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mardi, 03 février 2015 00:00

LAURENT POKOU, ANCIEN INTERNATIONAL IVOIRIEN «LE SENEGAL DOIT SE DISCIPLINER POUR GAGNER»

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Quatorze buts en deux phases finales de coupe d’Afrique des nations, l’ancien international ivoirien, Laurent Pokou a dû attendre 38 ans, après Asmara 1968 et Soudan 1970 pour voir Samuel Eto’o Fils, en 2008, mettre fin à son incroyable record. Venu poussez les Eléphants, son équipe de toujours, vers la victoire finale au soir du 8 février, il s’est confié à la presse sénégalaise hier, lundi 2 février, après un bon déjeuner dans un restaurant tenu par une de ses compatriotes à Malabo. Panafricaniste, l’ancien attaquant de l’Asec d’Abidjan, du Stade Rennais et de l’As Nancy-Lorraine crache ses vérités et appelle les Sénégalais à taire leurs querelles s’ils veulent inscrire, dit-il, le nom de leur pays dans le palmarès de la coupe d’Afrique des nations.   

Merci Laurent Pokou d’avoir accepté cet entretien. Pouvez-vous vous présentez à nos lecteurs ? 

 

Je suis ivoirien. Je suis né le 10 août 1947 à Abidjan en Côte d’Ivoire. J’ai joué à l’Asec d’Abidjan, puis en sélection nationale avec les Eléphants. J’ai fait  mes premières armes en 1968 à la Can d’ Addis-Abeba en Ethiopie. 
J’ai ensuite évolué en France notamment à Rennes, à Nancy avec Michel Platini pour ne pas dire que c’est lui qui a joué avec moi. Pour la bonne et simple raison que quand je jouais, il était benjamin. Je suis revenu à Rennes. Et de là, j’ai rejoint Montpellier. 
Mais, il faut quand même rappeler le contexte d’alors. Parce qu’à cette époque les joueurs africains n’étaient pas libres d’aller à l’aventure, comme c’est le cas aujourd’hui. 
A l’époque, on ne laisse jamais la pièce maitresse d’une équipe nationale partir. Ce qui était mon cas. Je n’ai pu partir en France à l’âge de 27 ans. 
Laurent Pokou, c’est aussi 14 buts en deux phases finales de coupe d’Afrique. Un record qui a longtemps duré. Le jeu était-il trop facile ou c’est parce que vous aviez un grand talent.
En 1968 à Addis-Abeba devant l’Empereur, Haïle Selassie, j’avais marqué six buts dans l’ensemble. A l’époque, Asmara (devenue capitale de l’Erythrée, Ndlr) était la deuxième ville de l’Ethiopie. Puis en 1970 au Soudan, j’ai marqué huit buts. Ce qui fait un total de 14 buts en deux éditions. 
Mais, il y a un de mes compatriotes, Ndaye, qui conteste cet état de fait en soutenant que c’est lui le meilleur buteur parce qu’il a marqué neuf buts en une édition. 
Seulement, je dois préciser que le match dont il fait allusion, a été rejoué et un de ses buts a été annulé.  Donc, je considère qu’il a marqué le même nombre de buts que moi. C’est-à-dire huit. Et comme en deux éditions, j’avais marqué 14 buts, modestie mise à part, je suis resté meilleur buteur d’Afrique pendant 38 ans.  Jusqu’à ce que Eto’o ne me batte au Ghana en 2008. 
 
Quel commentaire faites-vous de la CAN équato-guinéenne ? 
 
D’abord remercier le peuple équato-guinéen, avec à sa tête le président de la République. Ça allait être une honte que cette compétition se tienne dans un autre pays en dehors de l’Afrique. Vous imaginez une CAN au Qatar ? 
Avec le désistement du Maroc, l’Afrique était regardée d’un mauvais œil encore, avec cette épidémie d’Ebola. 
Sur le plan sportif, contrairement à ce que les gens pensaient, cette édition est loin d’être la moins relevée. Cette année, les choses étaient indécises même dans les phases de poule. On a constaté qu’il y a un nivellement des valeurs. Il n’y a plus de petites nations de football. Avec l’avènement de la globalisation, tout le monde s’est mis au diapason. Des favoris, pas des moins sont sortis au premier tour.  
 
