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Jeu, Nov
jeudi, 13 mars 2014 00:00

Faux alibis, cérémonies familiales et religieuses: Les ficelles de la triche au travail

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Bureaux, hôpitaux, écoles, entreprises, peu de secteurs de la vie active nationale échappent à l’absentéisme des travailleurs. Les prétextes sont légion : certificat médical de complaisance, décès de proche, cérémonies familiale et religieuse. La liste est loin d’être exhaustive. Et pourtant, les chefs religieux, musulmans comme catholiques, lors des grands événements surtout, ne cessent d’appeler les Sénégalais au travail. Récemment, c’est le président de la République, Macky Sall, de retour de la Chine et de la réunion du Groupe consultatif de Paris, qui avait réitéré cette invite à ses compatriotes.

POUR UN RETOUR À LA VALEUR DU TRAVAIL
Les chiffres et faits sont formels. 15 jours chômés et payés (fêtes civiles et religieuses) et 15 jours de permissions exceptionnelles pour raisons familiales, soit 30 jours, sans compter les congés annuels, le salarié sénégalais se repose beaucoup.

Non content de ne pas travailler assez, certains usent de faux alibis, de subterfuges, pour s’abstenir du travail. Ce qui fera dire sans doute au Dr Samba Kâ, ancien de la Banque mondiale que « le peuple sénégalais n’est pas un peuple de travailleurs, ceux qui travaillent font semblant ». Pourtant, dans notre code moral, le gain doit être licite comme la contrepartie d’un travail effectué. Et puis, en droit du travail, le salaire, la rémunération sont assujettis au service rendu. Il y a une relation morale et quasiment spirituelle entre le fait de subvenir aux besoins de sa famille et de devoir gagner sa vie. 

L’expression qui traduit le mieux la charge éthique du travail, c’est  « Daan doolé », en langue wolof, autrement dit «gagner sa vie à la sueur de son front ».  Seulement, la triche, en général, est symptomatique de la manière dont notre société a évolué dans le mauvais sens. La triche, équivalent wolof des termes Ndjublang(tricheur) « ou « Nafex »( hypocrite) constitue les contre valeurs qui étaient bannies jusqu’à récemment  dans nos cultures  où ce qui valorise, demeure le  « Jom » ( Persévérance dans l’effort), le «  Ngor ( sens de l’honneur) » et la « Fayda » (abnégation, détermination). Ces normes éthiques socialisées faisaient la référence à l’honnêteté telle que cela est pensé dans le Sénégal des vertus. Les crises successives que le pays a connues se sont accompagnées d’un bouleversement des normes sociales  et des valeurs qui faisaient notre «  « sénégalité », notre fierté.  Hier, ne pas travailler, voler, mentir, trahir la parole donnée, équivalaient à une mort sociale. La valeur suprême était la dignité.

L’idéologie du « Nawlé » ( collègue payé au même titre que soi) devant qui il fallait faire preuve de probité morale, obligeait les gens à se surpasser dans le travail. Refusant, du coup, de se mettre en marge de la société et de se voir considéré comme un banni qui a jeté l’opprobre sur lui-même. Dans le passé, celui qui avait failli à ses obligations morales et sociales, se condamnait lui-même à l’exil vers un ailleurs d’où  il ne revenait presque jamais. Aujourd’hui, la plupart de ses valeurs ont presque disparu ou sont considérées comme démodées. Il y a une décrépitude morale rampante à laquelle il faut remédier dans l’urgence, par un travail collectif d’introspection et un réarmement moral. L’appel  du président Macky Sall (à son retour après un périple en Chine, en France et au Qatar) invitant les Sénégalais à être assidus au travail et à bannir la tricherie au boulot,  ne doit pas être un effet de manche, mais il doit servir de déclic.  Car dans ce combat pour le retour à la valeur du travail, le rôle des leaders d’opinion (marabouts, guides religieux), des leaders politiques, et l’éducation qu’il faut reconsidérer dans ses fondamentaux, sont prépondérants. Il faudrait, pour cela, que les hommes politiques et ceux de l’administration, au plus haut niveau, donnent l’exemple en gérant les affaires publiques de manière transparente et en étant assidus au travail. Dans une société où le dispositif moral s’est délité, où la recherche de l’argent facile est le jeu favori de certains, seule la valeur du travail peut garantir l’avenir de la nation.

Si comme dirait Alioune Faye, président de l’Association nationale des directeurs et cadres du personnel du Sénégal, « nous voulons relever ensemble les défis pertinents du Pse, nous devons tous reprendre goût au travail ». Dans cette volonté collective d’introspection et de réarmement moral,  les sociologues ont un rôle majeur à jouer : faire davantage et mieux leur travail.

