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La TFM a eu une belle idée d’aller à la rencontre du peuple inconnu des Sénégalais, les Bédik. L’élément, diffusé par la chaîne de la télévision de Youssou Ndour, est un bon document qui renseigne sur la vie de ce peuple «fermé » du Sénégal oriental profondément ancré dans son terroir et fortement attaché à ces coutumes comme la plupart des peuples dits « marginaux ». Mais, malheureusement, le traitement qui lui a été réservé par l’équipe matinale de la dite chaîne et la maladresse énorme qu’a commise la réalisatrice de ce reportage l’ont rendu inintéressant et provocateur.[xalima.com] C’est ce qui a provoqué l’ire soulevée par les Tendanké (l’autre appellation des Bédik) et le rappel à l’ordre des dirigeants de cette chaîne par le ministre de la culture.
Les Bédik ont raison de se protester auprès de l’autorité étatique, d’autant plus que les commentaires, qui ont été faits, relevaient, non seulement de moqueries, d’ignorances mais surtout de mensonges sur leur histoire. Information frelatée ! Chose inacceptable pour une chaîne de télévision qui se revendique d’être la plus populaire et la plus suivie au Sénégal.
Chez nous, à xalima, on a fouillé les archives, ouvert les tiroirs des bibliothèques, pour faire la lumière sur la vraie vie des Bédik en se basant sur des travaux universitaires, spécialistes des Bédik
1 D’abord qui sont ces Bédik?
C’est sur une ribambelle de petits massifs (environ 365 m), sous un tapis vert d’une « foret claire », à l’est du Sénégal, dans la région de Kédougou, plus précisément dans Salemata et Bandafassi , près de la zone frontalière entre le Sénégal et la Guinée d’une part et le Sénégal et le Mali d’autre part , que les Bédik ont implanté leurs cases. Ils sont proches des Coniagui, Bassari Peuls… Sur des sols granites et dolérites, ils pratiquent la culture de l’arachide, du fonio et du mil.
2 La TFM devait-elle diffuser ce document?
La réponse est oui. Il n y a rien de grave dans le contenu de cette courte video. On nous vaguement apprend qui sont les Bédik? D’où viennent-ils? Où vivent-ils? Comment vivent-ils? Donc, la video a répondu à toutes ces questions en si peu de minutes. Mais le commentaire qui s’en est suivi a tout gâché, parce qu’il s’agit d’une énormité.
3 L’animatrice a-t-elle tort ?
Oui, elle a fait un commentaire de trop et a même menti si on se fie aux travaux des chercheurs. Nous y reviendrons dans nos prochaines lignes. Quand l’animatrice de la TFM dit , des garçons et des filles de même sang sont enfermés dans une chambre pour s’adonner à des relations sexuelles. En plus, elle ne montre aucun témoignage sur ça. Sa parole perd toute crédibilité. Dès lors, on peut penser qu’elle avait des a priori ou elle s’est basée sur des clichés vulgairement réservés à ces « peuples marginaux ». Et on peut comprendre la colère du ministre de la culture qui appelle au professionnalisme. Le traitement d’un tel sujet devait être l’affaire d’un grand reporter aguerri, entouré de spécialistes sur la question ou sur l’histoire du Sénégal, mais pas d’une simple animatrice de télé formée sur le tas et visiblement sans culture générale. C’est ça le défaut de nos télévisions. Tout le monde peut commenter une information.
4 La société Bédik promeut- elle l’inceste?
Non ! L’animatrice a menti sur toute la ligne. Certes les mariages avec personnes apparentées ne sont pas exclus. Comme cela existe aussi dans les sociétés modernes africaines et occidentales. Au Sénégal les mariages entre cousins et cousines sont récurrentes, Et pourtant personne ne crie à l’inceste. Donc la consanguinité n’est pas l’apanage des Bédik. On la trouve chez les Wolofs, les Sérères, les Peuls, les Diolas etc. Et plus, cette pratique ne s’étend pas à tous les Bédik. Selon l’anthropologue, Jacques Gomila , spécialiste en anthropologie biologique et génétique et de l’histoire des Bédik, dans son ouvrage intitulé , « Les Bédik. Sénégal oriental. Barrières culturelles et hétérogénéité » publiée en 1971 et édité par Les Presses de l’Université de Montréal, la consanguinité est acceptée seulement que chez les Biwol et rejetée chez les Banapas qui croient que cette pratique ne fait pas partie de leur culture et c’est un fait culturel hérité des Peuls . Biwol et Banapas sont les deux fractions des Bédik . Donc en pays Bédik, on n’encourage nullement l’inceste.
Allant toujours dans le même sens, l’anthropologue, Jacques Gomila, qui a séjourné 28 mois chez les Bédik, explique les raisons de cette consanguinité : « La consanguinité peut être encouragée pour des raisons culturelles lorsqu’il existe des règles de mariage prescrivant ou recommandant l’union entre certaines catégories de sujets apparentés, ou pour des raisons économiques, aussi bien dans les sociétés rurales que dans les sociétés industrielles, lorsqu’il s’agit d’éviter la dispersion du patrimoine ; elle peut être découragée par la répugnance que démontrent beaucoup de cultures à l’endroit de ces sortes d’unions : on peut citer comme exemple de ce dernier aspect les prescriptions de l’Église catholique. ».
