Account
Please wait, authorizing ...
Not a member? Sign up now
×

Sidebar

21
Jeu, Nov

Eux & nous – par Abdoulaye Fall pour un État stratège : éléments d’une refondation de la planification au Sénégal

CONTRIBUTIONS
Outils
Vos reglages
  • Plus petit Petit Moyen Grand Plus grand
  • Default Helvetica Segoe Georgia Times

Fast backlinks and Guest-post hosting

contributionLe Plan Stratégique Sénégal Emergent  (PSE)  qui a fait l’objet de nombreux débats, au cours de ces derniers mois, constitue un prétexte pour revisiter les instruments de planification du développement au Sénégal. Il n’est cependant  pas dans notre intention, dans cette contribution,  d’apprécier le contenu  du PSE et de lui contester un éventuel apport aux documents essentiels de stratégies et politiques économiques et sociales actuellement en cours. 

 

 

Le sujet étant pour nous l’examen et  la mise en perspective des cadres, modalités, instruments et moyens d’élaboration et de mise en œuvre des stratégies et politiques de développement. C’est à dire de nous situer sur le plan méthodologique et organisationnel pour aboutir à une véritable direction stratégique de l’Etat, qui ne peut se résumer à la seule recherche de l’efficacité à court  terme, si nécessaire que soit cette dernière.  C’est à cette aune que se  posera, dans les lignes qui suivent, la pertinence du PSE. La  question essentielle étant l’existence à la fois d’une structure centrale maitresse d’œuvre qui est responsable du  document principal consensuel de référence et d’un véritable coordonnateur du processus de planification, depuis la Vision jusqu’à la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques. 
 
Le PSE vient s’ajouter aux divers plans conçus dans la période récente et perçus comme documents de stratégies de développement, en plus du traditionnel plan d’orientation. On peut citer la Stratégie de Croissance Accélérée  (SCA), le Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP) – une des dernières initiatives du « Consensus de Washington »- et sa variante actuelle, ainsi que les Cadres de Dépenses  à Moyen Terme et leurs déclinaisons sectorielles (CDMT/CDSMT), sans compter les nombreux documents de stratégies sectorielles parfois à ancrage incertain.
 
 La question n’est pas tant de rédiger un plan en soi, un plan de plus, d’autant que, nous pouvons dire sans exagération que, dans tous les domaines de la vie économique, sociale, culturelle et environnementale, les tiroirs de l’administration regorgent d’un corpus de documents de haute facture dont les prescriptions véritablement structurantes sont rarement mises en œuvre. Voilà pourquoi, nombre d’experts africains sont venus étudier l’expérience sénégalaise en vue d’inspirer les actions pour le développement de leurs dirigeants. Il ne s’agit pas non plus de procéder à des synthèses mettant en perspective des documents existants avec un habillage circonstancié. Il s’agit d’établir un processus à la fois démocratique, décentralisé et permanent pour que la collectivité nationale puisse disposer d’une vision stratégique éclairant, à tout instant, les décisions du court terme.
 
Il faut rappeler que les autorités sénégalaises avaient su parer les coups de boutoirs portés au système de planification à travers les Programmes d’ajustement structurel (PAS), inspirés par  le FMI et la Banque mondiale, en le réformant. 
 
Ainsi fut adoptée, sous l’égide du ministre Djibo Ka, Ministre du Plan et de la Coopération, une planification plus souple et plus adaptée au contexte de crise qui caractérisait l’environnement international, devenu de plus en plus incertain, et qui bridait les efforts des gouvernements africains à peser significativement sur l’évolution de leurs économies. 
 
Ainsi fut mis en place un système (de planification stratégique) basé sur le triptyque Prospective, Plan d’orientation, Programme triennal d’investissements publics (PTIP) glissant. Même si cette réforme, adoptée lors du Conseil Supérieur du Plan en 1989, sous la présidence du Chef de l’Etat, n’avait pas réussi à regrouper dans un même département les structures chargées de la production de l’information économique et sociale (Statistiques en particulier) avec celles chargées de la conception et du suivi évaluation des politiques et programmes de développement (Planification et Financement, Aménagement du territoire) elle avait permis d’assurer une meilleure articulation des stratégies sectorielles et globales et une plus grande cohérence de l’action gouvernementale pour le développement. Et cela jusqu’en 2000.
 
 Depuis lors, et avec le processus d’élaboration du projet de plan lancé sous l’égide du ministre Maguette THIAM, quelques années auparavant, les projets de plan élaborés n’ont pas pu aller jusqu’au bout  de leur processus d’habilitation qui devait être consacré par l’adoption d’une loi-plan.  
 
