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Ven, Nov
mercredi, 12 février 2014 00:00

"J’ai fui mon pays pour empêcher l’excision de ma fille"

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Originaire de Guinée Conakry, Fatoumata (nom d’emprunt) comme beaucoup de petites filles du village, avait 6 ans quand elle a été excisée. Elle nous livre son témoignage. Dans le monde, on estime que 3 millions de filles, pour la majorité de moins de 15 ans, sont soumises à la pratique chaque année et que 140 millions l’ont déjà subi (Chiffres du Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP)
 

Après une enfance très difficile, alors qu’elle a été mutilée deux fois, Fatoumata a tout fait pour éviter ce crime à sa fille. Celle-ci sera sauvée puisque sa mère parviendra à s’enfuir et trouver refuge en France. Auparavant, Fatoumata aura été une paria dans sa propre famille, lorsqu’elle a fait savoir son souhait de vouloir préserver sa fille de cette mutilation barbare. Elle revient pour Afrik.com, à travers un témoignage poignant, sur ces périodes de fortes douleurs, de peine, d’angoisse...de frayeur.

« Les autres petites filles et moi étions regroupées dans des toilettes »

Les autres petites filles et moi, on voyait de l’agitation, une fête se préparer. Les grands-mères, les tantes et les voisines étaient également présentes. Aucune maman dont la fille est présente n’a le droit d’y assister. Nous avons été apprêtées. Ma grand-mère, mes tantes, mes voisines m’ont dit que c’était une fête en mon honneur. Dans un lieu tenu secret, les autres petites filles et moi avons été regroupées dans des toilettes. L’exciseuse était une femme charismatique, respectée dans tout le village. Rassemblées, chacune de nous était excisée individuellement, dans une autre pièce contiguë. A chaque passage, des hurlements nous faisaient peur. Mais nous ne savions toujours pas ce qui se passait dans cette pièce. Puis ça a été mon tour.

« L’exciseuse m’a mutilée une deuxième fois »

J’ai été immobilisée par plusieurs tantes, tête contre terre, cachée sous le pagne, j’ai été mutilée. Il n’y a pas de mot pour décrire la douleur qu’on ressent. C’est comme se faire arracher un doigt à vif. Après cet acte barbare, un pagne sert de pansement. Sauf qu’une de mes tantes, en vérifiant, a trouvé que le travail n’avait pas été bien accompli. Elle l’a indiqué à l’exciseuse qui m’a mutilée une deuxième fois. Lors du deuxième passage de l’exciseuse, je les ai supplié en leur demandant si ce n’était pas fini. En guise de réponse, elles ont rigolé. L’exciseuse a de nouveau vérifié que la mutilation était parfaite. Je me rappelle, je me suis évanouie plusieurs fois. Après cet acte, les tantes nous ont fait asseoir sur une natte pour nous donner des boissons. En guise de traitement, lorsque le tissu qui protège la blessure est mouillé, celui-ci est tout simplement changé.

« J’ai eu des règles très douloureuses »

J’ai souffert, beaucoup souffert, surtout au moment d’uriner. Je me retenais à chaque envie d’uriner. Cependant, les tantes veillaient à ce que je fasse pipi et me demandaient systématiquement de me soulager. Les trois premiers jours qui ont suivi l’excision étaient un véritable calvaire. Des douleurs aux évanouissements, c’était l’enfer. Pour me réconforter, mes tantes me disaient : « Nous sommes toutes passées par là....C’est le passage à l’âge adulte. Si tu n’es pas excisée, tu n’es pas digne de te marier, aucun homme ne voudra de toi ». Alors, je ne devais ne pas pleurer, ni montrer ma douleur. A l’adolescence, comme beaucoup de jeunes filles, j’ai eu de nombreuses douleurs abdominales. J’ai eu des règles très douloureuses, de nombreux saignements, des douleurs allant du dos jusqu’aux pieds.

« Je ne souhaitais pas que ma fille soit excisée »

Adulte, je me suis mariée. Mon mari et moi étions d’accord dès notre union que pas d’excision si jamais on avait des filles. J’ai été enceinte, j’ai fait une fausse couche et des complications. Mais heureusement, ma deuxième grossesse, bien que très surveillée, m’a permis d’avoir un fils. J’ai été de nouveau enceinte et j’ai eu une fille. J’ai dit à ma famille que je ne souhaitais pas que ma fille soit excisée. Sauf que la famille avait prévu de le faire à mon insu. Heureusement, j’ai eu vent de cette intention. Entre temps, vu mon souhait de ne pas exciser ma fille, j’ai été mise à l’écart par toute la famille. Chez nous les peuls, nous aimons nous réunir pour manger, chanter, rigoler. Je ne pouvais plus assister aux fêtes. Mon père m’a renié. J’en ai souffert. Je n’avais pas le choix. C’était choisir entre être écartée et préserver ma fille ou intégrer la famille et voir ma fille se faire mutiler. J’étais hantée par ce que j’avais vécu. Et j’avais fait mon choix : épargner ma fille.

« L’excision est une tradition »

Adulte, j’ai moi-même assisté à excision d’autres petites filles. On n’y échappe pas. Quel que soit le statut social, le niveau d’éducation, toutes les femmes y passent. L’excision est une tradition. Les petites filles qui ne sont pas encore excisées sont pointées du doigt. En général, les excisions sont pratiquées pendant les périodes de vacances scolaires. Je ne voulais pas que ma fille vive ce que j’ai vécu. Une seule solution : fuir. Mais j’insiste,cette fuite, c’était avant tout pour protéger mes deux enfants. En secret, je suis arrivée en France.

Aujourd’hui, je milite auprès d’associations pour que nos dirigeants africains mettent un terme à cet acte de torture. Pour éviter que toutes les autres petites filles ne subissent le même sort. Je sais ce que c’est, je l’ai vécu et sais encore ce que peux ressentir une personne qui a subi une mutilation génitale. C’est horrible !

SOURCE: http://www.afrik.com/j-ai-fui-mon-pays-pour-empecher-l-excision-de-ma-fille

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