Par Mamadou DIOUF

CaricatTravail 2QUAND TOUS LES MOYENS SONT BONS POUR S'ABSENTER DU BOULOT
Pour gagner une demi-journée ou une journée de repos au travail, aucun alibi n'est de trop pour les plus fainéants parmi nous Sénégalais. Décès d'un proche, certificat à l'authenticité douteuse pour une maladie imaginaire, baptême, mariage, etc., les ficelles et les subterfuges pour faire le travail buissonnier ne maquent pas.

Animant une conférence à l'Iam sur les Enjeux des économies africaines avec un focus sur le Sénégal, le Dr Samba Kâ, ancien haut fonctionnaire à la Banque mondiale, a balancé tout de go : « Le peuple sénégalais n'est pas un peuple de travailleurs et la plupart de ceux qui travaillent font semblant de travailler. C'est ce qui explique que nous ne sommes pas productifs ». Si cette déclaration a pu, peut-être choquer certains confrères qui prenaient part à ce séminaire de renforcement des capacités offert par la Convention des jeunes reporters du Sénégal (Cjrs), il n'en demeure pas moins qu'elle recèle une part de vérité. D'ailleurs, ce n'est pas pour rien que le chef de l'Etat Macky Sall, dès son retour du voyage qui l'a mené en Chine, au Qatar et en France, a invité les Sénégalais à être plus assidus au travail et à bannir la tricherie au boulot.

L'homo senegalensis serait-il naturellement fainéant ? Il y a un pas que l'on se défend de franchir. En tout cas il traîne, comme unboulet, la  mauvaise réputation de ne pas aimer trimer. Ne dit-on pas d'ailleurs dans le langage populaire wolof que « l'argent ne se gagne pas à la sueur de son front, il se négocie » ?

Sur les 13 millions d'habitants que compte le Sénégal, la population active est de 8 millions  estime le Dr Samba Kâ. Et sur ce chiffre, on ne sait pas le nombre exact de ceux qui ont un travail formel. Et ceux qui ont un travail formel font semblant de bosser, avance-t-il. En effet, pour se dérober à leur devoir et ne pas faire le travail pour lequel ils sont payés, beaucoup de travailleurs usent d'astuces, de subterfuges, d'alibis et de ficelles. L'essentiel, pour eux, c'est de gagner un ou quelques jours de repos. Et ce ne sont pas les justificatifs qui manquent. Décès, mariage ou baptême d'un proche, maladie imaginaire, etc., la liste est longue.

« JE N'AVAIS PAS LA CONSCIENCE TRANQUILLE »
En ce milieu de matinée, le ciel dakarois s'est drapé d'un voile de poussière qui laisse échapper une chaleur diffuse. A la question de savoir s'il a déjà joué de subterfuges pour bénéficier d'un jour de repos, Alioune Badara Fall, magasinier, s'est voulu honnête : « Oui j'ai une fois utilisé un faux alibi pour ne pas aller au boulot. Mais en mon fort intérieur, je n'avais pas la conscience tranquille », confie ce quinquagénaire. Péché avoué est à demi pardonné. Et Alioune Badara de se faire moralisateur, lui qui a déjà fait quelques pays asiatiques où le travail est un sacerdoce, un culte. « Au Sénégal, il nous manque le culte du travail. Dans d'autres pays, on travaille même le dimanche. C'est en ce sens que j'ai beaucoup apprécié la sortie du président Macky Sall appelant nos compatriotes au travail. Je pense que c'est important si on veut sortir du sous-développement » dit-il.

Profitant de sa journée de repos réglementaire, Amadou Lamine Guèye, assis sur un banc de ce qui reste du jardin public de la place de l'Obélisque, a le nez plongé dans ses journaux. A la Une, la déclaration du chef de l'Etat. Son commentaire est sans complaisance. « Tout le monde a fait le constat, nous aimons trop la facilité. Le laxisme au travail, les retards, les absences,  le Sénégalais veut tout avoir en travaillant le moins possible. Le président de la République a raison ; ce n'est pas à ce rythme que nous deviendrons un pays émergent. Il ne faut pas se voiler la face », argue cet agent dans une usine de pêche de la place. Il jure la main sur le cœur qu'il ne s'est jamais absenté au travail en usant de faux alibis. « Rester une journée sans aller à mon job me dérange. C'est dans le travail que je m'épanouis », informe-t-il, avant de dénoncer le manque de rigueur de certains chefs d'entreprise ou de service qui ferment les yeux sur le comportement de leurs agents.

