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lundi, 05 décembre 2022 23:24

La relance attendue des relations États-Unis Afrique

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Le Sommet États-Unis Afrique, voulu par Joe Biden, réunira du 13 au 15 décembre 2022, des dizaines de chefs d’État africains à Washington. Au-delà des effets d’affichage, le président américain pourra-t-il concrétiser ses ambitions pour le continent ?

Alors que les premières neiges devraient tomber sur Washington DC à la mi-décembre, quarante-cinq chefs d’État africains se rendront dans la capitale américaine pour le deuxième sommet des dirigeants américains et africains. Ce sommet de trois jours, destiné à intensifier le commerce et les investissements sur le continent, est salué comme un moment décisif pour la politique américaine dans la région.

 

Lors de son annonce, la vice-présidente américaine Kamala Harris avait déclaré que le sommet mettrait en évidence l’« engagement durable des États-Unis envers l’Afrique » et chercherait à lever les obstacles au commerce, notamment l’« accès limité au capital, le coût élevé du financement et les goulets d’étranglement juridiques et réglementaires ».

« L’Afrique reçoit toujours peu d’attention à Washington. Je n’ai encore vu aucune initiative américaine majeure qui soutienne le développement économique du continent. Rien à comparer ne serait-ce qu’au PEPFAR, ou à Power Africa. »

Après des années de rhétorique et de tumulte mondial, beaucoup espèrent que le sommet sera l’occasion pour l’Amérique de joindre le geste à la parole.

Ce sommet se déroule dans un contexte de défis multiples : un climat économique mondial difficile, l’insécurité alimentaire et militaire en Afrique, le coût croissant du changement climatique et le déclin des exportations dans le cadre de la loi phare des États-Unis sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique (AGOA), qui permet à certains pays d’accéder au marché américain en franchise de droits.

Dans ce contexte, certains critiques se demandent si des résultats substantiels sortiront du sommet. « C’est un exercice géopolitique, une séance de photos », ironise l’économiste Carlos Lopes.

L’ordre du jour du sommet est centré sur des tables rondes avec des dirigeants africains, qui s’exprimeront sur des sujets spécifiques aux affaires africaines d’une manière qui rappelle la série télévisée The Apprentice. Les promesses sur le changement climatique, l’intensification des connexions avec les marchés dans le cadre de l’AGOA, les engagements à renforcer le soutien à la lutte contre le terrorisme sur le continent et les appels de Washington en faveur d’une connectivité numérique accrue sont autant de thèmes susceptibles d’être abordés, estime Carlos Lopes, qui se montre sceptique quant à la capacité des conversations habituelles à changer la donne. « Tout a été prédéterminé à Washington avant les consultations ; le sommet va contenir beaucoup de ces promesses, mais il ne changera rien de structurel. »

Des progrès avec Joe Biden

Malgré tout, après le peu d’engagement africain sous la présidence de Donald Trump, qui n’a pas visité le continent une seule fois, le renouvellement de relations cordiales représente une amélioration significative.

Les changements vont également au-delà de la rhétorique. Dans certains domaines, la politique américaine à l’égard du continent a été résolument progressiste. Au plus fort de la pandémie, le gouvernement américain s’est fait le champion de la lutte du continent contre les inégalités en matière de vaccins en soutenant des dérogations aux brevets qui auraient rendu légale la fabrication de versions génériques des vaccins. L’Union européenne, le Royaume-Uni et le Japon ont bloqué ces efforts.

Les États-Unis ont également été le fer de lance des efforts visant à pousser la Banque mondiale et le FMI à ouvrir des instruments financiers permettant aux nations africaines surendettées de reporter leurs remboursements dans le cadre de l’initiative de suspension du service de la dette (DSSI). « Dans chacune de ces évolutions, les Européens étaient derrière les Américains, et non devant eux », nuance Carlos Lopes.

Cela dit, le commerce, l’aide et les investissements n’ont pas encore connu d’augmentation significative. L’aide est restée stable, à environ 13 milliards de dollars par an, mais les exportations américaines vers l’Afrique ont diminué au cours de la dernière décennie et les importations se sont effondrées en raison de changements dans la structure du commerce pétrolier américain.

