Fonds de réinsertion des candidats à l’émigration : Diop Thioune demande un audit
Écrit par SENETOILE NEWSL’activiste Mamadou Diop Thioune, membre de la Plateforme pêche, migration, aquaculture et écologie réclame un audit des fonds injectés par l’Union européenne au Sénégal pour freiner le phénomène de l’émigration clandestine. Il dénonce le «détournement» des fonds destinés aux jeunes candidats malheureux à l’émigration et préconise une politique corrective de la part de l’Etat pour aider cette cible.
ENTRETIEN AVEC… Mamadou Diop Thioune, membre de la Plateforme pêche, migration, aquaculture et écologie : «L’Union européenne doit évaluer les fonds destinés aux migrants»
Vous avez observé un peu l’évolution de ces jeunes depuis leur retour de l’aventure ratée de l’Europe. Ils font face à des lenteurs pour accéder aux financements de leur projet ou à des blocages. Vous avez suffisamment observé ce phénomène. Quelle lecture vous en faites ?
L’étude qui devrait être faite pour identifier les bénéficiaires de ces projets n’a pas été au rendez-vous, du fait que ces gosses ont été toujours les cibles de toutes les études portées par des Ong, l’Etat, l’Union européenne. Mais les rapatriés d’Espagne n’ont jamais bénéficié de ces fonds. Parce que ces fonds étaient employés à d’autres fins électoralistes. On a fait, comme on l’appelle, une mise électorale. Des jeunes ont eu à bénéficier des contrats en lieu et place des gens concernés par dans la réinsertion. Je pèse bien mes mots. Depuis 2006, je suis le seul Sénégalais qui a fait le retour par la voie maritime. Et je suis le Sénégalais qui a pu donner l’information grâce à un film réalisé par l’ancien journaliste Lepers de Canal Horizon qui retrace la trajectoire de la migration.
Nous avons pu comprendre que l’Europe, par l’Espagne, a donné beaucoup d’argent. Nous avons compris que le Frontex, étant aussi une forme de militarisation de nos océans, avait aussi, dans le cadre du partenariat, prévu des fonds que les Etats n’ont pas signalés ; que mon Etat, le Sénégal n’a pas signalés. Il y a eu des couacs.
En 2015, le nouveau régime a mis en place avec la Direction des Sénégalais de l’extérieur un projet mais il reste aussi à parfaire l’implication et l’inclusion des parties prenantes. Parce qu’on ne peut pas faire un projet de migration à exclusion du Migdef (Réseau migration et développement), qui a porté un programme dans le cadre africain, dans le rayon Afrique, le rayon Europe, qui a travaillé au niveau international vis-à-vis du Frontex. Tout cet argent qu’on met dans la militarisation des océans, la surveillance n’avait pas de sens. Il suffisait de le mettre dans l’aide au développement, de donner ça aux jeunes par des couloirs contrôlés par ceux-là qui sont concernés et prenant en compte les bénéficiaires directs ciblés, et normalement on n’en serait pas à ce niveau-là.
Je suis très déçu de ce qui se fait, quand on me dit que même qu’il y a un fonds pour la migration et que cela concerne des migrants qui doivent retourner dans le co-développement.
Vous faites allusion à qui ?
Nous, nous parlons des gosses qui ont fait l’aventure sous prétexte qu’il n’y avait plus de ressources, qu’il ne restait rien, qu’il y a un espoir alors que le mythe était installé en Europe. Ce sont ces jeunes qu’il faut retenir. Ces jeunes, il faut les mettre dans les couloirs de l’emploi et des bassins d’emploi. Mais nous ne pouvons pas accepter que des gens pensent pour nous des problèmes tout en ayant des solutions qui leur seront favorables et qu’ils ramènent tout à leur dimension humaine. Ils se servent de ces jeunes. Et nous n’acceptons pas qu’on se serve de ces jeunes.
Tout ce qu’on a étalé comme projets-cibles, c’est au profit de ces jeunes qui sont restés toujours dans l’attente durable. Nous avons été amené à mettre en place un comité national de dialogue social, pêche, aquaculture. Mais aujourd’hui on ne s’adresse pas à nous. Nous sommes membres des comités de financement des projets de la pêche. Jusqu’à présent, nous n’avons pas accédé à la pêche, ni aux fonds. Parce que nous n’avons pas aujourd’hui peut-être des points focaux qui nous représentent là-bas.
Le fonds koweitien qui concerne même nos femmes, les familles des victimes et autres dans le secteur de la pêche, on n’en bénéficie pas. Et la pêche a été toujours la victime des financements. Nous acteurs de la pêche, on a eu le fonds de pêche national ou avec la Cncas. On a financé d’autres personnes outre que les acteurs, alors que nous avons un comité de gestion des financements.
Il faudra de la transparence. Ça renforce l’Etat de droit et la démocratie. Nous faisons le tour du Sénégal, les 718 Km de côte qui englobe les 172 débarcadères. Nous sommes en train de retenir les jeunes à ne pas partir. Ce sont des professionnels si demain ils voulaient reprendre ils partiront, ils vont atteindre les rives espagnoles. Il y en a aujourd’hui qui sont aux portes de la Libye.
Et vous voulez les retenir contre quoi ?