Comme s'ils s'étaient passé le mot, Mohamed Goudiaby et Abdoulaye Wade, tous deux étudiants à l'Ucad, martèlent en chœur que la seule solution pour remettre tout le monde au travail, c'est de prendre des mesures coercitives comme les coupes sur les salaires. « Le travail, c'est une chaîne et tout maillon manquant peut entraîner sa rupture. Pour dire que tant qu'à tous les niveaux on ne met pas du sérieux dans le travail, on n'ira nulle part », affirme avec conviction Mohamed Goudiaby, en Licence 3 d'Anglais. Quant à Mme Elisabeth Diop,  enseignante à la retraite, elle en appelle à la conscience professionnelle. « On n'a pas besoin d'avoir un gendarme derrière chacun pour qu'il travaille. C'est une question de conscience individuelle. On a pris un engagement vis-à-vis de notre employeur, il faut respecter cet engagement et ne pas tricher. C'est ainsi qu'on méritera notre salaire ». Les paroles de cette sexagénaire seront-elles entendues un jour ?

Elhadji Ibrahima THIAM

 

 

CaricatTravail 3STRUCTURES DE SANTÉ PUBLIQUE: LES DEMANDEURS DE SERVICE ENTRE SATISFACTION ET COMPLAINTE
Dans les récriminations des usagers et demandeurs de service dans les structures administratives et publiques, les hôpitaux publics sénégalais ne font pas exception. Même si certains plateaux médicaux ont fait beaucoup d’efforts pour satisfaire les patients, la majorité des malades ou leurs accompagnants continuent de se plaindre.

Deux images opposées attirent d’emblée l’attention au centre de santé Gaspard Kamara de Grand Dakar, en ce samedi 08 mars, jour de célébration de la journée des femmes. D’un côté, des mères et des jeunes filles très joyeuses qui claquent les mains et esquissent quelquefois des pas de danse pour célébrer l’événement. De l’autre côté, des jeunes dames aux mines obscures qui patientent sur un banc carrelé devant une salle où c’est écrit : « Salle d’accouchement ». Dehors, on peut entendre parfois des cris éphémères qui viennent de l’intérieur de cette salle. 
La petite ambiance bat toujours son plein. Du matériel médical et des produits sanitaires sont exposés au milieu d’un petit cercle, très vite formé par les dames composées majoritairement de « Bajanu Gokh ». Deux dames en blouse font la navette entre la salle d’accouchement et le dehors. Elles viennent alternativement d’un moment à l’autre demander une à une aux personnes dans le rang de les suivre à l’intérieur. Parfois, elles se mettent toutes les deux à la porte de la salle pour admirer le folklore.

La patience se poursuit pour les demandeurs de service sanitaire qui attendent leur tour. « J’ai accouché de mes deux enfants dans ce centre de santé, mais je n’ai jamais eu de grosses difficultés. Honnêtement, je ne dis pas que tout fonctionne à merveille, mais Gaspard Kamara est l’une des meilleures structures de santé de Dakar. Les travailleurs viennent tôt le matin et y restent jusque tard dans la soirée », affirme l’une des patientes de ce matin. Propos que confirme Alioune Faye, un étudiant qui a été traité dans cette structure et qui a décidé de remettre un cadeau au médecin chef du centre de santé à l’occasion de cette journée internationale de la femme.

Satisfaire les demandeurs de service 
Le Dr Ndèye Maguette, comme l’appelle affectueusement les dames, a fondu en larmes en recevant le cadeau. « J’ai pleuré parce que le geste est très symbolique pour moi, en tant que agent assermenté. Il n’y pas meilleure récompense pour un médecin que de constater que ses patients sont satisfaits de son travail », a soutenu le médecin, les yeux imbibés de larmes. Docteur Ndeye Maguette explique que lorsqu’on l’affectait à Gaspard Kamara, beaucoup de gens le prenait pour une sanction. « Mais moi, je ne crois qu’au travail et je serais toujours au service de mon pays qui a beaucoup investi sur ma formation…», a-t- elle ajouté.

De son côté, le sieur Faye dit ne pas avoir les mots adéquats pour remercier le médecin  chef. Non loin de là, à l’hôpital Abass Ndao, c’est un autre décor. Un calme inhabituel qui y règne en cette mi-matinée du lundi 10 mars. Seuls quelques patients, avec ordonnances ou médicaments à la main, des membres du personnel administratif qui font des va-et-vient entre les bureaux pour satisfaire les demandeurs de service administratif et les gazouillis des oiseaux aux cimes des arbres forment l’ambiance.

