La Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) a rendu son dernier acte, dans le cadre du procès d’enrichissement illicite opposant le fils de l’ancien président de la République, Karim Wade, à l’État du Sénégal. C’était hier, lundi 23 mars, lors d’une audience tenue en présence de l’ancien président de la République et de plusieurs responsables du Pds ainsi que des partisans de Wade fils. La Cour a reconnu Karim Wade et certains de ses co-accusés coupables du délit d’enrichissement illicite portant sur un montant de 69 milliards de francs Cfa. Il s’agit d’Ibrahima Khalil Bourgi dit Bibo, Pape Mamadou Pouye et Alioune Samba Diassé, ses principaux co-prévenus dans le cadre de ce procès des biens mal acquis. Elle a ainsi condamné Karim Wade à une peine de 6 ans de prison ferme assortie d’une amende de 138 milliards de francs CFA. Certains de ses complices, quant à eux, ont écopé chacun de 5 ans de prison ferme et 138 milliards de francs d’amende et dix ans plus 138 milliards de francs d’amende pour tous ceux qui sont en fuite, à l’instar de Vieux Aïdara, Karim Aboukhalil, frère de Bibo, Mbalo Thiam.
Avec ce verdict, il faut dire que toutefois que la Cour n’a pas tout à fait suivi le réquisitoire du procureur spécial près la Crei qui réclamait une peine de 7 ans de prison, une amende de 250 milliards, la perte des droits civiques et la confiscation des biens de Karim Wade. Cependant, dans son délibéré, le président de la Crei, Henry Grégoire Diop, dès l’ouverture de l’audience sur la base d’arguments juridiques a annoncé le rejet par la Cour de toutes les exceptions de nullité soulevées par la défense de Karim Wade et co-prévenus. Celles-ci portent notamment sur la violation des droits de la défense, le droit à un procès équitable, l’interdiction de sortie du territoire, la durée des interrogatoires. La Cour a également retiré du dossier le compte de Singapour et les bijoux attribués à la défunte femme de Karim Wade.
A la suite de cette étape, le président de la Cour, toujours sous le regard anxieux et impatient du papa de Karim et ses partisans, a évoqué plusieurs éléments de preuve pour asseoir la culpabilité de Karim Wade. Estimant les revenus légaux de l’ancien ministre d’Etat, de 2002 à 2012, à 504 millions de nos francs, le juge Henry Grégoire Diop a ainsi procédé à lecture d’une longue liste du patrimoine attribué à Karim Wade. Le listing est allé des comptes dans les banques de la SGBS et de la CBEAO où une somme estimée à 910 millions est versée par Kantoussan et Victor Tendeng, ses gardes du corps, et que Karim a dit recevoir de son père, aux voitures qu’il y aurait reçues comme don de chefs d’État étrangers, en passant par un autre compte de 8 milliards destinés aux dépenses familiales. Évoquant la Loi 103- 10 du Code Pénal, le président de la Crei a rejeté l’argument de «don» évoqué. Il a ainsi déclaré illicites les voitures et autres biens connexes. En outre, le président de la Cour a confirmé l’attribution de la paternité des sociétés Ahs, Abs.Sa, Abs. Corporate, An Media, Cd Media... à Karim Wade.
Pour tous ces éléments, Henri Grégoire Diop a donc déclaré coupable du délit d’enrichissement illicite Wade fils, jugé depuis le 31 juillet devant la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) pour avoir amassé de manière illicite une fortune de près de 117 milliards de Francs CFA grâce à des montages financiers complexes.
MBAYE NDIAYE ET PIERRE AGBOBA ACQUITTES
A l’inverse de Karim Wade, de Bibo Bourgi et cie, l’ex-directeur général de l’Agence des aéroports du Sénégal (ADS), Mbaye Ndiaye, et l’ancien Président du conseil d’administration d’Aviation Handling Services (AHS), Pierre Agboba, ont été les seuls chanceux de la journée d’hier. Les deux ex-présumés complices de Karim ont bénéficié de la relaxe.
LES LIBERAUX QUITTENT LA SALLE 4, LARMES AUX YEUX
Venus nombreux assister au verdict de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) qui a condamné le fils de l’ancien chef d’État a 6 ans de prison ferme assortie d’une amende de 138 milliards de francs Cfa, les militants libéraux et partisans de Karim n’ont pu retenir leurs larmes, à l’énoncé du verdict. Sitôt que le président de la Crei Antoine Grégoire Diop a annoncé les charges qui pesaient contre Wade fils, (paternité de toutes les sociétés visées dans la procédure : Ahs, Abs.Sa, Abs. Corporates, An Media, Cd Media...), et prononcé la condamnation de Karim, le silence de cathédrale qui régnait depuis le début de l’audience a fait place à une atmosphère très tendue.
Les partisans de Wade fils qui avaient très tôt, dans la matinée, pris d’assaut les lieux, se sont mis à crier de partout, à tel point que le juge Henry Grégoire Diop a été obligé de marquer un arrêt dans sa lecture de la suite du verdict, notamment concernant les autres co-prévenus de Karim Wade. Dans la salle, des pleurs accompagnés de slogans hostiles à la Crei mais aussi au chef d’État en place fusèrent de partout : «Juge corrompu, verdict
politique, Macky Sall…, Karim prisonnier
politique, Karim président, Karim sera libéré de force…».
Il a fallu attendre quelques minutes avant que le calme ne revienne sur les lieux et cela, pour quelques instants. Pour cause, dès que le président de Crei a déclaré l’audience levée, les libéraux se sont mis encore une fois de plus à proférer des injures et à traiter les membres de la Cour de tous les noms d’oiseaux sous les regards impuissants des éléments de la Gign. Certains partisans de Karim Wade sont même tombés en transe. C’est dans ce tintamarre qu’Abdoulaye Faye du Pds est sorti de la salle en pleurant, pendant que des militants se roulaient à terre, en criant sourdement.
