Au soir de sa vie, l'inventeur du fusil d'assaut AK-47 a envoyé une lettre de repentance au chef de l'Église russe. Il s'inquiétait pour son salut, rongé par le nombre de morts causé dans le monde par sa célèbre mitraillette.
C'est une lettre de repentance qu'avait, au soir de sa vie, adressée Mikhaïl Kalachnikov, le constructeur de la légendaire mitraillette russe, au patriarche de toutes les Russies, Cyrille. Six mois avant sa mort, le 23 décembre, dans une longue lettre publiée lundi matin, par Echo de Moscou et Izvestia, cet homme de 93 ans, avait fait part au chef de l'Église de ses remords de chrétien devant les pertes humaines engendrées par sa redoutable créature. «Ma douleur morale est insupportable… Le fait que mon fusil-mitrailleur ait pu ôter la vie des gens signifie-t-il pour autant que moi-même, Mikhaïl Kalachnikov, fils de paysanne et chrétien orthodoxe, puisse être également coupable…?» s'interrogeait-il le 7 avril 2013.
Une fois devenu célèbre, le père de l'AK-47 rappelle, certes, qu'il avait préféré contribuer à la restauration des églises plutôt que de financer un musée consacré à sa gloire d'inventeur. «Mais le Mal ne diminue pas pour autant», constate ce dernier. Celui-ci «cohabite avec le Bien, tous deux se combattent et finissent par s'annihiler dans l'âme des gens… Est-ce le Tout-Puissant qui a ainsi organisé les choses? L'humanité est-elle condamnée à croupir dans cette équivalence?» demande le pécheur.
Un homme qui «symbolise le patriotisme»
Mikhaïl Kalachnikov trouve néanmoins une justification dans son invention maléfique. Il avoue son incompréhension devant le fait qu'en 1941, après l'invasion allemande de l'Union soviétique, lui et ses «camarades de front n'avaient aucun pistolet automatique pour se défendre». Il ne créera son «arme miracle» - ainsi qu'il la définit dans sa lettre au patriarche - qu'en 1947, avant qu'elle ne soit vendue à près de 100 millions d'exemplaires sur tous les continents. Jusqu'à présent, aucun historien sérieux n'a attribué les revers militaires soviétiques du deuxième semestre 1941 à l'absence de fusils automatiques dans les rangs de l'Armée rouge.
L'argument a séduit néanmoins le chef de l'Église russe. «Mikhaïl Kalachnikov a inventé son arme pour défendre sa patrie et pas pour qu'elle soit utilisée par les terroristes de l'Arabie saoudite», a commenté le diacre Alexandre Volkov, attaché de presse de Cyrille. Ce dernier fait part de la joie du patriarche d'avoir reçu cette lettre - à une époque où l'Église était «attaquée» - de la main d'un homme qui «symbolise le patriotisme». Ce qui équivaut à une absolution.
Mikhaïl Kalachnikov avait eu droit à des funérailles officielles en présence de Vladimir Poutine.
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