Les membres du Syndicat autonome des médecins du Sénégal ont décrété, depuis ce matin, une grève de 48 heures. Cette grève, selon Amar Thiam, chef du service des ressources humaines de l’hôpital, a perturbé le système puisque les médecins qui devaient faire les consultations et ceux qui devaient faire des interventions chirurgicales ne sont pas au rendez-vous. Toutefois, M. Thiam estime qu’il n’y pas d’absences récurrentes dans la structure, mais il existe parfois des retards comme dans toutes les administrations.  « A l’administration, nous avons mis en place un système de pointage. Et en plus, chaque matin, je fais un tour dans les bureaux pour voir un peu les travailleurs qui viennent à l’heure et les retardataires. Des sanctions autant positives que négatives sont aussi souvent prises », a affirmé Amar Thiam. Par ailleurs, il explique qu’il y a certes des médecins qui officient dans les cliniques, mais l’impact ne se fait pas trop sentir, parce que, ajoute-il, ces médecins font d’abord leur boulot avant de partir.

« Parcours de combattant » du patient
« La direction n’acceptera pas que des médecins abandonnent les malades pendant les heures de travail pour aller faire leurs propres activités », a-t-il avancé. Pour M. Thiam, seul le travail paye et « tous les Sénégalais doivent répondre à l’appel du président de la République au travail pour relever les défis qui nous interpellent ». Mais, de l’avis d’Amadou Ndiaye, un jeune homme croisé à la porte de l’hôpital, « voir un médecin à l’hôpital Abass Ndao relève d’un véritable parcours du combattant ». « Pour pouvoir se faire consulter, il faut venir à l’aube. Et même si tu viens à cette heure, il n’est pas sûr que tu sois consulté. Parfois, même si le médecin vient, il peut consulter trois ou quatre personnes et s’en aller. Cette situation n’est pas uniquement valable pour Abass Ndao, mais c’est pour tous les hôpitaux », a déploré Amadou Ndiaye.

Pas loin de là, à l’hôpital Fann, les mouvements de personnes sont incessants. Mais, le cri des patients reste le même. « Si nous avions d’autres possibilités, nous aurions laissé les hôpitaux publics depuis longtemps. Rien que l’attente aggrave la maladie. Je ne sais pas si ce sont les médecins qui ne sont pas nombreux et un manque de personnels soignants ? Mais dans tous les cas, avoir accès aux soins n’est pas facile dans les structures de santé », regrette le vieux Sané. Toutefois, il reconnaît qu’il y a des médecins très ponctuels et qui respectent bien les patients. Dans un récent entretien avec le Soleil, le Pr Abdoul Kane, chef du service cardiologie de l’hôpital de Grand Yoff, faisait état de cette absence chronique de certains médecins du service public. Pour le Pr Kane, il n’y a presque pas d’activité dans les structures de santé publiques pendant les après-midi. Les médecins, disaient-il, désertent le public pour aller monnayer leurs talents dans le privé.

Ndiol Maka SECK

 

 

CaricatTravail 4L’ÉCOLE, OTAGE DU PHÉNOMÈNE DE L’ABSENTÉISME
Les causes d’absentéisme sont multiples chez le corps des enseignants. Le classique qui revient le plus souvent est « l’arrêt maladie », de complaisance ou non. Il demeure avéré que cette « excuse », souvent avancée, arrive en tête des motifs. Viennent ensuite les absences dues à une cérémonie familiale ou pour convenances personnelles, généralement assujettie à la maladie des enfants.

L’absentéisme des enseignants est devenu un phénomène banal, à force de grèves et d’indisponibilité à répétition. Cependant, pour des raisons juridiques de responsabilité, l’institution scolaire tend progressivement à se doter de moyens comptables de plus en plus précis pour l’instauration d’un cadre légal strict, afin de déterminer à quel degré la responsabilité de l’enseignant est engagée.

Le taux d’absentéisme enregistré dans les établissements scolaires est en effet souvent révélateur du niveau des élèves qui est de plus en plus bas. « Une absence entraîne toujours des répercussions négatives sur le travail. Il est donc essentiel d’intégrer la dimension individuelle de l’enseignant qui doit être avant tout animé par sa conscience personnelle et professionnelle», affirme Youssoupha Bâ, enseignant à Tivaouane.

Plus que jamais, il importe de « débanaliser » l’absence des enseignants, mais aussi de la déculpabiliser.  Le sujet est en effet souvent tabou. Pourtant, communiquer sur les conséquences et le coût de l’absentéisme pour l’école peut aider les enseignants à prendre conscience de ses enjeux, assure M. Bâ.

Pas besoin de grands discours encore moins de chiffres éloquents sur le problème. Les conséquences sont visibles et immédiates : « chamboulement, retards sur le programme, non-satisfaction du quantum horaire, absence de résultat, chute du niveau des apprenants… Les maux font légion.

