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« Massaly ce héro », c’est le titre de son « Lundi » du 24 août 2015, que notre ami Madiambal Diagne a consacré au jeune et tonitruant wadiste. Je lis régulièrement ces « lundis » et en apprécie la qualité, même s’il m’arrive d’avoir des réserves et, parfois, de ne pas être tout à fait d’accord avec certaines positions qui y sont développées.
Madiambal Diagne sait parfaitement que Mouhamadou Lamine Massaly n’est pas un héros. Il a pris comme prétexte ses déboires avec la justice, pour en critiquer sévèrement certaines procédures et, en particulier, la promptitude des juges à envoyer des citoyens en prison. Ce « fou » de Massaly, «dont le fonds de commerce a toujours été l’injure à la bouche » !
Ce garçon, avec « son côté rustre très affiché et son manque d’éducation » ! Cet individu qui « symbolisait l’arrogance d’un régime, surtout par certains de ses comportements de parvenu et de nouveau riche » ! Ce personnage rustre pouvait-il se montrer « sympathique et attachant derrière ses mauvais airs » ? Pouvait-il devenir un héros, même le temps d’une rose ? Madiambal sait parfaitement que non. Comme le dit si bien l’adage wolof, « dafa daq ganaar waxaale ci soxlaam ». En d’autres termes, il s’appuie sur l’injustice dont le garçon serait victime, pour faire le procès du fonctionnement de notre justice. C’est, du moins, ce que je crois avoir compris. En tous les cas, c’est son droit et, surtout, il en a les moyens intellectuels et professionnels.
Ce Massaly ne m’a jamais vraiment intéressé et ne m’intéresse toujours pas. Cependant, je profite de l’opportunité que me donne ce « Lundi » du 24 août de Mandiambal Diagne pour rappeler un peu qui est réellement cet accident de l’histoire, par-delà son insolence et son arrogance. Massaly était pratiquement présent à tous les meetings du PDS présidés par Me Wade qui n’a pas manqué de remarquer alors « son caractère de personnage agité et impulsif » qui l’aurait séduit, selon Madiambal Diagne. En tous les cas, il le reçoit à la Présidence de la République et le copte, sans autre forme de procès, dans le Comité directeur du PDS. Quelque temps après, il le bombarde Président du Conseil d’administration de la Société des Infrastructures et de Réparation navale (SIRN). Une société aussi technique, alors que le garçon a arrêté ses études à la classe de troisième de l’Enseignement moyen ! Il a fait d’ailleurs cette dernière classe dans un modeste collège privé dont je connaissais parfaitement le Directeur, aujourd’hui décédé. J’ai du mal à m’imaginer comment ce garçon présidait les conseils d’administration, surtout comment il a présidé le tout premier. En tout cas, il les a présidés de mai 2008 à juillet 2011, à côté de deux Directeurs généraux : Marcel Ndione jusqu’au 31 juillet 2009, Samba Ndiaye à partir de cette date.
Comme toutes les directions, agences et autres structures publiques, la SIRN porte la marque de la très mauvaise gestion de la gouvernance des Wade, qui se prolonge malheureusement avec celle de son successeur.
J’ai lu attentivement le Rapport public 2013 de la Cour des Comptes. C’est là que la personne de Mouhamadou Lamine Massaly retient mon attention. Je m’arrête sur deux actes de gestion avant de revenir sur le PCA Massaly et ses avantages exorbitants. Le Rapport public 2013 de la Cour des Comptes passe en revue le « Contrat onéreux conclu avec Dakarnave », celle-ci étant une société privée de droit sénégalais créée pour « reprendre l’exploitation des activités des chantiers de réparation navale ». Dans cette perspective, il a été signé, « entre l’Etat du Sénégal, la SIRN et DAKARNAVE, un contrat de concession pour l’exploitation et la gérance des infrastructures de réparation navale pour une durée de 25 ans renouvelable par tacite reconduction pour des périodes de dix ans ». Une disposition de ce contrat léonin a particulièrement retenu l’attention des magistrats de la Cour des Comptes. La SIRN « a mis à la disposition de DAKARNAVE vingt-quatre (24) appartements pour le logement de ses agents pour la même durée du contrat de concession, soit 25 ans ». Les montants des loyers sont déterminés à partir des dispositions de l’Arrêté n° 2888/MEF/DGID du 6 mai 2003, celui-ci abrogeant un autre, celui n° 2026/MEF/DGID du 19 février 1990.
L’Arrêté du 6 mai 2003 fixe les montants des loyers ainsi qu’il suit :
- 120000 FCFA par mois pour un appartement de type F4 ;
- 90000 FCFA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . de type F3 ;
- 60000 FCFA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . de type F2.
