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Dim, Déc
mercredi, 10 décembre 2014 00:00

Révélations inédites sur la vie de Serigne Sidy Moctar à Ngana

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L’OBS – Serigne Sidy Moctar Mbacké, le Khalife général des mourides a radicalement changé le visage de Keur Ngana où il s’est installé en 1958 dans des conditions très difficiles. Seulement, à force de travailler, il a fini par transformer cette terre hostile en un havre de paix. Tous les témoignages des habitants de Ngana sont unanimes : l’homme religieux a marqué l’histoire de cette localité qui lui sert de lieu de retraite spirituelle.

Ngana ! Naguère ce mot à deux syllabes très chantant ne  renvoyait à rien. Aujourd’hui, tout le monde le connaît comme le lieu de retraite spirituelle du Khalife général des mourides, Serigne Sidy Moctar Mbacké. Cette localité sortie désormais de l’anonymat s’identifie au guide de la communauté mouride.

 

 Le patelin a été fondé par le vieux Ngana Khouma, vers les années 1950. Elle était enclavée, inconnue de tous, aujourd’hui Ngana nichée au cœur du Baol fait partie des cités religieuses les plus fréquentées. Elle  a reçu  la visite de la presque totalité  des autorités du pays. Pour y accéder, on est obligé soit de passer  par Darou Mousty ou par Mékhé afin de rallier   Thilmakha. Après cette première  étape,   le voyageur prend   l’axe routier Thialmakha- Baba Garage- Khombole en parcourant une distance de 29 kilomètres.

 

 

Une deuxième alternative assimilable à  un parcours de combattant s’offre également au visiteur. Il peut avaler 22 kilomètres  de piste en  passant par  Ndindi avant de remonter   pour sortir par Diourbel. Ayant opté de passer par Thimakha, Keur Ngana se découvre après une heure de route. L’horloge affiche 11 heures. Le fief du Khalife général des mourides est calme.  Un vent doux et docile caresse  gentiment la population de ce   petit hameau situé dans la commune rurale de Touba Lappe, (arrondissement de Ndindi- région de Diourbel). Les rares personnes rencontrées près du magasin de stockage  des graines reviennent des champs.  De loin, on aperçoit une belle  mosquée  immaculée,  trônant majestueusement  au milieu du village, exactement à droite de la maison de l’actuel Khalife des mourides, Serigne Sidy Moctar Mbacké, où deux agents du corps des agents de sécurité de proximité filtrent les entrées et les sorties.

Cette maison imposante, séparée en plusieurs appartements,  a  une longue et vieille histoire intimement liée à celle de son propriétaire, en l’occurrence le Khalife général des mourides.  Un coup d’œil dans le rétroviseur permet de s’en rendre compte. On est en 1958, le marabout qui vivait alors avec son oncle au village de Tambédou (1km de Keur Ngana), depuis qu’il a  terminé son enseignement religieux auprès de Cheikh Awa Balla Mbacké à Darou Marnane sollicite et obtient ce site, naguère appelé  «Pont de traite» un haut lieu de commerce où les traitants achetaient de l’arachide.

«Quand l’actuel Khalife des mourides peinait à joindre les deux bouts»

Dès qu’il a acquis ce terrain par le biais du vieux  Makhouradia Touré, alors chef de village de Lappe, Serigne Cheikh Sidy Moctar Mbacké, aidé par ses disciples (talibés) et de bonnes volontés,  commence  à le rentabiliser. Les arbres ont été coupés et plus tard les habitations faites de cases ont été installées. En ce moment, il avait trouvé sur place  un vieux nommé Ngana Khouma. D’ailleurs, c’est celui-ci qui donne son nom au  village.