SANCTIONNER POUR REMETTRE DE L’ORDRE
Du point de vue de ce directeur d’école qui sert en banlieue de Dakar, « la sanction peut paraître une bonne solution au début, en se disant que l'on va démasquer les tricheurs. Mais, dans la durée, cela a un effet très limité. La bonne solution, c'est d'en parler avec les concernés, en leur expliquant que leur présence est essentielle pour les élèves », préconise-t-il.

Dans le secteur de l’enseignement, le quantum horaire annuel est fixé à 900 heures au Sénégal. Pour la validation de l’année scolaire, il faut au moins remplir 700 heures d’enseignement. Toutefois, sur le plan international, certains pays parviennent à valider jusqu’à 1200 heures, nous renseigne Bassirou Diallo, inspecteur de l’enseignement à l’Académie de Colobane.

Pour la sanction, c’est à l’autorité compétente de déterminer la faute. Les faits incriminés doivent avoir un caractère fautif, c'est-à-dire traduire un manquement à une obligation professionnelle, renseigne Mame Betty Fall, inspectrice à l’Ia de Colobane.

LES RURAUX SERAIENT PLUS REGULIERS
Il faudra cependant remarquer que l’inaptitude physique n’est pas considérée comme une faute. La violation ne doit pas aussi être présumée, mais dûment établie. Même établie, elle n’est pas punissable si l’agent a agi en cas de force majeure, précise-t-elle.

Les sanctions sont reparties en différents degrés. Le premier degré consiste à la demande d’explication adressée au fautif avec exigence de réponse écrite. Ceci inclut une  analyse de la pertinence des explications fournies. Une fois constatée, il est nécessaire d’établir une notification de la sanction par écrit ; et elle doit faire apparaître les faits qui la fondent. Le deuxième degré concerne la réduction d’ancienneté d’échelon ne pouvant excéder 2 ans. Elle annule l’avantage d’un avancement acquis par ancienneté (d’un échelon) et par conséquent le traitement y référant également, note Mme Fall.

Il ressort que les enseignants qui servent en milieu rural se laissent moins envahir par le phénomène de l’absentéisme dans le cadre de leur travail. Les raisons sont multiples. Les établissements scolaires se trouvent la plupart du temps dans des zones difficiles d’accès. Ce qui décourage ou indispose les enseignants qui y servent à suivre les mots d’ordre de grèves ou à se déplacer souvent.

La seule problématique qui ressort de ces zones est la réticence des élèves à venir à l’école dès que la saison des pluies s’installe, contraints qu’ils sont de se rendre aux champs.

Les témoignages les plus récurrents soulignent que les femmes sont plus abonnées aux absences. « Il arrive certes que les hommes s’absentent, mais il est clair que les femmes sont les plus enclines à s’y adonner », note cet inspecteur de l’enseignement. Certaines s’activent dans le commerce et ne se privent pas de s’absenter pour suivre l’évolution de leur « business ». D’autres adeptes de cérémonies à la démesure introduisent souvent des notes d’indisponibilité pour se rendre le plus souvent à des cérémonies familiales.

Des permissions exceptionnelles d’absence avec solde non déductibles des congés annuels peuvent être accordées dans la limite de 15 jours par an, lors d’événements familiaux qui doivent être justifiés, renseigne Bassirou Diallo.

Si l’agent fonctionnaire se marie, il a droit à quatre jours, contre trois jours pour le maître contractuel. Quand il s’agit de naissance ou de baptême de son enfant, l’enseignant bénéficie de deux jours d’absence. Outre cela, en cas de décès  du conjoint, du père de la mère ou d’un enfant, l’agent bénéficie de trois jours. Quand il s’agit du décès d’un ascendant ou d’un ascendant direct (frère ou sœur), il a droit à deux jours. S’agissant du mariage d’un enfant, d’un frère ou  d’une sœur, le congé accordé est d’un jour.

Oumar BA

 

Babacar Diakhate travailECLAIRAGE DE BABACAR DIAKHATÉ, INSPECTEUR DU TRAVAIL« IL FAUT ASSIGNER DES OBJECTIFS CLAIRS AUX DIFFÉRENTS POSTES DE TRAVAIL »
Pour faire face aux nombreuses absences répétitives au travail n’ayant pas une justification valable, l’inspecteur du Travail, Babacar Diakhaté préconise la définition des règles du jeu et l’assignation d’objectifs clairs aux différents postes de travail. En outre, il explique les risques encourus par les travailleurs qui s’adonnent à ce genre de pratique.

