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vendredi, 22 novembre 2013 00:00

LES LOCATAIRES FACE AUX PRIX DU LOYER Ils craquent sous le fardeau

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L' « Etude monographique sur les services immobiliers du logement à Dakar » (MSILD) réalisée et publiée en décembre 2012 par l'Agence nationale de la statistique et de la démographie(Ansd), a déjà donné les grandes tendances du logement locatif à Dakar. Etant la plus récente produite sur le sujet, cette étude servira sans doute de base de travail à la commission restreinte qui vient d'être mise sur pied et qui dispose de trois mois pour faire ses propositions. C'est dire que la problématique du coût du loyer dépasse le prisme de l'actualité qui la limite à la simple expression du « blocage » des prix du loyer qui prétend éviter la spéculation sur les nouveaux contrats.

 

Quoi qu’il en soit, l’Etat doit prendre ses responsabilités et intervenir, bien entendu en impliquant dans la réflexion tous les acteurs du secteur de l’immobilier et particulièrement ceux du logement privé locatif, pour enrayer la spirale du coût du loyer qui n’a que trop grevé le budget des ménages et accru la pauvreté que le pouvoir vise à réduire. Comme illustration de cette chape de plomb qui fait ployer plus de la moitié de la population, l’« Etude monographique sur les services immobiliers du logement à Dakar » (MSILD) réalisée et publiée en décembre 2012 par l’Agence nationale de la statistique et de la démographie(Ansd) campe le décor. Celle-ci retrace l’évolution de la valeur moyenne mensuelle de la location dans la région de Dakar qui affiche une hausse de 115,8% entre 1994 et 1999, puis de 38,6% entre 2000 et 2009 en passant de 14604 FCfa , à 31 509 FCfa puis à 43 682 FCfa.

Cette évolution à la baisse par rapport aux deux périodes cache mal une hausse soutenue du loyer moyen sur la période 2000-2009. En dix ans, le prix des loyers a été multiplié par deux, voire trois ou quatre selon les quartiers et, l’étude de l’Ansd indique que les ménages les plus modestes consacrent le tiers de leur revenu dans le loyer. Le poids moyen de la charge locative du logement qui constitue un des principaux postes de dépenses mensuelles en biens et services des ménages et qui, pèse 24,9% à 34,2% dans ces dépenses.

Pire, les ménages les plus « pauvres » (qui gagnent moins de 80 000 FCfa)  consacrent plus de 34% de leurs revenus au paiement du loyer (soi 10 points de plus que le quartile de ménage le plus « riche ») contre 22,4% pour les ménages les plus « riches » (qui ont un revenu d’au moins 220 000 FCfa). Et parmi les ménages qui ont les revenus les plus modestes, 40,2% consacrent au moins 35% de leurs revenus à la charge locative.

La charge est d’autant plus lourde que chez les locataires, l’unanimité est faite sur la cherté du loyer, à tous les standings de résidence. Une perception par ailleurs, partagée par les autres acteurs que sont les propriétaires, les intermédiaires et les agences immobilières interrogés par les statisticiens. En conséquence, les locataires estiment que les loyers devraient être revus à la baisse de près de 35% pour promouvoir l’accès à un logement convenable pour toutes les franges de la population. Cette opinion qui est uniformément partagée, n’émane pas seulement des plus démunis, mais de toutes les catégories de locataire, quelque soit le standing des quartiers et le département.

Facteurs de distorsions

La disponibilité des terrains, des matériaux de construction et des crédits immobiliers (pour les promoteurs et les particuliers) seraient les principaux facteurs liés à la fixation des prix. Les coûts de construction des logements des ménages ont certes connu un renchérissement notable. A titre d’exemple, le coût moyen de construction d’une maison basse s’est sensiblement apprécié en passant à 9,9 millions de FCfa entre 1994 et 1999 pour ressortir à 14,3 millions sur la période 2000- 2010, soit une augmentation de 44,4%.
Cependant, les dispositions légales et réglementaires d’accès à la propriété (frais notariés, impôts et taxes) n’y sont pas étrangères.

Par ailleurs, il semble que lorsque les coûts induits par ces facteurs sont largement couverts, les conditions des transactions sur le marché immobilier entrent en jeu. C’est le cas lorsque les logements sont significativement amortis (cas des maisons héritées).

A l’équilibre, s’il y a une relation étroite entre les coûts de construction, les conditions d’échange des biens immobiliers et leur location, celle-ci est également tributaire de facteurs qui sont à l’origine de dysfonctionnements et de distorsions sur ce marché (distorsions introduites par les agences immobilières, problèmes d’information, externalités, accès au financement, existence d’une bulle immobilière).

En somme, les mécanismes de fixation du loyer ne sont pas en phase avec ceux définis par la réglementation. Les principales raisons sont la désuétude des textes de loi en vigueur qui datent de 1981, ainsi que le manque de contrôle des structures étatiques.