Quel commentaire faites-vous du parcours des Eléphants qui ont écarté et le Cameroun et l’Algérie ?
 
Notre sélection est en mutation. Il y a beaucoup de jeunes. Nous étions la 1ère équipe africaine au niveau du classement de la Fifa. Aujourd’hui, nous sommes 3èmes. Par conséquent, nous ne sommes pas favoris. C’est pour vous dire que le football a sa raison que la raison ne connait pas.  Nous avons passé difficilement les phases éliminatoires. Nous avons été menés contre le Mali. Nous sommes revenus au score. Le même scénario s’est reproduit face à la Guinée. Ce sont des signes qui ne trompent pas. Cela veut dire qu’il y a quand même des ressources au niveau des joueurs. Nous avons livré un match héroïque contre le Cameroun. Ils ont remis ça face à l’Algérie. Toutefois, cela ne voudrait pas dire que c’est déjà gagner. Il faut rester humble et bien dans sa tête. Il ne faut pas perdre de vue qu’en 2012, nous avions gagné tous nos matches et nous avons perdu en finale (série de tirs au but devant la Zambie, Ndlr). Le football est la seule science qui est inexacte. Ce n’est pas parce que nous avons gagné l’Algérie que le trophée est déjà acquis. Il faut battre la Rd Congo en demies. 
 
Vous ne craignez pas que cette génération dite d’orée ne quitte la scène internationale sans rien gagner pour la Côte d’Ivoire ? 
 
Je vous disais que tout de suite que le football n’est pas une science exacte. Je ne suis pas au Sénégal où vous avez des Mourides, des Tidianes (rires). Et puis, je ne suis pas un prophète. Si je l’étais, j’aurai remporté une coupe d’Afrique pour mon pays et pour mon club. L’homme propose toujours, mais c’est Dieu qui décide. Je n’ai pas à craindre. Nous sommes en mutation. 
Prenons le cas de votre équipe, le Sénégal qui avait toute sa plénitude et ses joueurs pour réussir.  Vous gagnez un match, puis vous faites un match nul. Avec quatre points, on pense que vous êtes susceptibles de vous qualifiez. Malheureusement, je ne veux lancer une flèche à qui que ce soit, mais c’est un problème de coaching qui vous a éliminé. 
Face à l’Algérie, il fallait contenir les Fennecs. Mais, vous avez pris un but très tôt et la conséquence, c’est l’élimination du Sénégal. Maladroitement d’ailleurs. Je dirai même par votre faute, parce que vous avez pensé que la qualification était acquise. C’est pourquoi, en sport, rien n’est jamais gagné d’avance. Tout se passe sur le terrain. 
Donc pour moi, si cette génération de joueurs ivoiriens ne gagne pas le trophée, on ne devrait pas la tenir rigueur outre mesure, parce que nous sommes en mutation. Ce qui est important, c’est d’assoir une base solide pour que demain ça puisse émerger. 
 
Revenons sur le Sénégal. Selon vous, où est ce que l’équipe a-t-elle pêché ? 
 
Je ne vais pas me substituer à l’entraîneur du Sénégal. J’ai regardé le match. Nous sommes allés au terrain pour vous regardez jouer. Mais, je pense, sans vouloir entrer dans des considérations, qu’avec quatre points, vous avez pensé qu’un point ça devrait passer. Vous avez pris les choses à la légère. 
Si le Sénégal avait joué la première mi-temps comme il l’avait fait en seconde période, on n’en serait pas là. Ils auraient pu contenir les algériens. 
 
Comment expliquez-vous les échecs répétitifs du Sénégal dans les phases finales de la CAN ? 
 