Ils sont nombreux les travailleurs qui cherchent à tout prix des alibis pour justifier leur absence de leur lieu de travail. Si d’aucuns se cachent derrière les évènements familiaux comme les deuils, les mariages, les baptêmes, d’autres brandissent des maladies « fictives ». Selon Babacar Diakhaté, inspecteur du Travail, le boulot est un moyen d’épanouissement social et intellectuel. Il devrait plutôt être une source de motivation pour le travailleur. Or, souligne-t-il, lorsque des fonctionnaires et des travailleurs au sens du Code du travail s’évertuent à trouver des prétextes pour déserter leur lieu de travail, c’est que cette motivation n’y est plus. Pour M. Diakhaté, dans le cadre de l’ordonnancement juridique en vigueur, il faut d’abord faire une grande distinction entre les fonctionnaires et les travailleurs soumis au Code du travail.

Deux régimes juridiques différents sont à relever. S’agissant d’abord des fonctionnaires, c’est le Statut général de la Fonction publique qui s’applique ainsi que les lois et règlements spécifiques aux différents corps de la Fonction publique. A ce titre, précise-t-il, c’est  la notion d’abandon de poste qui est utilisée pour parler du fonctionnaire absent de son poste de travail sans autorisation. « Ce dernier est susceptible d’être traduit en Conseil de discipline pour subir la sanction appropriée », explique l’inspecteur du Travail. En revanche, les travailleurs soumis au Code du travail relèvent des dispositions de leurs conventions collectives en priorité si elles existent, des accords d’entreprise et d’établissement, ainsi que la Convention collective nationale interprofessionnelle Sénégal (Ccni) du 27 mai 1982. Faute de conventions collectives ou d’accords d’entreprise ou d’établissement spécifiques, la Ccni, de l’avis de M. Diakhaté, pourrait être la référence pour les chefs d’entreprise. Il prône pour la définition des règles du jeu, la mise en place des objectifs clairs aux différents postes de travail, l’évaluation et l’appréciation avec des indicateurs de performance. « Plus spécifiquement le moment est peut-être venu de s’interroger sur le système de la Fonction publique de carrière de notre pays, pour en améliorer les conditions d’efficacité », poursuit l’inspecteur du Travail. Selon ce dernier, les risques encourus par l’employé, en cas d’absence non justifiée, sont des sanctions pour faute qui peut être liée à une  violation d’une obligation professionnelle, celle d’accomplissement de son temps de travail. L’employeur peut invoquer, à ce titre, l’absence injustifiée, la mauvaise exécution du travail, l’insubordination, le manque de confiance…

SANCTIONS PREVUES
Entre autres sanctions prévues à cet effet : la réprimande, l’avertissement verbal ou écrit, la mise à pied de 1 à 3 jours, de 4 à 8 jours, le licenciement ou toute autre sanction prévue par la convention collective ou l’accord d’établissement. « Mais il faudrait que le travailleur ait été mis, au préalable, en situation de s’expliquer », précise M. Diakhaté. Ajoutant qu’en Droit social (Droit du travail et celui de la sécurité sociale), les accords relatifs aux conditions de travail négociés et signés par les institutions représentatives des employeurs et travailleurs conformément aux dispositions des articles L-80 à L-98 de la Loi 97-17 du 1er décembre 1997 portant Code du travail s’appliquent en priorité. Concernant les jours d’absence légaux autorisés, l’article 18 de la Ccni du 27 mai 1982 indique qu’à l’occasion d’un mariage, le travailleur bénéficie d’une permission de trois jours, d’un jour pour le mariage d’un de ses enfants, d’un frère ou une d’une sœur.

Pour le décès d’un conjoint ou d’un descendant en ligne direct, il est accordé au travailleur quatre jours d’absence. S’agissant enfin de la naissance d’un enfant, le baptême d’un enfant, la première communion ou l’hospitalisation d’un conjoint ou d’un enfant, c’est un seul jour qui est accordé au travailleur. Par ailleurs, estime Babacar Diakhaté, les explications données en général pour les absences dont l’employeur doute de la sincérité sont liées aux problèmes familiaux et religieux en particulier.

Abdou DIAW

Alioune FayeALIOUNE FAYE, PRESIDENT DE L’ANDCP: « SI NOUS VOULONS RELEVER LES DÉFIS DU PSE, NOUS DEVONS REPRENDRE GOÛT AU TRAVAIL »
Le constat n’est pas une simple litote, l’absentéisme est devenu une contrainte à la bonne marche de notre système économique. Une situation qui, selon Alioune Faye, président de l’Association nationale des directeurs et cadres du personnel du Sénégal (Andcp), coûte très chère aux entreprises. D’après celui qui a passé une bonne partie de sa vie professionnelle dans la gestion des ressources humaines, pour que  notre pays relève le défi du Plan Sénégal émergent (Pse), il faudrait que les gens reprennent goût au travail.

