ressources dont il a en charge le contrôle devraient être respectés par tous  par crainte de subir ses sanctions qui peuvent aller jusqu’à la condamnation à mort. Mais une condition supplémentaire se pose pour une effectivité certaine du respect du bien public par le citoyen que le wolof rend en ces terme : « diouda bou raffet ndaye ak baye , fayda borom » ce qui veut dire « le roi ne s’impose pas seulement par la noblesse de ses origines, mais aussi et surtout par sa force de caractère », donc également par son pouvoir réel de contrôle et de sanction sur ses sujets. « Buur », tout comme  l’Etat, doit disposer de moyens efficaces  de contrôle de  l’action des individus et de l’application éventuelle de la sanction qu’il doit leur opposer en cas de nécessité. Sinon le « alalou buur » ou  le bien public devient tout simplement du « ce qui n’appartient plus à personne », c'est-à-dire une sorte de « no man’s land » juridico-matériel sur lequel tout individu peut faire prévaloir son point de vue, ses désirs, ses intérêts, son droit supposé d’usage ou de propreté, ses lois propres. Au Sénégal, vu la défaillance souvent constatée de l’Etat dans sa mission régalienne de contrôle sur les bien et ressources matérielles dont il a en charge la protection, la préservation, etc., la notion de bien public dans l’esprit de beaucoup de sénégalais se confond malheureusement à ce « no man’s land » dont nous avons parlé  et où la liberté d’en user et d’en abuser, chacun selon sa guise, devient la seule règle d’usage des acteurs. 
Si le Sénégalais en général a peu de respect par rapport au bien public matériel pour les raisons déjà évoquées, par contre force est de constater, qu’il devient spontanément un très grand défenseur  de ce bien quand ce dernier revêt une dimension immatérielle et se confond  avec l’unité nationale, la paix sociale et l’ordre public : « Senegal bénne bopp là » et « bouyou yeukeuti  fittna » deviennent le leitmotiv populaire brandi pour ramener les acteurs présumés du désordre sociopolitique à la raison et à la table de négociation, pour qu’une issue paisible du conflit en cours soit trouvée. "

Est-ce qu’à la limite il n y a pas un problème de leadership pour régler cette question du  respect du bien public ?  Un pays comme le Rwanda pour ne pas le citer a réussi à faire respecter le bien public.
"  Il y a certainement un problème de leadership.  Le respect ou le non respect du bien public est un problème d’attitude et de comportement individuels ou collectifs. Mais une attitude, comme un comportement, peut  être changée si l’on agit sur certaines variables socio-mentales des acteurs, car ne l’oublions pas, l’homme agit toujours, sinon souvent, comme il pense ou ressent les choses. Pour changer les attitudes et les comportements collectifs, on peut agir sur les convictions personnelles des individus en les reformattant à la hauteur de la nouvelle orientation que l’on veut assigner à l’action individuelle et collective. Dans cette mesure un leader charismatique qui jouit d’un très grand respect de la part des populations et auquel celles-ci s’identifient fortement peut très bien donner une nouvelle orientation suivie d’effet dans la façon de penser et d’agir des citoyen par rapport au bien public. A Touba beaucoup d’interdictions sont prononcées par le Khalife Général et  scrupuleusement respectées par les populations, tout simplement pour le caractère sacré qu’elles revêtent aux yeux de celles-ci. De même si Mandela qui demandait le respect de tel ou de tel bien public, il y aurait une grande chance que cela soit suivi d’effet positif.  Mais en vérité le bien public pour  être respecté par le citoyen doit, par delà les sanctions susceptibles de le frapper en cas de non respect, le charisme   des leaders qui recommandent ce respect, revêtir en lui-même, et uniquement par son statut de bien public, un caractère éminemment  sacré. Car son respect doit découler d’un ressenti intrinsèque, d’une conviction citoyenne pleine .Mais, avant d’en arriver là trois conditions doivent au préalable être réunies : l’Etat doit assurer et assumer pleinement et effectivement son rôle de contrôle des comportements du citoyen à l’endroit des biens public ; le citoyen doit être éduqué par tous les moyens possibles, dont les écoles, les médias, la société civile, les chefs religieux et coutumiers, pour connaitre les caractéristiques du bien public et son utilité afin qu’il ne le confonde plus à ce qu’il n’est pas ;  enfin l’action de contrôle de l’Etat et l’action éducative doivent être durables et redondantes pour avoir un impact certain sur la conscience et les comportements collectifs . C est quand ces conditions seront accomplies que le respect du bien public par le citoyen deviendra un fait de culture et, en conséquence, un puissant levier pour le développement, car il sera aussi respect des institutions de la République par tous.

A vous  entendre parler,  on est en droit  d’espérer un retour au respect  du bien public ?  
"Oui, je le crois au vu de ce que j’observe. D’ailleurs,  un grand pas est entrain d’être fait avec la lutte que les pouvoir publics mènent contre l’occupation anarchique des voies publiques dans les grandes capitales du pays ou contre la corruption foncière. Si l’Etat se donne les moyens de persévérer dans cette lutte, l’incivisme va reculer progressivement en ces domaines visés. Mais des actions d’information et d’explication continues doivent être menées à ce sujet constamment pour changer les façons de voir. 
Le respect ou le non respect du bien public est en définitive une affaire de culture. Mais la culture n’est pas seulement quelque chose dont on hérite, elle est aussi quelque chose que nous construisons tous les jours par les actes que nous posons en pensée et en comportement. Dans la construction de cette nouvelle culture qui doit se substituer à l’ancienne, l’Etat est certes un acteur clé, mais il n’est pas le  seul acteur ; nous sommes aussi tous des  acteurs capables de prendre des initiatives qui font changer le cours des choses. 
Par exemple,  le port de brassards rouges, devenu un fait culturel de manifestions d’une frustration collective ou d’un désaccord avec les autorités publiques sur des points de revendication collectives est entrain de se substituer durablement à d’autres formes de manifestations violentes (avec casses, jet de pierres, etc.) dont on était habitué, ce qui traduit le début d’un autre type de rapport que le citoyen veut désormais établir avec le bien public et les institutions. Celles-ci doivent lui en faciliter la tache  en tant que producteur d’une culture citoyenne  nouvelle en parfaite conformité avec l’exigence du respect du bien public. 
Aujourd’hui, on doit se demander pourquoi dans les pays dits développés les manifestations de masse n’engendrent que très rarement la casse, alors que chez nous c’est tout à fait l’inverse qui se passe, avec tout ce que cela peut occasionner comme coûts supplémentaire à supporter par l’Etat déjà « fatigué », à cause des dégâts matériels engendrés. La réponse pour cette différence est à rechercher dans les différences de culture du bien public, de l’Etat, des institutions, etc. ; culture qu’il faut changer si nous voulons accroitre notre chance d’aller rapidement vers l’émergence."

Propos recueillis par Mamadou DIOUF

source: http://www.lesoleil.sn/index.php?option=com_content&view=article&id=35762:bus-brules-vols-de-plaques-telephone-au-bureau-quand-les-senegalais-abusent-du-bien-public-&catid=78:a-la-une&Itemid=255

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