Le Plan national d’aménagement du territoire (PNAT), quant à lui, avait défini une structuration de l’espace qui gagnerait à être revisitée. Il avait, en effet, établi une hiérarchie fonctionnelle des établissements humains, s’appuyant sur la détermination d’un certain nombre de pôles de développement qui épousaient les potentialités offertes par les différents territoires du pays. Il s’agissait de faire vivre, selon la formule de François Perroux, des «  constellations de pôles de développement avec leurs milieux de propagation » ; avec un maillage du territoire tel que les externalités positives générées par ces pôles soient profitables à l’ensemble du territoire. En outre, le souci de cohérence avec la planification à moyen et long terme faisait qu’il était prévu que la réalisation du PNAT soit calée aux nouvelles dispositions introduites par la réforme du système de planification. Ainsi le cheminement du Scénario de développement durable du territoire à l’horizon 2021 devait se faire avec la mise en œuvre de quelques treize PTIP.
 
Ce qu’il faut dire, c’est qu’au cours des années 1979-2000, marquées par la pression du FMI et de la Banque Mondiale sur les politiques nationales, à travers les PAS, presque partout en Afrique au Sud du Sahara, les gouvernements ont renoncé un temps à l’élaboration des plans de développement. Et le Sénégal, malgré tout, est resté une exception ! Le plan de la nation a pu être préservé, moyennant les réadaptations que nous avons évoquées, restant de ce fait le cadre global de  conception et de mise en œuvre des politiques de développement à moyen et long terme. Cadre qui permettait d’établir un dialogue permanent, à travers les diverses commissions d’élaboration des documents de prospective et de plan, entre les structures de l’Etat, le Parlement, le Conseil économique et social, les collectivités locales, le secteur privé, l’université et la société civile. On oublie souvent qu’au-delà des documents de planification eux-mêmes, le processus qui mène à leur conception est au moins aussi important, en ce qu’il permet aux différents acteurs de la nation de trouver un cadre de dialogue et de concertations sur l’état du pays et les objectifs déterminants pour son développement futur. C’est ce qui constitue, au-delà de ce qu’on peut penser de son contenu, la faille principale du PSE ; document « offshore », sans ancrage institutionnel véritable,  voire désincarné parce que ne reposant pas sur une  base institutionnelle d’habilitation solide et manquant d’une certaine légitimité que lui aurait conféré un processus participatif et de partage  incluant l‘ensemble des experts nationaux, représentant les différents “ordres” de la vie économique et sociale du pays, sous l’égide du Ministre responsable de la structure centrale de planification, et plus conforme aux prescriptions constitutionnelles.(article 67). 
 
De fait, on a assisté, au cours de ces dernières années, à une perte de la vision stratégique de l’Etat, avec la marginalisation des structures chargées des questions de développement, même si du point de vue de leur dénomination on a vu apparaître de nouvelles structures paraissant plus importantes avec la création de Directions générales (Plan et Stratégies de développement) et d’une Agence chargée de l’aménagement du territoire, alors que les formulations des stratégies et politiques qui guident l’action des décideurs se fait en dehors de ces structures. Formellement les missions demeuraient, mais malgré leur érection en Agence et directions générales ces structures étaient de fait dépouillées des fonctions de centres de réflexions, de production, de mise en cohérence  et de guidance des politiques de développement. En réalité les « impératifs » du court terme, reflétant certainement à la fois l’absence d’une réelle autonomie de production documentaire du fait des injonctions des bailleurs de fonds –en dépit des principes affichés par la Déclaration de Paris ; 2005-, et souvent du fait  de préoccupations politiciennes, l’ont emporté sur la nécessité de disposer d’une vision et d’une stratégie permettant d’éclairer les décisions à court terme des gouvernants.
 
Il faut rappeler que pour l’essentiel les structures actuelles du Ministère du Plan (Direction Générale du Plan, Direction Générale des Stratégies de Développement) étaient regroupées au sein de l’ancienne Direction de la planification, qui en plus avait la tutelle du Projet urbain (précurseur de l’ADM), de la Cellule Après-barrage (devenue par la suite Commissariat) et un quasi monopole sur les études pour le développement pour les besoins de la planification du développement. C’est ainsi que l’élaboration des premiers documents concernant la stratégie de lutte contre la pauvreté et de bonne gouvernance, présentés au Groupe consultatif de 1995, sous la conduite du ministre Pape Ousmane Sakho, Ministre de l’Economie, des Finances et du Plan, a été coordonnée en son sein. De fait cette direction a occupé pendant longtemps –et surtout avant 2000- une position centrale dans le choix et l’orientation des investissements et disposait des capacités compatibles avec les missions qui lui étaient assignées. 
 