Quel commentaire faites-vous sur l'appel au travail du président de la République ?
« C’est une invite motivée certes par les circonstances du Plan Sénégal émergent (Pse), mais une invite que M. le président de la République renouvelle après le célèbre cri de son prédécesseur « Travailler, toujours travailler, beaucoup travailler, encore travailler ». Aujourd’hui il y aurait une sorte de culture du laxisme au travail remarquable notamment dans le service public et qui nous pénalise d’abord, nous, Sénégalais usagers de ce même service public.  – Il n’est pas loin, son bonnet est là ! vous répondra-t-on pour protéger un collègue qui n’est pas à son poste et sûrement hors du building administratif.

Si nous voulons relever ensemble les défis pertinents du Pse, nous devons tous reprendre goût au travail, nous ceindre les reins et cesser de fonctionner à la façon « débrouillardise » ou en faisant des « deal » pour régler nos problèmes au quotidien. Les enjeux liés à la redynamisation de notre économie, à la confiance des bailleurs de fonds (qui n’ont fait que des promesses sur lesquelles ils peuvent éventuellement revenir), les engagements du Pse pris aujourd’hui et qui impacteront sur les générations à venir ainsi que de nombreux autres facteurs à considérer sérieusement…, eu égard à tout cela, nous devons prendre conscience de cette nécessité inéluctable de travailler davantage ou en tout cas de travailler autrement ».

Quelles sont généralement les causes des absences dans les lieux de travail (Public/privé) ?
« Il n’y a pas de statistiques connues ou publiées dans notre pays pour rendre compte du taux national d’absentéisme dans l’administration et les entreprises ainsi que de leurs causes. Il faut simplement retenir que l'absence d'un salarié peut être motivée par de nombreuses raisons légitimes : arrêt de travail pour maladie avec certificat, absence pour accident du travail ou pour maladie professionnelle, etc. Il s’agit là d’une catégorie d’absentéisme compressible, c’est à dire des absences évitables en lien avec l’environnement professionnel (dysfonctionnement, conflit, démotivation, pénibilité des conditions de travail, etc.). Dans ce cas précis, l’employeur pourra intervenir sur ce type d’absence, comme par exemple les absences sans motif, non autorisées, perturbant de fait le fonctionnement de l’entreprise. En réalité, il y a un motif inavoué et qui est tout simplement la quête de cette fameuse dépense quotidienne (Dq). Signalons d’ailleurs que la recherche quotidienne de cette Dq est une cause fondamentale des absences dans les entreprises et même dans l’administration sénégalaise. Il y a là un problème de pouvoir d’achat et d’endettement du salarié.

A cette catégorie, outre les congés payés, il faut ajouter les absences que je qualifie de « légales », faisant l’objet de permissions exceptionnelles pour raisons familiales. Chaque salarié de l’entreprise a droit à 15 jours par an. C’est là une catégorie d’absentéisme sur laquelle l’employeur n’a presque pas d’influence pour la réduire ; elle est quasiment incompressible. D’autant plus qu’il faut tenir compte des absences pour évènements religieux (3 jours par an pour un événement religieux). Or la quasi-totalité des travailleurs sénégalais appartiennent à une confrérie religieuse qui célèbre un événement au minimum chaque année ».

Est-ce qu'il y a  des chiffres sur l'ampleur des absences dans les entreprises et qu'est-ce que cela peut occasionner comme conséquence et préjudice pour l'entreprise ?
« Il n’y a pas un taux national disponible. Il serait dangereux de s’aventurer à donner des chiffres quant à l’ampleur du phénomène dans nos entreprises et dans l’administration. Chaque entreprise gère son taux d’absentéisme et son bilan social qu’elle ne publie pas. Les services de la Direction du travail qui reçoivent le Bilan social annuel ou la Déclaration annuelle de la situation de la main-d’œuvre (Dasmo) pour certaines entreprises fournis par les directions des ressources humaines disposent sans doute de taux d’absentéisme calculés à partir du bilan social consolidé des entreprises concernées. En tout état de cause, lorsque les indicateurs du phénomène dépassent certaines normes, par exemple au-delà de 5%, il faut s’inquiéter pour  la productivité dans son entreprise. Il en est ainsi lorsqu’un chef d’entreprise ou un directeur des ressources humaines (Drh) constate un accroissement du nombre d’arrêt de travail, des absences injustifiées et des retards. Cet absentéisme aura indubitablement des répercussions sur l’ambiance de travail et les délais de production. Donc, c’est un facteur non négligeable pour le bon fonctionnement de l’entreprise qui peut occasionner des coûts très élevés. L’absentéisme coûte très cher à nos entreprises. Surtout lorsque vous ajoutez à cet absentéisme les nombreux jours de fête chômés et payés, aussi bien ceux planifiés que ceux improvisés comme il y a naguère.