Il s’y ajoute que, lorsque le locataire et le propriétaire ne peuvent entrer directement en contact, l’activité d’intermédiation génère des charges qui créent des distorsions sur le marché immobilier. Ces coûts constituent des charges supplémentaires pour le demandeur de logement. En revanche, pour les propriétaires c’est la gérance qui représente des charges additionnelles. Les commissions payées aux intermédiaires sont ainsi des coûts supplémentaires qui créent des distorsions sur l’équilibre du marché immobilier. Aussi, s’ils sont très utiles dans le secteur immobilier, les intermédiaires créent également des distorsions sur ce marché, favorisant des hausses indues des prix qui ne sont justifiées ni par les conditions d’offre ni par celles de demande mais par le seul souci du profit.

La manne des «vautours»

La plupart des locataires ne savent pas forcément que l’activité d’intermédiation qui consiste à mettre en relation les demandeurs et les propriétaires est régie par la loi n° 82-07 du 30 juin 1982 relative aux activités de promotion, de transaction et de gestion immobilières, d’études et conseil en gestion d’entreprises et de conseil juridique. Les intermédiaires sont les agences immobilières et les courtiers.

Dans les départements de Dakar, Guédiawaye et Pikine26, 39,6% des agences immobilières interrogées sont constituées en Société Unipersonnelle Anonyme à Responsabilité Limitée (SUARL), 35,1% de Société Anonyme à Responsabilité Limitée (SARL), 11,7% en Groupement d’Intérêt Economique (GIE), 7,2% en Société Anonyme (SA) et 6,3% en Société Civile Immobilière (SCI).

En oeuvrant pour le rapprochement des demandeurs et des offreurs de biens et services immobiliers, les agences immobilières gagnent une commission exprimée en pourcentage sur la valeur de la transaction. Pour le cas de l’intermédiation pour la location, le calcul a été fait sur la base d’une durée moyenne des contrats de loyer (5,3 ans) permettant d’avoir une idée sur la valeur du contrat de location à laquelle 83,3% d’un mois de loyer ont été
rapportés. Cela dénote de la difficulté de rapporter dans ce cas la commission à la valeur globale de la transaction qui correspond à l’ensemble des paiements du locataire. Il n’empêche, l’ensemble des activités d’intermédiation des agences immobilières représenterait en moyenne 8,5% du coût supporté par le locataire de logement et qui peut aller à près de 10%.
Quant au courtier, intermédiaire indépendant à qui le locataire verse, à l’entame, un montant forfaitaire pour avoir le droit de visiter le logement, il exige en moyenne 2 000 FCfa hors frais de commission dont le pourcentage moyen fixé par le courtier agrège 47,1 % du montant du premier mois de loyer tandis que les agences demandent en moyenne 83,3% du loyer du premier mois pour chaque contrat de location conclu.

En termes de recettes, l’intermédiation dans la location représente 13,7% (1 223 millions de FCfa ) du chiffre d’affaires total généré par les loyers dont 7,8% pour les agences et 5,9% pour les courtiers.

Les locataires supportent d’autres charges courantes notamment les charges locatives (rémunération des gardiens, frais d’entretien des parties communes, enlèvement des ordures ménagères, etc.…) et les charges connexes liées à l’usage du logement (eau et électricité). En moyenne, les charges courantes supportées par les locataires de la région de Dakar se sont chiffrées à 21 834 FCfa par mois, au cours de l’année 2010 dont 15 462 FCfa au titre des factures d’eau et d’électricité. En intégrant ces charges, la part des revenus des ménages locataires dépensé pour le paiement des charges courantes liées au logement s’établit à 34,2% en moyenne, dans la région de Dakar.

Dans de telles conditions, près de trois quarts des agences immobilières interrogées (71%) dans le cadre de l’enquête de l’Ansd déclarent être souvent confrontées à des cas de défaut de paiement concernant en moyenne le quart de leur clientèle, en raison notamment du manque de moyens (33%), de la mauvaise volonté (30%), de la malhonnêteté (29%) et des cas sociaux (8%).

Le nombre de cas d’expulsions enregistrés en 2009 par les agences immobilières interrogées se situe en moyenne à 12 par agence. Ces expulsions sont le plus souvent dues aux défauts de paiements (62,2%) et aux réhabilitations des logements (1,8%). En outre, les départs spontanés de locataires sont assez fréquents (52,3%) et se produisent dans la plupart des cas lorsque ceux-ci ne peuvent plus payer le loyer (33,7%).

Pour soulager les ménages du « fardeau » que représentent les charges de location, il convient ainsi de mettre en place de nouveaux mécanismes de régulation plus appropriés du secteur de l’immobilier, de renforcer le dispositif de suivi des prix pratiqués et d’alléger les conditions d’accès à la location pour tenir compte de la solvabilité des ménages.

Au-delà du « blocage » ponctuel, parler d’ « encadrement » des prix serait toutefois plus judicieux pour marquer la nécessité de mettre un terme à la charge qui grève, le plus, le budget de plus de 51,6% des ménages sénégalais.

« Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu'à une amélioration constante de ses conditions d'existence. Les Etats parties prendront des mesures appropriées pour assurer la réalisation de ce droit et ils reconnaissent à cet effet l'importance essentielle d'une coopération internationale librement consentie ». C’est que rappelle l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Faut-il également rappeler que le droit au logement figure également dans la Déclaration universelle des droits de l'homme.

source : http://www.sudonline.sn/ils-craquent-sous-le-fardeau_a_16376.html

 

 

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