Créée en 2008, l’Alliance pour la République n’est pas un modèle de stabilité. La formation politique de Macky Sall, arrivée au pouvoir en faveur de l’élection de 2012, ressemble à un géant aux pieds d’argile. Un cocotier qui tangue et ploie sous le vent des divergences internes qui minent le parti présidentiel. Les membres de l’Apr semblent se mener une guerre de positionnement sans merci. Ce qui ne fait que fragiliser la formation de Macky Sall. Le dernier clash en date a eu lieu entre les Cadres de l’Apr. La Convergence des cadres républicains (Ccr) est aujourd’hui divisée en deux parties. D’un côté, les partisans du Coordonnateur de la structure Thierno Alassane Sall, de l’autre des membres de la Ccr qui ne se retrouvent plus dans la gestion du ministre du Transport et des Infrastructures qui ont décidé de se séparer de ce dernier et de mettre sur pied une Ccr bis. Mais avant cette scission au sein de la structure des cadres républicains, l’Apr a auparavant fait face à d’autres crises.

La rébellion d’Abc : Le clash des titans

Il n’a pas digéré sa défénestration du poste de ministre des Affaires étrangères. Alioune Badara Cissé, coordonnateur et n°2 de l’Apr, même si par la suite on lui a dénié ce statut arguant qu’il n’y a pas de numéro dans le parti, a multiplié les actes de défiance à l’endroit du chef de l’Etat, au point de devenir un cas dans le parti. Des tournées européennes rythmées de déclarations plus fracassantes les unes que les autres à la création du mouvement des Abécédaires, en passant par les passes d’armes par presse interposée avec Mahmout Saleh et d’autres leaders de l’Apr, on a fini par prêter à Me Cissé des ambitions cachées. On a également épilogué en long et en large sur ses relations avec Macky Sall. En fin de compte, il aura fallu que le Secrétariat exécutif de l’Apr se réunisse pour statuer sur le cas ABC, et la décision a été prise de le relever de ses fonctions de Coordonnateur national de l’Apr et de le reléguer au rang de simple militant. La Commission de discipline s’est aussi penchée sur la question, peaufinant selon certains l’exclusion pure et simple d’ABC du parti. Aux dernières nouvelles, Me Cissé serait sur le point de créer sa propre formation politique.

Marième Badiane vs Mimi Touré : La guerre des chignons

Les femmes de l’Apr ont, elles aussi, connu leur moment de tension. Leur présidente, Marième Badiane a eu une confrontation musclée avec le Premier ministre, Aminata Touré. Très remontée contre le chef du gouvernement, Marième Badiane est allée jusqu’à la traiter de «militante de la 25e heure et d’épiphénomène». A l’origine du clash entre les deux dames, la bataille pour le contrôle du Mouvement national des femmes de l’Apr. La ministre-conseillère de Macky Sall est en colère car, dit-elle, son adjointe Awa Guèye, ancienne Vice-présidente de l’Assemblée nationale, a convoqué une réunion sans l’en avertir. Marième Badiane soupçonne également Mimi Touré, en complicité avec Awa Guèye, de vouloir l’évincer de son poste. Ce, après qu’elle a reproché à Macky Sall d’avoir limogé Mariama Sarr du gouvernement et de ne pas donner suffisamment de moyens au Mouvement des femmes. Marième Badiane accuse en outre Mimi Touré de fomenter un coup contre elle, dans le but de mettre Awa Guèye à sa place.

Abdou Mbow-Birame Faye : La querelle fratricide

Les deux jeunes apéristes s’opposent dans la Convergence des jeunesses républicaines (Cojer), dirigée par le député Abdou Mbow. Coordonnateur adjoint de la Cojer, Birame Faye avait pris date pour organiser l’université républicaine à Saly, sans l’aval du Coordonnateur national, Abdou Mbow. Ce dernier ne se gênera pas de lui fixer une nouvelle date, cette fois-ci à Somone. Birame Faye et sa bande choisissent Abdou Aziz Diop pour présider leur Comité scientifique tandis qu’Abdou Mbow et Cie optent pour Me Djibril War. Par partisans interposés, les deux frères de parti se mènent une guerre de leadership acharnée. Après que ceux du clan Birame Faye ont attaqué Aminata Touré, à l’époque ministre de la Justice et Mor Ngom, Directeur de cabinet du président de la République, le coordonnateur national de la Cojer a vivement réagi en taxant son adjoint et ses partisans de «traîtres et de petites gens». Si les partisans d’Abdou Mbow accusent Birame Faye de vouloir l’évincer pour prendre place, le ci-devant Directeur général de la défunte Anej dénonce la léthargie qui prévaut au sein de la structure et sa volonté de la faire fonctionner. Autant de crises qui font douter de la solidité du parti présidentiel et de ses instances.

ADAMA DIENG

IBOU SANE, POLITOLOGUE
«Il y a une guerre de positionnement dans l’Apr»

«L’Alliance pour la République (Apr) est un parti politique qui n’est pas très bien structuré. Il n’a pas un maillage territorial très puissant et les postes de N°2, N°3 et autres n’ont pas été désignés. Il faut qu’il y ait une hiérarchie. Ce qui fait qu’il y a une guerre de positionnement entre les responsables. Parce que ces derniers pensent tous qu’ils peuvent aller aux Locales en oubliant qu’ils ont des alliés et pensant qu’ils peuvent gagner. Personnellement, j’ai constaté que jamais, le président d’un parti au pouvoir ne met l’accent sur comment faire pour éviter des crises dans son parti. C’est un problème qui existe depuis toujours. Le Président Macky Sall se focalise plutôt sur les résultats de son gouvernement. Il s’agit d’un problème de positionnement dans le parti et cela peut avoir des conséquences très néfastes telles que des déchirements, la naissance de clans ou autres. C’est cela qu’il faut éviter et le président de la République doit y veiller.»

MAEL THIAM, ADMINISTRATEUR DE L’APR
«Ce sont des phénomènes qui sont inhérents à une organisation»

«Ce sont des phénomènes qui sont inhérents à une organisation. Du point de vue managérial, l’Alliance pour la République (Apr) est un petit parti. Tous les partis du monde, à leur création, ont connu les mêmes problèmes. Donc, il est tout à fait normal que ces petits problèmes qui surgissent au niveau de l’Apr soient exposés sur la place publique. Je crois qu’il n’y a pas péril en la demeure. Par ailleurs, dans un cadre où il y a des hommes et des femmes qui ont une culture et un cursus scolaire différents, il est tout à fait normal qu’il ait des incompréhensions. Naturellement, depuis l’élection du président de la République, il est évident que des incompréhensions surgissent. Et, lorsque la démocratie est leader, ces problèmes vont exister forcément, mais ils ne font pas l’objet de suspicion. Nous avions tous un seul et même objectif à savoir élire le Président Macky Sall. Et il est tout à fait compréhensible qu’une fois cet objectif atteint, qu’il ait une certaine contradiction. L’essentiel est que les instances dirigeantes du parti soient très vigilantes et travaillent pour canaliser cette situation. Ces crises ne vont absolument pas desservir le parti. Parce que les pays qui ont connu la révolution sont des Etats où les facteurs de développement n’ont jamais pris l’occasion d’exprimer ce qu’ils pensaient. C’est cela qui est dangereux. Donc, moi je pense que ces crises que traverse le parti sont tout à fait normales et s’inscrivent dans le cadre d’une grande démocratie.» 

CHEIKHOU AÏDARA