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Laser du lundi : La Décentralisation dézinguée sur l’autel du deuxième mandat (Par Babacar Justin Ndiaye)

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« En politique, si l‘on n’est pas prêt à tout, on n’est prêt à rien » a-t-on coutume de dire.  Une leçon à haute teneur jusqu’au-boutiste  qui semble être le vade-mecum du Président Macky Sall, déjà debout, sur le chemin escarpé du second mandat. Pour l’obtenir, vite et bien, (la victoire au premier tour contre tous) le Président sortant souhaite visiblement être délesté de tous les impedimenta lourds, encombrants et contrariants. D’où le besoin de dézinguer la Décentralisation portée sur les fonts baptismaux, dès 1972, et méthodiquement mise sur orbite. Jusque-là feutrée, la démarche du chef de l’Etat et de  l’APR a subitement pris un tour vigoureux. Et kafkaïen.  

 

  Le duel opposant le maire Khalifa Sall au ministre Diène Farba Sarr offre, en effet, un spectacle mi-puéril, mi-ubuesque et fâcheusement indigne de la démocratie adulte (en âge et en expérience) du Sénégal. Le télescopage des projets concurrents d’embellissement, d’un côté, et de l’autre, l’action policière surdimensionnée sur les lieux mythiques de la Place de l’indépendance (témoin de la colère du Général De Gaulle contre les porteurs de pancartes) renseignent clairement sur les facettes d’une gouvernance de plus en plus schizophrénique, au crépuscule du mandat présidentiel en cours. Tous les faits et gestes étant désormais  pollués par la soif inextinguible d’un deuxième mandat élevé au rang de première obsession. Or, l’obsession est piètre conseillère et pire guide dans une conjoncture politiquement décisive.

  

Faut-il crier à tue-tête que les maires – issus de différents Partis et élus de tous les segments de la population – ne sont pas des malfrats ? Dans le tumulte des polémiques et le bruit assourdissant des grenades lacrymogènes, on finit par oublier que Khalifa Sall est le premier magistrat de la ville de Dakar et le détenteur des clés symboliques qui ouvrent et referment les portes de la capitale. A ce titre, Macky Sall qui se réveille, tous les matins, à Dakar, reste son administré. Le Palais présidentiel n’étant pas bâti à Fatick. Tout comme le maire de Dakar est l’administré du Président de la république et  Président de tous les Sénégalais qui vivent dans l’espace compris entre l’Atlantique et la Falémé. Dommage que de telles évidences institutionnelles – joliment porteuses d’équilibre – soient noyées et dissipées dans des avalanches de passions politiciennes et de calculs pré-électoraux.   
  

Cependant, l’épicentre de l’inquiétude se situe au ministère de l’Intérieur qui n’est pas le ministère de l’Ordre et de la Police. Une telle terminologie n’a existé, à ma connaissance, que dans l’Afrique du Sud répressive de l’Apartheid. Avant Mandela. C’est dire que le plus névralgique des ministères de souveraineté est et sera toujours le condensé de toutes les compétences parmi lesquelles le maintien de l’ordre stricto sensu n’est pas forcément dominant, dans un Etat démocratique. Au demeurant, l’action policière ultime et violente (mais très légitime au sens où la conçoit Max Weber) constitue un échec comparativement à l’apaisement – une dimension privilégiée de la bonne administration – qui est le succès. Dans ce bras de fer entre le maire de Dakar et un membre du gouvernement, le ministre Abdoulaye Daouda Diallo, nécessairement concerné, possède une marge d’intervention autonome et automatique bien compatible avec toutes sortes d’instructions tombées d’en-haut. C’est une affaire de style, de science et de personnalités bien malaxées. 
  

Informé, chaque minute, de l’évolution des discussions et de la situation sur le terrain, le ministre de l’Intérieur pouvait joindre Khalifa Sall, le rassurer et lui proposer un discret tête-à-tête, dans l’après-midi ou dans la soirée, qui désamorcerait la bombe. L’adversité politique pouvant être, à la fois, totale et élégante. Les exemples foisonnent. En 1982, le Roi Hassan II (monarque absolu et autoritaire) a donné l’ordre d’arrêter un opposant d’envergure, un valeureux combattant pour l’indépendance du Royaume, un ténor du barreau, le premier ambassadeur du Maroc en France et l’ancien ministre de l’Economie de son père Mohamed V : Me Abderrahmane Bouabid. Le puissant ministre de l’Intérieur, Driss Basri, a dit « oui » à sa Majesté, tout en restant le maitre d’œuvre de l’arrestation de son illustrissime compatriote. A cet effet, il a courtoisement informé le chef de l’USFP puis « quémandé » (admirez les guillemets) sa collaboration avant d’envoyer des gradés de la police en civil. Preuve que la souplesse n’est pas la faiblesse. Pourvu que la loi prévale ! Tout comme respecter un maire, ce n’est pas capituler devant lui. A cet égard, je signale que Khalifa Sall fut ministre à une époque où aucun destin ministériel ne se dessinait pour Abdoulaye Daouda Diallo.    
  

