GOUVERNANCE DE L'EAU POTABLE Le beurre, l'argent et le fermier
Écrit par SENETOILE NEWS
Entre « opacité » entretenue par le jeu des acteurs clés du secteur de l'eau au Sénégal et risques de conflits d'intérêts qui peuvent émerger à la suite de la vente par Bouygues de 65% de ses actions à l'ogre américain Emerging Capital Partners (ECP), le Forum civil dénonce ce qu'il considère comme un « monopole » dans la gestion du secteur. L'organisation de la société civile rentre dans la conduite pour réclamer, entre autres, le respect du droit à l'information du public par la divulgation du contrat liant l'Etat à la SDE.
Le forum civil s’invite dans le râle de la grande pénurie d’eau qui frappe depuis plus de deux semaines maintenant une bonne partie de la capitale sénégalaise. Mais c’est pour reverser toute l’eau sur la tête de l’Etat dont « la responsabilité est totalement engagée, par le transfert opéré de ses prérogatives de production, de distribution et de vente de l’eau à l’ opérateur privé qu’est la Sénégalaise des Eaux (SDE) dans le cadre du contrat d’affermage Etat –Société Nationale des Eaux du Sénégal (SONES)–SDE », écrit l’organisation de la société civile dans un communiqué transmis à notre rédaction. Ce transfert, estime le Forum civil, confère à la SDE « une situation de monopole qui, sans une régulation forte et un contrôle effectif de l’Etat, ne pourrait assurer une meilleure qualité dans la délivrance du service ».
L’organisation de la société civile semble en fait subodorer une nébuleuse dans la gouvernance de l’eau potable, eu égard à une étude qu’il a diligentée récemment et à travers laquelle, il a constaté, entre autres, des « risques » qui s’attachent, pour certains acteurs, au renouvellement du contrat d’affermage et qui feraient peser de sérieuses menaces sur la pérennisation du modèle institutionnel de gouvernance du secteur ; L’ « impossibilité » pour le grand public et les médias d’accéder à des rapports d’évaluation de la mise en œuvre du contrat d’affermage, leur permettant de mesurer le respect des engagements contenus dans ledit contrat ; mais aussi l’ « instrumentalisation par l’Etat » d’une transaction à travers le contrat d’affermage, laissant à la SDE l’opportunité de faire du profit sur l’eau, au regard des enjeux aussi essentiels pour cette denrée qui constitue une des priorités majeures dans les programmes de lutte contre la pauvreté au Sénégal.
Opacité
Le Forum civil de rappeler dans ce contexte, la « non maitrise » de l’information sur l’évolution de la configuration du capital du repreneur initial stratégique BOUYGUES, qui a évolué en 2009 sous le règne du président Abdoulaye Wade qui en avait été informé.
Evoquant le communiqué de presse de BOUYGUES en date du 3 Novembre 2009, le Forum civil rappelle que les activités de gestion de l’eau au Sénégal étaient dans le portefeuille de Bouygues via sa filiale Finagestion lors de la cession de Saur en 2005 avant que l’opérateur français ne cède, en juillet 2008, 29,3% du capital de Finagestion à l’américain Emerging Capital Parteners (ECP), puis 35,7% du même capital au même opérateur américain en 2009. Ce qui a vu la participation de Bouygues de Bouygues drastiquement réduite. L’organisation de la société civile de s’interroger sur ces changements sur l’actionnariat du partenaire stratégique pour se demander s’ils étaient autorisés par les clauses du contrat d’affermage et si l’Assemblée nationale en a été informée par l’exécutif ?
Le Forum Civil s’interroge ainsi sur d’éventuels risques de conflits d’intérêts qui peuvent émerger à la suite de la vente par Bouygues de 65% de ses actions à ce consortium américain Emerging Capital Partners (ECP) ; Ce d’autant plus que pour le Forum civil, la situation « inédite » créée par cette vente d’actions réside dans le fait que certains bailleurs de l’Etat ont souscrit au fond intitulé «Africa Fund II» qui possède les parts de «Finagestion» achetés par ECP.
L’organisation de la société civile est ainsi convaincue que la « culture de l’opacité » entretenue par le jeu des acteurs clés du secteur biaise le contrôle et l’évaluation du domaine tout en affaiblissant les capacités de performance du secteur ;
Du côté du Forum civil, le doute enfle au regard des crises cycliques engendrées dans la gouvernance de l’eau quant à l’efficacité du modèle de gérance actuel de l’eau, « longtemps porté et promu par les institutions de Bretton woods à la fin des années 1980 et dont l’objet était la privatisation des secteurs public de l’eau et de l’électricité » et qui a rencontré plus de critiques que d’accords en Afrique.
Un modèle qui constituerait une « menace » pour la stabilité de l’Etat qui en concédant une partie de sa souveraineté dans le secteur aussi sensible se trouve brutalement exposé et fragilisé par la colère des populations sans qu’il ne puisse apporter aucune réponse sérieuse, estime le Forum civil.
Lumière
En tout état de cause, le Forum civil, invoquant, entre autres, l’article 8 de la Constitution du 22 janvier 2001 qui reconnait le droit à l’information plurielle des citoyens, réclame le respect du droit à l’information du public par la divulgation du contrat liant l’Etat à la SDE ; d’autant plus que, rappelle l’organisation, la directive n°1/2009/CM/UEMOA du 27 mars portant Code de transparence dans la gestion des finances publiques et adoptée par l’Assemblée nationale du Sénégal le 18 Décembre 2012, réaffirme dans ses dispositions, l’accès libre à l’information des citoyens.
Par ailleurs, le Forum Civil exige de l’Etat la mise en place « rapide », avant la signature de l’avenant N°7 portant renouvellement dont les négociations sont pratiquement bouclées, « s’il n’est sont pas déjà signé », d’un comité d’évaluation du contrat d’affermage, qui serait composé de représentants de l’Etat, de la société civile, des syndicats et des bailleurs et des associations de consommateurs et des bailleurs.
Le renouvellement du contrat, précise le Forum civil, devra pour partie dépendre des résultats de cette évaluation, mais aussi de la réappréciation des enjeux stratégiques actuels autour de la gestion de l’eau. Un exercice qui n’exclut pas la remise en cause du modèle institutionnel de gestion de ce secteur en vigueur jusqu’ici. Des soupçons pèsent sur l’intégrité des marchés publics passés en 2004 pour l’acquisition d’une pièce pour l’usine de Keur Momar SARR. Cela renseignerait, selon l’organisation, sur le lien ténu existant entre les risques de corruption et les externalités négatives sociales économiques et financières qui en découlent. Et de rappeler que ce marché a été passé en 2004, dans un contexte où l’ancien code des marchés publics était favorable au gré à gré à un taux de près de 80%.
In fine, le Forum civil dit attendre des différentes parties prenantes (Etat -SONES – SDE) des réponses diligentes sur une « date précise » du retour à la normale dans la distribution de l’eau ; sur une date quant au lancement et au bouclage de l’audit technique, juridique et financier ; mais aussi le délai de mise en place d’un groupe de concertation composé des acteurs clés pour proposer une politique alternative.
source: http://www.sudonline.sn/le-beurre-largent-et-le-fermier_a_15703.html
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