Sous le mandat de Joe Biden, les exportations américaines de marchandises vers le continent ont atteint 26,7 milliards $ en 2021, soit une baisse de 30 % par rapport au sommet de 38,1 milliards $ atteint en 2014, selon les chiffres du Département américain du commerce.

Alors que les États-Unis continuent de pomper du pétrole de schiste dans leur quête décennale de « sécurité énergétique », les importations de brut en provenance du continent ont diminué de 26 %.

Quid de l’AGOA ?

Le commerce bilatéral entre les États-Unis et l’Afrique a atteint 64,3 milliards $ en 2021, soit à peine 2 % du commerce mondial des États-Unis, alors qu’il avait atteint un sommet de 141,9 milliards $ en 2008. À titre de comparaison, les importations et les exportations entre la Chine et l’Afrique ont atteint un montant record de 254 milliards $, l’année dernière. Alors que les États-Unis sont désireux de distancer la Chine en Afrique, leurs tentatives d’encourager le continent en tant que fournisseur majeur de biens et services américains semblent échouer.

L’AGOA, qui expire en 2025, a contribué à stimuler le commerce de marchandises entre les pays africains et les États-Unis, mais des conflits politiques avec les gouvernements africains ont mis fin au programme pour le Soudan du Sud, l’Éthiopie, le Mali et la Guinée, et les États-Unis prévoient de retirer le Burkina Faso à partir du 1er janvier 2023. Selon les experts, les États-Unis devraient envisager d’étendre les attributions de l’AGOA aux services, afin de garantir au programme un avenir plus prometteur.

De son côté, le domaine des ressources nécessite aussi une refonte. Alors que les entreprises américaines sont fortement impliquées dans le marché africain des hydrocarbures, les impératifs environnementaux font que le monde se détourne de plus en plus des combustibles fossiles. Dans le cas de l’Afrique, cela conduit à la promotion du gaz en tant que « combustible de transition ». Déjà, les États-Unis expriment leur scepticisme quant au fait que le gaz soit une solution à long terme. En septembre, l’envoyé spécial pour le climat John Kerry a déclaré que les projets gaziers africains pourraient se révéler non viables après 2030. De tels commentaires peuvent rendre les entreprises américaines réticentes à investir. Pourtant, les États-Unis pourraient être beaucoup plus actifs pour pousser les investisseurs vers des projets d’énergie renouvelable en Afrique, reconnaît Carlos Lopes.

Il existe manifestement de nombreux domaines potentiels de développement, et comme il reste deux ans à Biden et qu’il devrait se représenter en 2024 après une performance plus forte que prévu aux élections de mi-mandat, le sommet pourrait être le point de départ d’un engagement plus ambitieux.

Le moment est propice à de nouvelles initiatives audacieuses, estime Zem Negatu, président éthiopien-américain du Fairfax Africa Fund, basé en Virginie. Les grands projets ont traditionnellement aidé les États-Unis à consolider leurs relations avec leurs partenaires africains. Le plan présidentiel d’urgence d’aide à la lutte contre le sida (PEPFAR) de George Bush a été le plus grand engagement jamais pris par une nation pour lutter contre une maladie grave.

« La grande Reimagination de la relation à laquelle je m’attendais ne s’est pas encore concrétisée », observe Zem Negatu. « L’Afrique reçoit toujours peu d’attention à Washington. Je n’ai encore vu aucune initiative américaine majeure qui soutienne le développement économique du continent. Rien à comparer ne serait-ce qu’au PEPFAR, ou à Power Africa. »

La stratégie Power Africa de 2013 de Barack Obama promettait 60 millions de nouveaux raccordements électriques à travers le continent ainsi que 30 000 MW de nouvelle production d’électricité plus propre.

Distrait par la crise économique mondiale, la fin de la pandémie et le changement climatique, Joe Biden ne s’est pas encore engagé dans un projet d’une ambition similaire en Afrique. Il est encore temps pour le président américain, juge Zem Negatu. « Je vais donner au président le bénéfice du doute et espérer qu’il a quelque chose de grand à annoncer le mois prochain lors du sommet États-Unis-Afrique. Restons à l’écoute. »

 

source:https://magazinedelafrique.com/actualite/la-relance-attendue-des-relations-etats-unis-afrique/?mc_cid=64b377e6c1&mc_eid=c75cc7b72a

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