Une fois l’écume dégagée, on voit les courants forts qui agitent la mare dans laquelle barbotent, de façon antagonique, des alliés-adversaires pourtant tous logés à la même enseigne majoritaire : Benno Bokk Yakaar. La trame des évènements est donc politique et non technique. Car l’Acte 3 – en tant que Loi 2013-10 du 28 décembre 2013 (même bourrée d’imperfections nécessitant une seconde lecture par l’Assemblée nationale) – est supérieur au décret qui fixe les attributions d’un ministre. En tout état de cause, ce débat vif et vicié peut être tranché par des experts recommandables et crédibles pour les deux camps. L’ancien ministre de la Décentralisation, Souty Touré, a quitté le Parti socialiste et choisi de bivouaquer à l’écart de la majorité présidentielle. Le second expert (disponible et crédible) est l’administrateur civil Mamadou Diouf. Un homme qui a réfléchi et écrit sur le sujet, après avoir pratiqué longuement le commandement territorial. Après tout, le Code des collectivités locales n’est pas une forêt d’hiéroglyphes. Il n’a rien d’hermétique ou d’ésotérique. Bien au contraire, il est limpide et pénétrable pour des démocrates de bonne volonté.    
  

Le hic se situe au cœur d’une stratégie d’affaiblissement voire de paralysie de quelques collectivités locales bien ciblées ; parce qu’assimilées fort justement à des citadelles électoralement imprenables. Et, par un douteux hasard, il s’agit de villes de grande taille (Dakar, Thiès et Ziguinchor) et de taille moyenne (Bambey et Dagana) toutes rebelles aux offensives de charme du Président de la république et patron de l’APR, déployées à travers les fameux Conseils des ministres décentralisés, eux-mêmes, vecteurs de promesses mirobolantes, c’est-à-dire ruisselantes de mirages et non de miracles économiques avérés à l’échelle des régions. Bref, le second mandat commande qu’on aille des compétences légalement transférées vers des compétences habilement grignotées voire carrément concassées. Aux yeux des stratèges de l’APR, c’est le passage obligé.  
  

Ainsi, une Décentralisation dézinguée sur l’autel du second mandat et un Acte 3 cosmétique et plein de chausse-trappes apparaissent comme les perches au moyen desquelles Macky Sall franchira allègrement la haie présidentielle que pourrait dresser – plus vite que prévu – le référendum imminent. Néanmoins, ne  divorçons pas d’avec la raison ! L’Histoire du Sénégal est plus importante et, surtout, infiniment plus significative que les courtes et individuelles carrières des uns et des autres. En définitive, que vaut une victoire personnelle ou partisane perceptiblement lourde de décadence nationale et de dégradation institutionnelle ? 
  

Voilà les soubassements d’une tension surréaliste qui dévitalise la démocratie quand elle n’esquinte pas la république. Du coup, le panorama devient surprenant au vu des marches systématiquement interdites. Chose cocasse dans une république laïque : seules les marches d’inspiration ou d’essence confrérique (occupation mi-autorisée, mi-spontanée de la rue contre la provocation inacceptable de Jeune Afrique) meublent le décor. Le Président Macky Sall qui rêve d’une laïcité ad vitam aeternam (la clause d’éternité en béton armé dans la réforme constitutionnelle) est encore au milieu du gué. Faute de sentinelles, dans son propre gouvernement, prêtes à défendre l’intangibilité de la laïcité. Car, deux de ses ministres (Mbaye Ndiaye et Mor Ngom) ont marché plus pour la défense de leur confrérie religieuse que pour la sauvegarde de la Constitution du pays.   
  

PS : Je recommande au ministre Abdoulaye Daouda Diallo, le livre-mémoires de Raymond Marcellin, le meilleur ministre de l’Intérieur français de l’Histoire, après Joseph Fouché. Ce Breton qui a servi successivement le Général De Gaulle et le Président Georges  Pompidou, fut également un modèle et une référence pour Charles Pasqua. Et – à contrario –  la bête noire du « Canard Enchainé ». Ces mémoires sont un livre de chevet pour les ministres de l’Intérieur des Etats démocratiques. 

 

source: http://www.dakaractu.com/Laser-du-lundi-La-Decentralisation-dezinguee-sur-l-autel-du-deuxieme-mandat-Par-Babacar-Justin-Ndiaye_a105557.html