ACCUEILLI EN HEROS, WADE QUITTE LA SALLE 4 SANS MOT
L’ancien Président de la République, Abdoulaye Wade, s’est rendu comme prévu, et pour la première fois, au tribunal pour assister au verdict de la Crei contre son fils. Arrivé sur les lieux aux environs de 9 heures du matin, Me Wade a eu droit à un accueil très chaleureux de la part des libéraux venus nombreux pour assister également à ce moment historique. A son entrée dans la salle 4 du tribunal de Dakar où le verdict de la Crei devait être rendu, Me Wade a été fortement acclamé par la foule, malgré les appels au calme de certains responsables libéraux. «Goorgui ya baré doolé», «Ohé ohé buur yalla nioun guilay niane Karim dieul ndam lii» ou encore «Dieureudieuf Serigne Touba». Habillé en marron, Me Wade a pris place, sous les acclamations de ses inconditionnels, près des avocats avant d’être rejoint quelques minutes plus tard par Djibo Kâ, le leader de l’Union pour le renouveau démocratique. L’ancien chef de l’Etat était entouré par certains de ses lieutenants Me Madické Niang, Oumar Sarr, Amadou Tidiane Wone et Samuel Sarr, voire Awa Diop et Woré Sarr pour ne citer que ceux-là. Aussitôt après que le président de la Crei a levé l’audience, l’ancien chef de l’État envahi cette fois-ci par un public en larmes, a quitté la salle d’audience pour rentrer chez lui, en toute quiétude. Entouré de sa garde rapprochée, l’ancien président n’a pas fait de déclaration.
REACTIONS... REACTIONS... REACTIONS...
Me MADICKE NIANG, EX-MINISTRE ET REPONSABLE LIBERAL : «Cette décision n’honore pas la justice sénégalaise»
« Je marque ma désapprobation totale. J’ai honte pour avoir été ministre de la Justice, pour avoir été avocat inscrit depuis 1982 au Barreau. Cette décision n’honore pas la justice sénégalaise parce qu’elle foule au pied les principes de droit que nous partagions avec l’essentiel des pays du monde. Elle foule au pied des règles fondamentales».
MAMADOU DIAGNE FADA, PATRON DU GROUPE PARLEMENTAIRE LIBERAL : «Nous sommes déçus du verdict»
« Comme nous l’avions toujours dit, le procès a été un procès
politique et le résultat a été aussi
politique. Bien attendu que nous dénonçons et nous pensons que le parti va se réunir et voir ce qui y a lieu de faire après ce verdict. C’est dire une fois de plus que nous sommes déçus du verdict et beaucoup de Sénégalais sont meurtris de ce qui vient de se passer dans ce tribunal. Personne ne s’y attendait »
BABACAR GAYE, PORTE-PAROLE PDS : «Cela ne me surprend pas venant de la Crei»
«Je n’étais pas venu ici pour le Pds, mais pour le Sénégal. Mais j’ai le cœur gros pour ce que j’ai entendu aujourd’hui, car cela ne repose sur rien. Mais, cela ne me surprend pas venant de la Crei. Pour mon pays, je suis vraiment déçu, et c’est pour cela que je ne peux pas m’étaler là-dessus. Il ne pouvait pas y avoir de motif car tout le monde savait que ce qu’ils voulaient, c’est de condamner Karim Wade parce qu’il les gêne. Mais, pour ce que j’ai entendu à l’intérieur, que beaucoup se préparent ! La Crei arrive».
Me EL HADJI DIOUF, AVOCAT D LA PARTIE CIVILE : «Le juge a bien motivé son verdict»
« Le juge s’est voulu très prudent. Sur tout ce qui n’a pas été clair, le juge n’a pas voulu prendre une attention. Par rapport à Singapour, il y a des informations, corrections, données par Alboury Ndao et la Cour a désigné une commission rogatoire qui n’est pas rentrée. On peut pas savoir si ces informations sont exactes ou pas parce qu’elles n’ont pas été confirmées par ladite commission. Le juge a écarté le compte de Singapour pour être certain de ce qu’il dit. Le juge a aussi écartés les bijoux de la dame de Karim Wade. Il n’a retenu que les bijoux et montres hommes appartenant à Karim, après il a parlé des immeubles, des voitures, des comptes bancaires ici, au Sénégal, et dans les paradis fiscaux. Il a su montrer l’implication de Bibo Bougi condamné à cinq ans, de son frère qui a pris la fuite, de Mamadou Pouye condisciple de Karim. Le juge a bien motivé le verdict ».
SEYDOU GUEYE, PORTE-PÄROLE DE L’APR : «Poursuivre les poursuites»
«Ce que je remarque également, c’est que la peine prononcée par la Cour est moins sévère que le réquisitoire du procureur. Concernant les enseignements à tirer de ce procès, je pense que le premier est une réflexion beaucoup plus sereine autour de notre mécanisme de lutte contre le délit de l’enrichissement illicite puisque l’instrument que nous avons, la Crei, a soulevé beaucoup de débats du point de vue
politique. Je pense qu’il faudrait et peut être penser à une autre rédaction de cette Cour. Deuxième enseignement qu’on peut tirer, cette procédure de lutte contre l’enrichissement illicite ne peut pas s’arrêter à Karim Wade. Il faut continuer les poursuites déjà engagées à la limite en débusquer d’autres ».
source: http://www.sudonline.sn/karim-%C3%89cope-de-6-ans-ferme_a_23712.html