Cependant, les premières années  passées  dans ce village n’ont pas été de tout repos pour Serigne Sidy Moctar. Le maître des lieux dont l’activité essentielle se limitait  à l’enseignement de ses disciples (talibés) et au travail  de la terre, peinait à joindre les deux bouts. Il faisait face à  d’innombrables  difficultés. El Hadji Ibrahima  Fall,  son compagnon de plus de trente ans,  se rappelle : «Je suis un témoin  privilégié pour avoir cheminé  avec Serigne Sidy Mactar Mbacké depuis 1956. J’affirme qu’il  a surmonté  beaucoup de difficultés. Ses débuts  à Keur Ngana n’étaient pas faciles.  Vraiment par décence, je ne peux pas faire certaines révélations. Mais, retenez simplement que le marabout a  travaillé dur  avant de  voir  le bout du tunnel.»  Bassirou Ndiaye,  enseignant de formation et Secrétaire particulier du Khalife embraie : «Les premières années qu’il a passées à Keur Ngana étaient épouvantables.  Les habitants du village  avaient toutes les peines du monde pour satisfaire le minimum vital. Les greniers étaient vides.  Serigne Sidy Moctar Mbacké n’était pas épargné. Il  parvenait difficilement à assurer quotidiennement les trois repas.»  Aussi, rapporte  M. Ndiaye, comme pour étayer son argumentaire : «Au cours  d’une forte  pluie survenue  au milieu de la   nuit,  une partie de la case  du marabout construite en argile s’était écroulée, et il  était  resté  debout le restant de la nuit sur l’autre côté de la chambre. C’est pourquoi,  il  aime bien  Keur Ngana,  où il a vécu les moments  les plus durs de son  existence. Tout ce qu’il a eu, il l’a obtenu à partir d’ici.»

«Il partait au Magal à bord de calèche et faisait le trajet en 2 jours»

Pour la petite histoire pendant des années, le guide religieux a  quitté ce village  plusieurs fois pour se rendre au Magal de Touba à bord de sa calèche conduite par son talibé Mbaye Sall (décédé l’année dernière).  Il faisait un trajet en deux jours. Assimilant bien l’adage : «Qui est patient comme la terre sera récompensé comme elle», le fils de Sokhna Maty Lèye,  n’a jamais baissé les bras. D’ailleurs, à ceux qui fuyaient ce milieu hostile pour s’installer définitivement  à Touba, il disait : «Tout ce dont  vous avez besoin vous trouvera  dans ce village. Restez ici, les gens vous trouveront sur place pour régler vos problèmes.» Lui avait vu venir depuis longtemps l’actuelle situation de Ngana avant tout le monde.

Cette prédiction du Saint homme est aujourd’hui un pari gagné. Il suffit juste de visiter ce petit patelin où les infrastructures sont en train de pousser comme des champignons, pour se rendre compte de l’évidence. Avec une population de 161 habitants répartie entre 19 ménages, Keur Ngana fait partie des villages du Sénégal les plus dotés en infrastructures.  L’éternelle  doléance  des populations, relative au bitumage de la route Thilmakha– Khombole, qui dessert la localité  est satisfaite depuis   2011. Auparavant, il fallait braver cet  axe routier construit en 1937, très  impraticable à cause de sa vétusté. «C’était la croix et la bannière pour rallier Keur Ngana. Maintenant, avec le bitumage de cette route, nous n’éprouvons plus de difficultés pour venir dans ce village», reconnaît Modou Sène, un  chauffeur de taxi.

La question de l’électricité est également réglée. Un programme de l’Agence sénégalaise de l’électrification rurale (Aser) déroulé en 2008 a électrifié toute cette partie du département de Diourbel.  La santé n’est pas en reste. Un poste de santé  très équipé et doté d’une maternité pour un coût global de 35 millions FCfa a été construit par un mécène en 2010.  Deux ambulances flambant neuves assurent l’évacuation des malades.  Amath Sy, Infirmier chef de poste en service au dispensaire «Sokhna Maty Lèye» de Keur Ngana  fait danser les mots et diagnostique : «Avant 2010, Keur Ngana disposait  d’une case de santé qui dépendait du poste de santé   de  Gade Escale (10km). Les malades pour se soigner se rendaient soit à Thilmakha,    Dinguirail,  Niakhen ou à  Gade Escale.   Serigne Sidy Moctar Mbacké, qui a fait de la santé une de ses priorités a pesé de par son influence pour que la case de santé soit érigée en poste de santé. Ses talibés sont par la suite venus à son rescousse en équipant le dispensaire.»

L’éducation fait également partie des secteurs ayant bénéficié d’un coup de pouce du Khalife. L’école élémentaire de  Keur Ngana, qui compte 6 classes, est nouvellement  érigée en Collège  d’enseignement moyen(Cem) avec  une classe de 6e et  de 5e. «Une bonne partie des élèves abandonnaient l’école après avoir réussi à l’Entrée en 6e, car ils étaient orientés aux collèges de  Ndindi ou de  Mboul.  Avec ce Cem nouvellement érigé, ils sont maintenant dans les dispositions de poursuivre sans difficultés leurs études», assure M. Sène, enseignant en service audit collège. Une Case des tout-petits  et  les logements des enseignants sont en construction.