Pour vingt-quatre (24) appartements situés en plein Plateau (à Calmette et à Pinet Laprade), la SIRN ne perçoit qu’un loyer mensuel de 2 340 000 FCFA. Une expertise de la Direction du Cadastre, sur saisine de la Direction générale de la SIRN, estime la location mensuelle des 24 appartements à 11 760 000 FCFA. La SIRN enregistre ainsi un manque à gagner de 9 420 000 FCFA tous les mois. Les magistrats de la Cour des Comptes constatent que DAKARNAVE refuse toujours de s’aligner sur ces montants, s’abritant confortablement derrière les dispositions de l’Arrêté du 6 mai 2003. La SIRN a au moins le mérite de porter cette affaire devant les juridictions compétentes. A-t-elle été par la suite jugée ? Je n’en sais rien, mais je ne le crois pas du tout, au moins jusqu’à preuve du contraire. Dans notre cher pays, on laisse souvent pourrir de telles situations, pour ne pas remettre en cause des avantages indûment acquis.
Les trois régimes qui se sont succédé au Sénégal sont tous responsables de ce scandale – puisque c’en est un. Comment peut-on louer à 120000 FCFA un appartement qui se trouve à la rue Calmette ou à Pinet Laprade, alors que les experts estiment ce loyer mensuel à au moins 600000 FCFA ? Il y a sûrement anguille sous roche dans ce dossier, où des gens tapis dans l’ombre gagnent illicitement beaucoup d’argent, sous le nez et la barbe de nos autorités, les anciennes comme celles qui nous gouvernent depuis avril 2012. Il n’est même pas exclu que les bénéficiaires de ces appartements les sous-louent à prix d’or.
Un autre cas patent a retenu l’attention des magistrats de la Cour des Comptes. Il concerne une dame, une certaine Mme Ndiane Samb, à qui des rémunérations indues ont été versées pendant de longs mois. Cette dame a été recrutée par la SIRN le 1er octobre 2007 comme assistante administrative, et mise immédiatement à la disposition du cabinet du Ministre de l’Economie maritime (sic). Ce dernier nommé Premier Ministre (on devine qui il est) recrute Mme Samb comme secrétaire à son cabinet, par Arrêté n° 6004/PM/SGG/SAGE du 12 mai 2009. Il n’était sûrement pas étranger à son recrutement par la SIRN. Il l’a d’ailleurs sûrement inspiré, en qualité alors de ministre de tutelle.
A la Primature où elle était donc sous contrat avec la Fonction publique depuis mai 2006 et percevait régulièrement le salaire dû à cet effet, notre très privilégiée dame continuait d’être rémunérée par la SIRN en qualité d’assistante administrative. Ce n’est que plus tard, le 18 février 2010, que cette situation a été régularisée par décision n° 2010.049/DG//SIRN. Elle a donc cumulé deux rémunérations de 2007 à 2010. Ainsi, pendant cette période, 13 926 288 FCFA lui ont été versés par la SIRN et 12 928 072 FCFA par la Fonction publique. Les magistrats de la Cour ont notamment recommandé au Directeur général de prendre toutes les dispositions nécessaires pour que Mme Samb rembourse les sommes importantes qui lui ont été indûment versées.
Dans sa réponse à la partie du pré-rapport qui concernait le Ministre de la Pêche et l’Economie maritime (qu’il n’était pas encore à l’époque), Oumar Guèye a notamment répondu que, pour ce qui concerne le versement de rémunérations indues à Mme Ndane Samb, « toutes les mesures correctives ont été prises et (que) le Ministre de l’Economie et des Finances a même émis un ordre de recette à son encontre ». J’aurais aimé pouvoir vérifier si ces dispositions ont été prises et se poursuivent effectivement. En tout cas, nos gouvernances étant ce qu’elles sont, j’en douterai jusqu’à preuve du contraire.
On est en droit d’en douter sérieusement si on s’attarde sur les rémunérations et avantages qui étaient si facilement octroyés au PCA Mouhamadou Lamine Massaly. Sa rémunération mensuelle était fixée par arrêté à 1 770 000 FCFA. En sus de cette rémunération, il était mis à sa disposition un véhicule de fonction, en même temps qu’une dotation mensuelle de 1000 litres de carburant, alors que la lettre n° 4210 PR/ME/MSAP/SGP/CF du Président de la République adressée au Premier Ministre limitait cette dotation à 350 litres. Notre « héros national » avait également à sa disposition un bureau aménagé dans les locaux de la SIRN. Une secrétaire et un chauffeur étaient en outre mis à sa disposition. Mais le chauffeur était recruté hors du personnel de la SIRN et était rémunéré par celle-ci. Ce qui était contraire à la réglementation en vigueur. Notre PCA bénéficiait aussi d’un logement de fonction, cumulativement avec une indemnité de logement de 150000 FCFA. A la fin de son mandat, Massaly, comme Baïla Wane avant lui, a refusé catégoriquement de libérer son logement de fonction. Il a fallu recourir aux tribunaux pour le faire expulser par voie de huissier, plusieurs mois après. De remboursement des sommes indûment perçues par le PCA Massaly, il n’en fut question nulle part, pas même dans le Rapport de la Cour des Comptes.