Il ya donc lieu, au vu de toutes ces considérations, de mettre fin à ces dysfonctionnements dans l’élaboration des documents de planification à moyen terme, d’une part par l’unification de leur processus d’élaboration, d’autre part par la responsabilisation de la structure ad hoc. Ce qui est synonyme d’un retour  à une vision cohérente et raisonnée de l’avenir du pays, en confirmant la planification comme cadre de référence indispensable à la conduite de la politique économique à court terme. Une planification continue et contre-aléatoire qui ne débouche pas forcément  sur la révision des objectifs même si un redimensionnement des moyens peut intervenir en fonction des aléas qui seront rencontrés. Cependant, il n’y a pas grand sens à vouloir continuer à construire des scénarios prospectifs pour le PNAT différents de ceux élaborés dans le cadre des études prospectives initiées par la DP et aujourd’hui la DGSD. Ce qui implique la nécessité  d’unifier en conséquence les approches et les structures. Il faut rappeler que les « pères » de la planification sénégalaise n’ont jamais imaginé l’aménagement du territoire en dehors d’un processus de plan unifié. C’est cela qui ressort des premiers plans (1er et 2ème).  Face à cette situation le gouvernement a deux possibilités, permettant de donner une plus grande cohérence et plus d’efficacité à son action.
Première possibilité, renforcer et rendre plus visible le Ministère  chargé du Plan. Un grand pas a été fait dans le domaine du regroupement des structures avec le rattachement  de l’ANSD et du CEPOD au nouveau Ministère du Plan. 
 
Mais il faut aller beaucoup plus loin,  en faisant de ce département le centre de gravité de la conception et de la mise en œuvre des stratégies et politiques de développement, avec tout ce que cela implique comme moyens d’actions, en termes de structures et de capacité, avec des experts animés par le professionnalisme; et en terme de  responsabilité, en lui redonnant la place qu’il occupait dans la détermination du budget d’investissement dont il conduira les premiers arbitrages en fonction des priorités retenues, donc la place de choix qui lui revenait jadis dans le financement du développement et comme principal interlocuteur des partenaires au développement concernant le financement des programmes d’investissement.
 
  Il lui appartiendra ainsi d’organiser l’orientation des investissements à des fins d’aménagement des territoires. A cet effet, et s’appuyant sur les Ambassades, il profitera de l’existence  d’un véritable réseau de correspondants  pour promouvoir les investissements vers les pôles de développement. Il s’agira également d’approfondir la « double planification » Etat/ Collectivités locales devenue d’autant plus nécessaire avec les impératifs de la décentralisation. Ce qui lui fera jouer un rôle de premier plan dans la mise en place de Contrats de plan Etat/ Collectivités locales/Entreprises publiques et privées le cas échéant. De ce fait il devra travailler avec les Agences Régionales de Développement qui auront la charge de piloter les stratégies propres aux collectivités locales ; stratégies qui devront se définir en cohérence avec le plan national. C’est ainsi que Etat et collectivités locales pourront établir les modalités d’intervention pour le financement du développement local à travers les contrats de plan et en fonction des priorités conjointement déterminées. 
 
 Si le Ministre chargé du Plan ne dispose pas du poids nécessaire à la coordination des Ministères techniques, comme esquissé ci-dessus, –en s’appuyant sur les Cellules de planification renforcées de ces derniers-, pour les questions liées à la planification et au financement du développement, il faudra alors que cette coordination s’opère directement au niveau de la Primature.
 
Il s’agira, dans ce cas, deuxième possibilité, d’aller dans le sens de Michel Rocard, ancien Premier ministre français, ancien ministre d’Etat, ministre du Plan et de l’Aménagement du Territoire,  et  « … se débarrasser de l’idée que le Plan a besoin d’un ministre particulier pour fonctionner : le ministre du Plan ne peut être que le Premier ministre ». En conséquence de mettre en place un Commissariat Général auprès du Premier Ministre qui aura en charge les missions de planification stratégique et de prospective y compris territoriale. Ainsi pourrons-nous disposer et d’un « avion » capable d’assurer l’envol du Sénégal vers l’émergence et surtout d’un pilote dans l’avion ! 
 
Par Abdoulaye FALL 
Ancien Directeur de l’Aménagement du Territoire
Ancien Adjoint au Directeur de  la Planification
 
source : http://www.sudonline.sn/pour-un-etat-stratege--elements-d-une-refondation-de-la-planification-au-senegal_a_19285.html