Le discours de nouvel an du Président Macky Sall a ceci de particulier que cette fois, il a complètement éludé les grandes questions politiques de l’heure. A moins de deux années de la présidentielle de 2017, le quatrième président du Sénégal a fait le mort sur des sujets où il est particulièrement attendu aussi bien par la classe politique que le Sénégalais lambda : réforme des institutions, mandat présidentiel, Acte III, dialogue politique, reddition des comptes, Ofnac…Des questions sur lesquelles il s’était certes déjà prononcé mais qui cristallisent aujourd’hui encore l’attention de ses concitoyens.
Le moins que l’on puisse dire, avec le discours de nouvel an présenté avant-hier, mercredi 31 décembre, par le chef de l’Etat, c’est que celui-ci a occulté beaucoup de points d’enjeux majeurs constituant des engagements forts de son régime. A l’attention des Sénégalais suspendus à son écoute, Macky Sall a tiré un bilan succinct de l’action de son régime, annoncé ses grandes réalisations avant d’engager le gouvernement à « maintenir fermement un rythme accéléré dans la mise en œuvre des projets et politiques publics». Le seul hic dans ce discours, c’est que le chef de l’Etat a survolé naturellement les bons points de son régime tout en évitant soigneusement les sujets de controverse mais aussi ses engagements qui ne sont toujours encore traduits en actes concrets.
A deux années et poussière, la réforme des institutions devant refonder la République a été passée à perte et profits dans le discours de nouvel an. Même s’il est avéré que Macky Sall s’est déjà prononcé sur certains de ses points, la refonte de l’architecture institutionnelle du pays qui était un engagement fort du nouveau pouvoir tarde encore à se matérialiser. De sorte que tout le travail abattu par le Pr Amadou Makhtar Mbow et les membres de la Commission nationale de réforme des institutions (Cnri) est pratiquement rangé aux placards dans l’attente d’une volonté politique qui semble s’être étiolée, à l’approche de la grande échéance électorale de 2017. La question du mandat présidentiel dont Macky Sall avait annoncé le vote par référendum en 2016 a été de fait zappée. Or, les Sénégalais avaient besoin que Macky Sall mette fin à la récréation, compte tenu surtout de la levée de boucliers de certains membres du parti présidentiel qui rejettent de plus en plus ce grand engagement de leur chef de file, certainement sous la crainte d’une débâcle de l’Apr si le Président écourtait son mandat.
Que dire par ailleurs de l’Acte III de la décentralisation dont la première phase d’application (pour parler comme le ministre de tutelle Oumar Youm) a fini de générer moult dysfonctionnements et chapes de plomb dans la gestion des collectivités locales ! Là aussi, Macky Sall a préféré « faire le mort » dans son adresse à la nation, certainement pour ne pas lever davantage de cafards avec ce nouveau code général des collectivités locales que certains de ses détracteurs qualifient de stratagème pour « plomber » ses potentiels adversaires politiques en direction de 2017, comme Khalifa Sall, le maire de Dakar. Le climat politique ne cessant de se détériorer avec une opposition aux aguets, suite à la traque des biens dits mal acquis et le bras de fer engagé par Me Wade et ses alliés, le président de la République a préféré jouer à l’abonné absent autant pour l’affaire Arcelor Mittal qui est loin de connaître son épilogue, malgré la dissertation servie par le Pm et son gouvernement, que pour la nécessité du dialogue politique pour assainir le climat social et politique. Sur ce dernier point, Macky Sall est certainement resté ferme dans sa position affichée lors de la journée nationale des Institutions en faisant savoir que le dialogue politique doit se passer à l’Assemblée nationale où les partis sont effectivement représentés. Un point de vue que ne partagent sûrement pas tous ses concitoyens qui ont besoin d’apaisement et de sérénité dans le climat social et politique pour s’investir dans les taches de développement que requiert un Sénégal émergent.
Que dire pour finir de tous ces ministres qui refusent de faire leur déclaration de patrimoine devant l’Ofnac alors que Macky Sall lui-même les avait «instruits» de s’atteler à l’exercice, afin que la transparence et la bonne gouvernance dans la gestion des affaires publiques soient plus qu’un vœu pieux au plus haut sommet de l’Etat ! Là aussi, le chef de l’Etat semble s’être complu dans la demi-mesure. De là à gager que le maître du jeu est en train de peser toutes ces sorties, à moins de 26 mois de la présidentielle, quitte à ne pas satisfaire les attentes de certains Sénégalais, il n’y a qu’un pas que d’aucuns franchissent aisément.
Wade fait oublier à Macky les gisements de pétrole
A côté de la fièvre hémorragique Ebola, la découverte d’un deuxième puits de pétrole dans le territoire sénégalais a été l’un des faits marquants de l’année 2014. Cette découverte qui fait entrer le Sénégal dans le cercle restreint des pays producteurs du pétrole est tellement important que cela fait déjà rêver. En effet, L’entreprise pétrolière britannique Cairn Energy a annoncé dans un communiqué, la découverte de pétrole à 1 427 mètres de profondeur sur le bloc Sangomar profond, à 100 kilomètres des côtes sénégalaises. Le président de la République a certainement laissé en rade ce point à la suite de la grosse polémique soulevée par l’ancien président, Abdoulaye Wade liée à l’affaire Pétro-Tim où le frère de Macky, en l’occurrence Aliou Sall, est directement impliqué. Actuellement ; malgré les explications fournies par le principal concerné par ailleurs maire de Guédiawaye, les Sénégalais attendent encore des précisions au plus haut sommet de l’Etat.