On les retient en leur donnant les possibilités de travail. Et pour qu’on puisse leur en donner il faut qu’on sache qui les reconnaît, les connaît et les représente. On a eu des syndicats qui ont bénéficié des financements d’insertion dans le secteur informel alors que ces syndicats n’ont jamais créé de l’emploi pour ces jeunes. On a vu des Ong qui ont fait des études, capter des fonds au nom de ces jeunes et ces organisations n’ont jamais eu à travailler pour le compte de la jeunesse. Des partenariats ont été établis et n’ont jamais été respectés. Donc, il ne faudrait pas que les gens vivent sur la misère de ces jeunes. Ce n’est pas bien que ces gosses soient des cibles, des appâts pour capter des fonds ! Et c’est là où je demande à l’Union européenne de venir faire une évaluation de ces fonds. Car ces fonds ne sont jamais arrivés à nos jeunes. Et c’est pour ça que nous mettons un trait à toute négociation d’accord de pêche. Notre ressource-là est conservée pour les jeunes et pour le futur. Puisque l’Europe n’aime pas l’Afrique et n’accepte pas ces jeunes, qu’elle laisse nos ressources ! Voilà des motifs qui aujourd’hui font de nous des activistes. L’Etat est interpellé, c’est au nom de cette jeunesse que nous parlons. Nous avons le secteur continental où la pêche continentale est un vivier, un bassin d’emplois. Nous avons aujourd’hui la promotion de l’aquaculture dans le Pse. Mais si on le fait dans le discours, sans les acteurs, si les gens qui sont concernés ne sont pas autour de ces instances de décision, qui pourra parler au nom de ces jeunes ? Non, c’est du discours creux alors que le temps de l’action nous interpelle. La région de Sédhiou par exemple, c’est la région de l’aquaculture. Le centre de pêche de Goudomp, pourrait servir de centre d’apprentissage, d’expérimentation de tous les jeunes qui veulent faire la pêche crevettière, l’aquaculture, la pisciculture. Une fois la connaissance acquise, ils peuvent être maintenant sur tous les plans d’eau du Sénégal (mer, eau douce etc.)
Que dire des domaines agricoles communautaires qui sont proposés ?
Les domaines agricoles communautaires ont été affectés à des gens dont l’appartenance est politico-politicienne. Les migrants n’ont pas reçu jusqu’à présent ce qu’il leur faut. On a un cadre à partir duquel, on devrait insérer les migrants. Ils ne connaissent pas les migrants, ils ne savent pas les identifier, qui parle pour qui aujourd’hui ? Moi je suis prisonnier des migrants, parce que je dois parler jusqu’à la mort. Je suis chargé de cette mission et je m’en réjouis. Tant qu’ils ne seront pas satisfaits, je ne le serai pas.
Mais il y a des structures dédiées à l’emploi des jeunes. Est-ce que vous avez frappé à toutes ces portes-là ?
Fongip ! Toutes ces structures ignorent même que nous existons. Au niveau du conseil du dialogue social, j’ai rencontré ces institutions mais les conditions qu’ils posent ne nous arrangent pas.
Quelles sont ces conditions ?
Ce sont des conditions bancaires ! Un projet doit être assoupli à leurs conditions. Les gens ne croient plus à leurs discours parce qu’ils pensent que c’est du rêve ! C’est du bluff ! J’ose le dire ! Je suis représentant au dialogue social dans le secteur économique informel. J’ai même créé un dialogue sectoriel uniquement pour faire entendre les jeunes qui nous accompagnent. Et on fait le tour du Sénégal avec ces jeunes-là. De Kolda à Matam, je connais tout le monde. Mais au moment où je parle, les jeunes commencent à s’organiser aux portes de la Tunisie, aux portes de la Lybie. Ils n’acceptent même pas de communiquer avec l’administration.
Vous pensez que c’est dû à la faillite de l’Etat ?
Oui ! Parce qu’il y a un déficit d’informations. Il faut savoir pour avoir. Or ces jeunes ne savent pas. On ne leur a pas dit. Du temps du ministre Aliou Sow, les gens qui sont au comité pour représenter les migrants ne sont pas ceux qui sont concernés par l’argent de l’Europe. Ces gens étaient au Maroc. Ils n’étaient jamais arrivés en Europe. Ce sont des gens qui ont juste reçu des visas et qui sont retournés travailler. Ils l’ont fait contre le gré de ces jeunes. Et quand ils ont été découverts, il y en a qui ont pris la tangente et ont quitté le Sénégal.
En 2012, quand j’ai dit que l’embarquement reprenait, quelqu’un m’a attaqué dans un des quotidiens de la place. Deux jours après, on a appris que 32 ont péri au Maroc. On ne peut pas réfléchir en lieu et place des gens concernés.
Que faire à l’endroit de cette partie de la population de jeunes afin de désamorcer une éventuelle bombe sociale ?
Pourquoi ne pas réaliser des unités de pêche ? Pourquoi pas l’aquaculture ? L’agriculture ? La commercialisation de nos produits transformés ? Si on admet que d’autres nationalités sont à Mbour, Joal et autres pour vendre du poisson, pourquoi ne pas organiser les jeunes sénégalais dans le même secteur ?
Aujourd’hui, que préconisez-vous pour corriger le système ?
Je veux que l’Etat organise un audit des financements de l’Ue sur la migration. Le régime est tenu de le faire pour ne pas être indexé parce qu’il n’en est pas responsable. Cet argent a été bouffé. Ce régime doit faire face à l’Europe dans les nouvelles formules de négociation car la migration est devenue aujourd’hui un enjeu économique.
Le pouvoir en place doit valider la lettre de politique de migration que nous avons proposée en faisant aussi des compléments impliquant tous les acteurs du secteur de la migration.
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source: http://www.lequotidien.sn/index.php/component/k2/fonds-de-reinsertion-des-candidats-a-l-emigration-diop-thioune-demande-un-audit
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