Donc il ressort de cette assertion que la consanguinité est un fait culturel et économique, permise aussi bien dans les sociétés traditionnelles que modernes.
Les Bédik sont très attachés à leur « unité reproductive », c’est-à-dire « des croisements à l’intérieur du groupe sans immixtion de sang étranger ». C’est ce que Jacques Gomila qualifie « d’Isolat Bédik »
Mariage chez les Bédik : faut-il avoir plusieurs enfants (5) avant de se marier ?
Faux ! Contrairement à ce que l’animatrice a affirmé. Chez les Bédik, une femme se marie quand elle est mûre. Chez les Bédik une femme mûre c’est celle « aux seins bien développés », selon Jacques Gomila et May Clarkson dans leur étude intitulée : « Éléments pour une ethnographie du mariage et de la reproduction chez les Bedik (Sénéga Oriental) », parue dans la revue Anthropologie et Sociétés, vol. 7, n° 2, 1983, p. 131-163. Donc la femme peut se marier en étant célibataire, divorcée, célibataire sans enfants ou avec enfants, veuve… . Sur ce domaine, il n y a pas de règles préétablies. Et de surcroit ils sont même en avance sur nos sociétés modernes sénégalaises parce qu’il n y a aucune honte d’épouser une fille qui a été déjà enceintée ou qui a des enfants avec un autre homme. Peut-on dire même que la femme est plus libre chez les Bédik que chez les Sérées, Wolofs et peuls. Donc chez les Bédik, les pesanteurs sociales sont moins visibles.
Chez les Bédik, le mariage n’est pas forcé même si le père peut choisir une fiancée à son fils, selon Jacques Gomila et May Clarkson. Mais en « définitive, c’est la femme qui décidera du choix de son conjoint : elle peut refuser le mari qu’on lui a choisi même si » la dot a été payée, selon les deux auteurs.
Filles et garçons dans une même chambre pour des relations sexuelles?
C’est là, vraiment où l’animatrice a, carrément, déformé la réalité. Voici ce qui se passe réellement. En période de travaux champêtres, c’est-à-dire pendant l’hivernage, au mois de juillet et non d’Avril comme le dit l’animatrice, il est permis aux jeunes garçons de choisir des filles mûres c’est à dire des filles « aux seins bien développés » . « Lorsque la fille accepte les faveurs du garçon, ce dernier peut la retrouver dans sa case. Là, elle lui fait à manger un plat qu’elle a réservé pour lui, lui roulant elle-même les boulettes de nourriture et les lui donnant à la main. Après cela on cause puis on va se coucher » (Gomila et Clatkso). Certes, cette pratique a favorisé les naissances hors mariage. C’est ce qui fait que beaucoup de femmes se retrouvent avec un enfant ou plusieurs enfants au moment de leur mariage. Gomila et Clarkson affirment sur les 448 femmes mariées qu’ils ont interrogées, 237 (soit 53%) étaient déjà mères au moment de leur mariage ou se sont mariées enceintes : l’enfant appartient alors au mari, la paternité sociale prenant le pas sur la paternité biologique. Voilà comment se passent les choses mais pas de la manière décrite, avec audace, par l’animatrice sur le plateau de la TFM.
Donc, comme le voit, l’histoire des Bédik comme celle de toutes les ethnies du Sénégal sont très mal connues par nous, jeunes sénégalais. Au lieu d’interroger notre propre histoire, on se fonde sur des clichés et des préjugés comme le faisait l’érudition européenne qui a écrit et falsifié notre histoire. Dommage qu’au Sénégal, la recherche est au point mort faute de moyens financiers. L’histoire des sociétés dites minoritaires est complétement ignorée. Heureusement pour les Bédik, il y avait le canadien, Jacques Gomila qui a rendu immortel leur belle culture. Jacques Gomila n’est plus dans ce monde, cet universitaire de grand renom est mort jeune. Mais il peut être fier, là où il est, parce qu’il a permis de restaurer la vérité historique d’un peuple méconnu et oublié par l’historiographie moderne du Sénégal. Alors Pape Cheikh Diallo qui est prêt à se rendre chez les Bédiks au mois d’Avril pour coucher des belles filles peuvent aller chercher ailleurs parce que l’histoire vient de démontrer que ces filles ne sont pas des prostituées contrairement à ce que laissent entendre les commentaires de sa consœur. Toutefois ce reportage a mis en exergue la galère quotidienne des femmes Bédik pour aller chercher de l’eau. Elles doivent faire 365 m en hauteur (à la descente comme à la montée). C’est inadmissible. Et c’est là qu’on attend plus le ministre. Il suffit pas seulement de sermonner les télévisions, il faut agir sur le devenir de ces braves femmes et filles.
Sources :
Jacques Gomila : Les Bédik. Sénégal oriental. Barriéres culturelles et hétérogénéité
Biologique. Les presses de l,université de Montréal 1971. 273 PAGES
Jacques Gomila et May Clarkson dans un article intitulé « Éléments pour une ethnographie du mariage et de la reproduction chez les Bedik (Sénéga Oriental) » ) paru dans la revue Anthropologie et Sociétés, vol. 7, n° 2, 1983, p. 131-163.
XALIMAhttp://www.senxibar.com/Mariage-et-Vie-sexuelle-chez-les-Bedik-Eclairage-et-realite-historique_a16937.html
Mariage et Vie sexuelle chez les Bédik: Éclairage et réalité historique
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