Pour le Sénégal gagne, je m’excuse si le mot est trop fort, il faut qu’il arrive à se discipliner. On peut avoir les meilleurs joueurs au monde, mais sans la discipline, on n’y arrivera pas. Il faut de la cohésion, de l’entente. Quand nous avions gagné la CAN en 1992, chez vous, nous n’avions pas la meilleure équipe. Mais, c’était la discipline qui avait prévalu. Nous étions seulement concernés. Personnellement, je connais bien le Sénégal. J’ai beaucoup d’amis, notamment Lamine Diack (président de l’IAAF, Ndlr), mais aussi feu Amady Thiam de la Jeanne d’Arc. Cette année encore, si on donnait les quatre équipes favorites de la CAN, le Sénégal en ferait partie. 
Il faut critiquer. Certes ! Mais, il faut critiquer objectivement. Il ne faut pas lancer des flèches. Il faut éviter les éternellement recommencement. Si on fait quelque chose, qui n’a pas marché, il faut repartir sur de nouvelles bases. 
 
Comment ?
 
En étant uni. La désunion n’apporte jamais rien. Même chez nous en Côte d’Ivoire, il y a des gens qui ne souhaitent pas que les Eléphants gagnent ou passent un cap. Pourquoi ? Taisez vos querelles si vous voulez inscrire le nom de votre pays dans le palmarès de la CAN. Comment un Sénégalais peut-il souhaiter que le Sénégal n’aille pas de l’avant ? Je suis persuadé que quand le Sénégal a perdu, certains ont ri. 
 
Effectivement !
 
Et pourquoi ? Chez nous aussi en Côte d’Ivoire, pendant qu’on vendait cher notre peau, nous voilà en demi-finale. Il faut qu’on arrête ça. Même quand on a des points de vue divergents, le drapeau national, qui est un symbole doit primer sur tout. C’est comme un militaire qui va au front et qui va mourir pour son pays. On doit être uni et non pas nous entre-déchiré. Malheureusement, c’est ça, le véritable problème du Sénégal. Le jour que vous réglerez cela, vous irez de l’avant. 
 
Revenons à la Côte d’Ivoire où d’aucuns disent que l’absence de Didier Drogba a apporté du bien à l’équipe et qu’elle motive. Qu’en pensez-vous ? 
 
Ça ne regarde que ceux qui le disent. Pourquoi l’absence de Drogba devrait-elle motiver un joueur ? Pendant ce temps, d’autres soutiennent que l’équipe ne joue pas bien parce que Drogba n’est pas là. Mais, vous  ne le dites pas. Et puis, personne n’a écarté Drogba de la sélection. C’est lui qui a écrit pour dire qu’il prenait sa retraite internationale. Tout comme Didier Zokora. Samuel Eto’o a fait la même chose avec le Cameroun. Personnellement, je ne pense pas que ce soit une bonne chose pour un Africain de dire qu’il ne défend plus le drapeau. Ça ne sonne pas bien de dire qu’on refuse le drapeau national. 
 
L’Afrique de l’Ouest francophone est souvent bien représentée dans les phases finales de la CAN. Mais, la dernière victoire d’un pays de cette zone remonte en 1992. C’était la Côte d’Ivoire. Comment l’expliquez-vous ? 
 
Je vous ai dit que le football a évolué dans tous les domaines. Aucune équipe ne se laisse conter. Il y a des centres de formation partout. L’Afrique de l’Ouest francophone a effectivement été souvent omniprésente. Mais au niveau du palmarès, les autres zones nous dépassent. Il faut juste penser à renverser la tendance dans les années à venir.
 
Que pensez-vous des demi-finales ? 
 
Ce sont des demi-finales inédites.  Rien ne sera gagné d’avance, même pour le pays hôte. Il ne faut pas se leurrer, par le simple fait que nous jouons sur leur base. La motivation, se fera au fil des rencontres. Le Ghana n’est pas à l’abri. Idem pour la Côte d’Ivoire. Nous avons eu la Rd Congo en éliminatoires que nous avons battu chez elle. Elle est venue s’imposer (4-3) chez nous. C’est ça aussi le football. 
 
source:http://www.sudonline.sn/le-senegal-doit-se-discipliner-pour-gagner_a_22931.html
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