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samedi, 05 décembre 2015 00:00

Réforme de la cour de répression de l’enrichissement illicite quand l’État conforte les détracteurs de la cour !

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Sénégal  Longtemps considérée par ses détracteurs comme une juridiction qui ne garantit nullement l’observance des règles essentielles d’un procès juste et équitable, la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) va finalement être réformée, après avoir fait 13 victimes. Le ministre de la Justice, Garde des sceaux, Sidiki Kaba, vient de confirmer les propos tenus par le chef de l’Etat, Macky Sall, à diverses occasions (ouverture des Cours et tribunaux, ITW accordée à I-télé), ainsi que l’annonce faite par l’ancienne Premier ministre, Aminata Touré. Cette décision de l’Etat rejoint à bien des égards les soucis exprimés par nombre des détracteurs de cette Cour, à l’image des «Droits de l’hommistes», des avocats et politiques, et même certaines plumes.     

 

Désormais, c’est on ne peut plus clair sur la toilette prochaine de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei). Le ministre de la Justice, Garde des sceaux, Sidiki Kaba, en a fait la promesse aux députés avant-hier, lors du vote du budget de son ministère. Cette déclaration de M. Kaba vient confirmer le souhait exprimé par le chef de l’Etat, Macky Sall, de procéder à des modifications au niveau de cette institution. Dans son discours, lors de la dernière rentrée solennelle des Cours et Tribunaux, le président de la République avait donné des pistes de réflexion, notamment de privilégier la confiscation des biens des coupables et d’alourdir les amendes contre les personnes mises en cause. Allant plus loin que le chef de l’Etat, Sidiki Kaba a informé que c’est l’appel qui manque à cette loi, non sans préciser que «la loi n’a d’effet que pour l’avenir». Cette idée de la réforme de la Crei a été soulevée aussi par celle-là même qui a ressuscité la Crei, Garde des sceaux à l’époque. En effet, l’ancienne Premier ministre, Aminata Touré, dans un entretien accordé à Le Quotidien en octobre dernier, avait trouvé «qu’il faut faire évoluer la Crei vers des normes plus conformes à la démocratie». Cela, tout en informant «qu’il y a une réflexion qui est en cours». 

 

 
 
LES «DROITS DE L’HOMMISTES» HOSTILES A LA CREI
 
Cependant, il convient de rappeler que cette demande a été longtemps agitée par nombre de Sénégalais. En effet, dès les premières heures de sa mise en branle, certains «droits de l’hommistes» ont vilipendé la Crei. Le directeur exécutif d’Amnesty International Sénégal, Seydi Gassama, fait partie de ceux-là qui ont dénoncé l’instance en question.  Pour lui, le Président Macky Sall doit supprimer cette instance ou la «réformer profondément pour lui et pour tous ceux qui sont au pouvoir avec lui». Dans le même sillage, Aboubacry Mbodj, secrétaire général de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (Raddho) fait partie des premiers à dénoncer les «irrégularités» de la Crei. Il a toujours soutenu que «la Crei est une juridiction spéciale, avec une procédure spéciale attentatoire au droit  à un procès équitable». D’ailleurs, il s’est engagé à accompagner les avocats de Karim Wade dans leur lutte, au nom du principe de l’Etat de droit. 
 
ILLEGALITE DE LA CREI, LE CHEVAL DE GUERRE DES AVOCATS DE KARIM
 
Quant à la défense du fils de l’ancien président de la République, Karim Wade, elle a toujours clamé haut et fort l’illégalité de la Crei. Pour amener la Crei à arrêter la poursuite de leur client, les conseils de Karim avait déposé au niveau de la Cour suprême un total de 10 recours. Il s’agit entre autres, de la possibilité de la Crei de placer Karim Wade en détention à travers sa Commission d'instruction, des requêtes sur le privilège de juridiction pour Karim Wade, tout comme sur la violation de ses droits entre autres. Cependant, s’était plaint à l’époque  Me Seydou Diagne, un des avocats de ‘’Wade fils’’, «la Cour suprême ne s’est penchée sur aucune de ces requêtes». Toutefois, la robe noire était convaincue que si la Cour suprême avait pris en compte leurs demandes, la Crei allait définitivement cesser de fonctionner. D’ailleurs, le Pds et ses alliés ont toujours soutenu que la Crei est incompétente pour juger un ancien ministre. 
 
