Sud Quotidien vous avait déjà raconté son histoire il y a deux ans : avoir le bac à 62 ans, et l’avoir dès la première tentative…Elle ne s’est pas arrêtée en si bon chemin. Aujourd’hui, Mariam Cissé Traoré poursuit ses études supérieures et dit qu’elle se retrouve tout à fait dans le thème de ce 15e Sommet de la Francophonie. Une femme comme elle assume tout à fait son statut d’ « acteur »de développement. Son discours s’adresse aussi aux jeunes : il n’y a pas de raison que les esprits encore verts n’y parviennent pas, alors même qu’avec quelques trous de mémoire, elle n’a pas l’intention de s’arrêter.
Ecoutez, son histoire vous dira sans doute quelque chose. Elle était hôtesse de l’air depuis plus de 30 ans, un époux, des enfants, une vie rangée et presque calibrée…Et puis un jour, Mariam Cissé Dougoumalé Traoré est devenue bachelière…à 62 ans tenez-vous bien, elle qui avait abandonné les études un peu sur un coup de tête comme elle dit. Retourner à l’école, pourquoi pas ? C’est vrai qu’elle y pensait, mais plus comme un vieux dossier que l’on range dans un casier et que l’on finit par oublier.
Mais en 2011, en pleines vacances, on discute à la maison : la benjamine de la famille doit passer le bac, et voilà qui donne des idées à maman. C’est décidé : elle aussi ! Son époux l’encourage aussitôt. Elle se retrouve alors à devoir partager la salle de classe avec des jeunes du Collège Sacré-Cœur, une cohabitation qui se passe plutôt bien, puisque ses «camarades » comme on dit trouvent en elle un modèle, un exemple : pour tout dire, son courage à elle fauche toutes leurs hésitations. « On respectait (son) parcours, (sa) démarche et (son) âge ».
Elle qui est plutôt douée pour les langues-une pure littéraire comme elle dit-obtient la note de 15 en français, et 15,5 en anglais. Pour les maths et la philo, c’est un peu plus compliqué, mais ça ne la décourage pas. Elle trouve un professeur pour chacune des deux matières. Bachelière du premier coup, à plus de 60 ans, il faut le faire. Elle ne se souvient pas vraiment de ce qu’elle a ressenti à ce moment-là : tout était tellement confus. « Je n’étais même pas sûre que c’était moi que l’on appelait » raconte-t-elle. Ce dont elle est sûre en revanche, c’est que son fils et sa fille qui l’accompagnaient lorsqu’elle est allée prendre ses résultats, étaient très fiers d’elle.
Le succès, c’est bien connu, ça donne faim. Mariam Cissé Dougoumalé Traoré veut aller plus loin et poursuivre des études supérieures. Elle tape à plusieurs portes, on ne lui ouvre pas toujours. Jusqu’à ce qu’elle franchisse le seuil de l’Institut africain de management (IAM) où le directeur Moustapha Guirassy dit oui tout de suite. Et c’est comme cela qu’elle se retrouve à suivre un cursus de trois ans en marketing et communication. Elle y passera deux ans finalement, compte tenu de son expérience. Elle qui avait déjà monté son entreprise-elle est organisatrice de mariage ou wedding planner en anglais- dit que ce que lui apporte cette formation, c’est qu’elle comprend davantage ce qu’elle fait, elle met des mots là-dessus, et cela donne de la valeur à son activité. En ce moment, Madame Traoré peaufine son mémoire de fin d’études, un travail de recherche qui porte sur l’événementiel et qu’il ne lui reste plus qu’à déposer pour relecture et autres corrections.
Quand on lui demande ce qu’elle fait de son temps libre, elle cherche…Elle n’en a pas vraiment en fait. Toujours occupée : ou les mariages, ou le tissage où elle s’est lancée quand elle a dû arrêter de travailler comme hôtesse de l’air pour des ennuis de santé. Elle ne s’est jamais arrêtée.
Au-delà de sa personne « qui compte très peu finalement » comme elle dit, il y a l’exemple. Mariam Cissé Dougoumalé Traoré pense qu’elle aurait pu bien rester dans son coin, parce que dans un pays comme le nôtre, « ce n’est jamais bien vu de parler de soi ». Heureusement que d’autres personnes avant ont raconté son histoire, dit-elle. Pour montrer aux jeunes que « si c’est possible à un certain âge, et malgré quelques trous de mémoire », il n’y a pas de raison de douter « quand on a encore la mémoire fraîche ». Elle songe parfois à écrire son histoire, mais finit par se dire que « ce serait très inconfortable que le récit de (son) succès puisse passer pour de la propagande»