La SIRN payait aussi les factures exorbitantes des lignes Téranga et du téléphone fixe de l’appartement qui lui était affecté. Quelques exemples, parmi tant d’autres :
- Mai 2008 : 1378 223 FCFA ;
- Juin 2008 : 1 859 651 F ;
- Juillet 2008 : 1 019 208 ;
- Juin 2009 : 1 384 667 ;
- Octobre 2010 : 1 033 100 ;
- Novembre 2010 : 1 020 000.
Ce n’est pas tout. Notre « sympathique » et « attachant » héros recevait de la SIRN d’importants fonds pour financer ses activités politiques : mobilisation des jeunes wadistes et autres militants pour l’accueil du Président de la République dans ses différents déplacements, appui à certaines activités de la « Génération du Concret », organisation de conférences de presse et de manifestations diverses des jeunesses libérales de Thiès, confection de tee-shirts avec l’effigie de l’ancien Président de la République, de casquettes, de banderoles, etc. Ainsi, pendant la période considérée, la SIRN a décaissé pour son prestigieux PCA, la coquette somme 19 556 700 FCFA. Je fais table rase des lourdes enveloppes que lui donnait personnellement le Président Wade, pendant les périodes de campagne électorale en particulier.
Mouhamadou Massaly fait donc partie des pilleurs de nos deniers publics pendant la longue gouvernance des Wade. Je le trouve antipathique et ne m’apitoie point sur son sort. Le savoir en prison ne me dérange pas le moins du monde car, il le mérite. Il le mérite, lui et les deux directeurs généraux qui se sont montrés si généreux avec lui, tout en se sucrant sûrement. C’est notamment le cas de l’ancien Directeur général Samba Ndiaye qui n’a répondu, à la lettre qui lui avait été envoyée par la Cour des Comptes, que par ces mots laconiques : « Faisant suite à votre lettre ci-dessus référencée, je vous fais parvenir notre observation unique portant sur le nom de notre société : c’est Société des Infrastructures et de réparation navale (SIRN) au lieu de Société d’Investissement et de restructuration navale. » Point final. Il assume donc tous les graves problèmes de gestion de la SIRN qui ont été soulevés dans le Rapport public 2013 de la Cour des Comptes (pp. 209-227). Tout au moins, pour ce qui concerne ses années de gestion qui s’y taillent quand même la part du lion.
On se fait une idée de la qualité de cette gestion si on jette seulement un coup d’œil sur la rubrique « autres dons accordés par la SIRN en 2009, 2010 et 2011 » (page 223). Quelques exemples parmi de nombreux autres :
- Soutien à la Jeunesse libérale de Ndoffane : 800 000 FCFA ;
- Soutien à l’ASC Laghem (c’est toujours Ndoffane) : 990 000 ;
- Subvention au Dahira Laghem et FDK : 600 000 ;
- Subvention Association des femmes de Ndoffane : 250 000, etc.
Même Papa Samba Mboup, celui-là même qui côtoyait quotidiennement les fameuses mallettes de la Présidence de la République, a bénéficié d’un don de 500 000 (sic). Peut-être, s’agissait-il d’un autre Papa Samba Mboup. Si c’est vraiment le même qui a reçu le don, c’est le monde à l’envers.
Il convient surtout de signaler que l’ex-DG Samba Ndiaye est de Ndoffane, dont il est l’actuel maire depuis les dernières élections locales. Précisons aussi que M. Ndiaye a rejoint les prairies orange. Etre à la tête d’une société nationale et couvrir sa ville ou son village de dons ! Ce n’est vraiment pas décent, ce n’est pas républicain ! La gestion de Samba Ndiaye à la tête de la SIRN est à l’image de pratiquement celles de toutes les agences, sociétés et autres structures publiques. Les deux derniers rapports publics respectifs de l’Inspection générale d’Etat (IGE) et de la Cour des Comptes l’ont montré à suffisance. Ce sera sûrement pareil pour les prochains car, les sanctions de la mauvaise gestion ne sont pas toujours au rendez-vous, malgré les apparences bavardes et trompeuses. Des Mouhamadou Massaly, des Samba Ndiaye et des Ndane Samb, on en rencontre dans tous les coins de rue. Ils sont dans l’opposition (au PDS principalement) comme dans la mouvance présidentielle. Si ces gens-là et les autres personnalités « mange-mil » que la CREI a sur sa liste ne sont pas le moins du monde inquiétés, la Traque des biens dits mal acquis doit être purement et simplement abandonnée. Au grand dam des Sénégalaises et des Sénégalais qui ont sans équivoque porté le candidat Macky Sall au pouvoir, le 25 mars 2012. Et qui attendent encore que ce dernier les rassure, en mettant effectivement en œuvre la politique « sobre, vertueuse, transparente et efficace » qu’il leur avait promise. Le syndrome de la gestion de l’alternance du 19 mars 2000 hante encore leur sommeil.
Dakar, le 27 août 2015
MODY NIANG