LES PLUMES S’Y INVITENT
 
Les politiques et les «droits de l’hommistes» n’ont pas été les seuls à relever les tares de la Crei. Dans cette lancée, il faut noter l’implication de certaines plumes, à l’image de Madiambal Diagne. Dans une de ses contributions, le patron de presse s’était insurgé contre les règles de fonctionnement de la Crei. Selon lui, «la procédure devant cette juridiction ne garantit nullement l’observance des règles essentielles d’un procès juste et équitable». Cela, non sans préciser que c’est absurde de penser «qu’en relevant les tares de la Crei, nous étions dans une posture intéressée en défendant Karim Wade et ses acolytes». 
 
Jusqu’à la date d’aujourd’hui, seul 2 procès ont été tenus par la Crei, dont celui de Karim Wade et ses complices et de Tahibou Ndiaye et sa famille. Au total, 13 condamnations ont été prononcées par cette Cour. Il s’agit entre autres, concernant le premier procès cité, de ‘’Wade fils’’, Mamadou Pouye, Bibo Bourgi, Vieux Aïdara, etc. Dans la deuxième affaire, l’ancien directeur du Cadastre a été condamné en même temps que sa femme et ses deux filles adoptives. Toutefois, il faut rappeler que d’autres dossiers sont en instance devant la Commission de la Crei. Aïda Mbodj, Abdoulaye Baladé, Samuel Sarr et d’autres dignitaires de l’ancien régime en font partie. 

REACTIONS..REACTIONS... REACTIONS

MAMADOU DIOP DECROIX, COORDONNATEUR DU FPDR : «Tout le monde sait qu’on n’a jamais eu affaire a une justice digne…»

Je crois que la cause est attendue avec cette sortie du ministre de la Justice. On a ressuscité une juridiction spéciale qui était morte pendant trente ans pour régler un compte personnel. Maintenant que l’affaire est réglée, on va essayer de redonner un visage humain à cet instrument qui était fait effectivement pour mettre à mort un adversaire. Tout le monde sait maintenant qu’on n’a jamais eu affaire à une justice digne de ce nom mais qu’on avait affaire à une parodie de justice. Tout est clair maintenant. Et, je crois que même s’il y avait quelques velléités vraiment de soutenir ce processus, elles vont peut-être se raviser. Un tribunal d’exception est toujours un tribunal d’exception. Et nous, nous sommes contre les tribunaux d’exception. Moi ; j’ai toujours dit, nous nous battrons jusqu’à ce que la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) disparaitre de l’arsenal juridique sénégalais. Pour nous donc, l’annonce faite par le ministre de la Justice et Garde des sceaux, Sidiki Kaba lors de son passage à l’Assemblée nationale pour les besoins du vote du budget de son ministère est le vrai verdict de ce qui s’est passé. Ce que le ministre a dit, c’est la preuve par neuf que le pouvoir en place voulait juste régler un compte personnel. Maintenant, c’est aux Sénégalais d’apprécier, on va voir si notre pays mérite bien ce qui s’est passé, dans les semaines et les mois à venir.

MAEL THIAM, ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL DE L’APR : «Si le ministre de la Justice juge pertinent… »

C’est le ministre Sidiki Kaba qui est chargé du management d’un département qui s’appelle Justice ici au Sénégal. Et manager, c’est s’adapter, prendre des décisions, orienter. Alors, nous avons trouvé une institution qui était là, qui était créée dans un contexte bien déterminé et qui a fait son temps. Elle a été pertinente ou pas. Si le ministre de la Justice juge pertinent, aujourd’hui, compte tenu du contexte national et international mais également des orientations du président de la République, de réorienter cette institution-là, du point de vue managérial, je ne peux que le saluer.  

Maintenant, pour ce qui est de m’immiscer sur les aspects techniques, je ne saurai le faire parce que je n’en ai pas l’expertise. Et, si un responsable politique également dit le contraire, c’est vraiment son point de vue. Car, je crois que c’est la majorité des Sénégalais qui étaient d’accord, au lendemain des élections présidentielles en 2012, pour qu’il y ait une appréciation de la gestion des deniers publics mais aussi pour que l’État se prononce sur l’enrichissement de certains anciens responsables du pays. Maintenant qu’un responsable politique émet son point de vue sur la manière dont les choses se déroulent, c’est son point de vue et son point de vue est lié à sa position et à ses intérêts personnels par rapport à ce dossier.         

Par Nando Cabral GOMIS

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