J’ai comptabilisé environ 15 jours chômés et payés par an répartis entre les fêtes civiles au nombre de 4 (dont la fête du Tirailleur sénégalais), les fêtes musulmanes (5) et les fêtes chrétiennes (6), soit au total 15 jours chômés et payés qu’il faut ajouter aux 15 jours de permissions exceptionnelles pour raisons familiales. Donc un total de 30 jours non travaillés par chaque salarié sénégalais, non compris ses droits aux congés annuels qui sont de 2 jours par mois travaillés. C’est pour dire que sur les 365 jours de l’année, nous ne travaillons que 261 jours. Imaginez le coût supporté par l’entreprise ; de quoi décourager les investisseurs.

A partir de quelle tranche d’âge les absences sont-ils le plus notées et pourquoi ?
Sur ce point, il faut interroger le bilan social des entreprises ou les services de la Direction du travail pour voir s’ils ont réussi à consolider les bilans sociaux déposés annuellement. Ils pourront dégager des tendances lourdes qui sont plus recevables que des constats empiriques. Mon expérience dans la gestion des ressources humaines m’enseigne que les absences des jeunes sont généralement de courte durée, contrairement à celles des seniors qui sont un peu plus longues. Mais vous voyez que c’est très général. Nos services de statistiques du travail ou ceux de la Direction nationale des statistiques devraient pouvoir mieux nous renseigner sur le phénomène et ses chiffres. C’est peut-être même là où réside tout le problème. Le président de la République va sûrement dépasser le niveau du discours pour s’attaquer réellement et concrètement au phénomène et à ses causes. Mais alors, comment agir, si les services dédiés de l’Etat ne lui disent pas, à partir d’études et informations fiables, quelles sont les solutions idoines. D’où d’abord la mise au travail de ces services de l’Etat avec surtout les moyens adéquats indispensables.

Propos recueillis par Ibrahima BA

POINT DE VUE DES RELIGIEUX: « L’OUVRIER DOIT MÉRITER SON SALAIRE », EXHORTE LA RELIGION
La triche au travail n’est guère la bienvenue dans la religion. Pour l’imam de la mosquée de l’Unité 8 des Parcelles Assainies Mouhamed Guèye, l’Islam ne tolère pas le manque de ponctualité et l’absence d’assiduité au travail. De même, l’abbé Théodore Mendy de la Paroisse Sainte Anne de Bel-Air, citant la Bible, soutient «que l’ouvrier doit mériter son salaire ».

«Quand un travailleur s’absente sans contrainte majeure alors qu’il reçoit son salaire à la fin du mois, c’est du vol. L’Islam, à travers le Coran, interdit de consommer l’illicite. L’absence d’un employé peut même causer du tort à son employeur. Nous devons gagner dignement notre vie, à la sueur de notre front, sans faire de tricherie », explique l’imam Guèye.

« Beaucoup de gens s’adonnent à ces stratagèmes pour ne pas aller au travail. J’ai un parent qui, un jour, après s’être légèrement blessé au football, a couvert son pied d’une étoffe pour simuler une grave blessure. Après qu’il a été excusé pour rentrer chez lui, il est parti vaquer à d’autres occupations », cite en exemple l’imam Guèye.

De son côté, l’abbé Théodore Mendy, vicaire de la Paroisse Sainte Anne de Bel-Air, a rappelé que lors du message de Noël, le Cardinal Théodore Adrien Sarr avait invité les Sénégalais au travail bien fait. « Nous saluons l’appel du président de la République qui consiste à signer un pacte constant et permanent que nous voulons effectif », a dit le prêtre, qui accorde une importance capitale à l’honnêteté et à la justice. Invoquant la Bible, abbé Mendy cite l’apôtre Paul : « Il faut que l’ouvrier mérite son salaire, mais il faudrait que l’ouvrier soit à la hauteur du travail (assigné) pour mériter son salaire ». Le vicaire a alors exhorté les Sénégalais à avoir le culte du travail.

Selon l’abbé Théodore Mendy, chacun d’entre nous doit être un acteur de développement, puis il a demandé aux Sénégalais de conjuguer leurs efforts.

Serigne M. Sy CISSE

 

source:http://www.lesoleil.sn/index.php?option=com_content&view=article&id=37242:faux-alibis-ceremonies-familiales-et-religieuses-les-ficelles-de-la-triche-au-travail&catid=78:a-la-une&Itemid=255

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