Toutes ces réalisations ont  été possibles grâce au patriarche de Gouye Mbind qui envoie ses émissaires  vers  les  autorités pour plaider la cause de Keur Ngana. Cloué sur une chaise roulante, Bassirou Ndiaye,  le Secrétaire particulier du Khalife,  qui s’est retiré des affaires à cause d’un accident de la circulation, revient à charge et affirme : «Toutes ces infrastructures portent l’empreinte du khalife.  C’est moi qui assurais le traitement des courriers qu’il envoyait aux autorités. D’ailleurs, si vous avez fait la  remarque, une bonne partie de ces réalisations ont commencé à sortir  de terre à partir de 2010, année à laquelle il est arrivé au Khalifat de Serigne Touba. Donc, il avait vu juste  en prédisant que ce village aurait tout ce dont il a besoin et que les gens viendraient le trouver ici. En moins de trois ans, la population du village a doublé.  Les belles maisons poussent maintenant comme des champignons dans le village. Cela est surtout favorisé par les nouvelles infrastructures.»

«Serigne Sidy Mokhtar ne tend jamais la main à un talibé et règle tous les problèmes qu’on lui soumet»

La population de Keur Ngana ne tarit pas d’éloges à l’endroit du Khalife des mourides. Sa générosité est unanimement  chantée par tous. El Hadji Serigne Bousso Touré, chef du village de  Lappe, confie : «Je suis âgé de 85ans, donc je ne peux pas me permettre de faire un faux témoignage. J’ai cheminé avec Serigne Sidy Moctar Mbacké depuis plus de 54 ans. Mais, je n’ai vraiment jamais vu une personne aussi généreuse que lui. C’est lui qui m’a payé le  billet pour le pèlerinage à La Mecque. Depuis 25 ans, chaque année il donne des vaches et des chameaux à tous les villages de la zone. Depuis qu’il est devenu khalife, il le perpétue tous les 3 mois.» L’homme souffle un coup, se réajuste, puis continue son témoignage la voix étreinte par l’émotion. «Il ouvre son magasin pour distribuer à chaque ménage un sac de mil et un sac de riz.  Chaque année, il emmenait à La Mecque plus de 15 personnes. Le chiffre est porté à 35 depuis qu’il a accédé au Khalifat. Il entretient  aussi  de bonnes relations avec les familles religieuses, qu’il  appuie considérablement quand elles ont des cérémonies. Je peux vous assurer que s’il avait les moyens, il allait nourrir toute l’Humanité», argue-t-il. Cheikh Ndiaye (79 ans), un autre compagnon du Khalife, est lui  aussi formel : «J’accompagne Serigne Cheikh depuis les années 50, mais il est difficile de faire comme lui. C’est un homme généreux. Il a donné des chevaux à presque toutes les familles pour les aider dans les récoltes. C’est lui qui scelle les mariages avec ses moyens propres. Quand il y a un événement malheureux aussi, il met la main à la poche et puis, il le fait en toute discrétion. Il travaille pour Dieu. C’est le bienfaiteur de l’Islam.»

El Hadji Ibrahima Fall, bénéficiaire aussi  des largesses du Saint homme, (il lui a payé le billet de La Mecque en 2001), déclare : «Serigne Sidy Moctar ne tend jamais la main à un talibé. Il  règle tous les problèmes qu’on lui soumet. Pendant la période  de soudure, sachant que les paysans sont dans le besoin, il les appuie considérablement. Quand il fait un geste à l’endroit des populations,  il ne différencie pas ses amis des autres. C’est une chance pour nous.»  Comme si cela ne suffisait pas, les fonctionnaires affectés dans le village sont entièrement pris en charge par le chef religieux qui leur interdit de faire des dépenses.   Même rengaine chez les femmes rencontrées dans sa maison. Ces dernières trouvées devant la véranda d’un grand bâtiment piaffent d’impatience de parler de leur «ami». «Serigne Sidy Moctar Mbacké est un exemple de piété et de générosité. Nous lui souhaitons une longue vie et une santé de fer, car c’est une chance pour toute l’Humanité», prie Anta Wone.

    ABDOU MBODJ (ENVOYE SPECIAL A KEUR NGANA)

 

SOURCE:http://www.leral.net/Magal-de-Touba-L-histoire-jamais-racontee-sur-Serigne-Sidy-Moctar-Mbacke_a131909.html

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