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Il a lancé l’idée du Projet de réécriture de l’Histoire générale du Sénégal. Président du Comité de pilotage, le Pr. Iba Der Thiam, dans cet entretien, revient, après le séminaire des 29 et 30 mars derniers, sur les enjeux d’un tel projet qui a pour but de permettre aux Sénégalais de mieux connaître leur histoire, très riche d’ailleurs, afin de se décomplexer et mieux affronter le futur.
Où en êtes-vous, M. le président du Comité de pilotage du projet de réécriture de l’histoire générale du Sénégal, au sortir de votre séminaire des 29 et 30 mars derniers ?
A l’heure actuelle, le nombre de personnes s’intéressant au projet a dépassé le chiffre de 450. Nous allons les répartir dans les structures suivantes : un comité de patronage ayant à sa tête le président de la République, un comité scientifique dans lequel seront représentées toutes les disciplines, toutes les cultures, toutes les langues, toutes les religions, sans aucune exception. Les experts pourront, s’ils le veulent, se regrouper en section histoire, sciences, économie, institutions, langues, lettres, arts, culture, etc., pour une prise en charge systématique de leurs préoccupations. Son rôle sera déterminant dans le choix des contenus.
Un collège des grands témoins dans lequel figureront des personnalités d’expérience, qui ont été soit témoins, soit actrices dans la durée, ou bien des observateurs privilégiés, mais aussi des éléments de la classe politique, syndicale, citoyenne des deux sexes et de tous les âges, ayant été impliqués dans les évènements. Je pense aux anciens responsables d’institutions, aux anciens ministres, aux anciens députés, aux anciens présidents de Conseils régionaux, aux anciens ambassadeurs, aux anciens présidents du Conseil économique et social, aux anciens directeurs nationaux ayant participé à l’élaboration des politiques publiques, aux anciens gouverneurs et préfets, aux anciens maires et présidents de communauté rurale, aux journalistes, aux chefs religieux, aux anciens leaders politiques, syndicaux, s’ils désirent nous faire partager leur expérience, s’ils détiennent des informations utiles à notre projet, qui ne constituent pas des secrets d’Etat.
Je pense aussi aux mouvements de jeunesses et de femmes, aux opérateurs économiques, aux acteurs les plus divers de la société civile, etc. Le savoir dans notre pays est une réalité éclatée et multiforme. Notre projet doit permettre de l’organiser, le rationnaliser et le formaliser, avant qu’il ne se perde. Nous devons y procéder, sans jamais remettre en cause son indispensable pluralité et la richesse de sa diversité. Nous sommes ouverts à tous. Nous n’excluons personne. Je tiens encore à le répéter. Tous ceux qui sont intéressés peuvent s’adresser au directeur, co-directeurs ou aux responsables de volume, ou bien leur adresser une communication écrite qui sera examinée par les experts.
Notre but est de produire une Histoire globale, qui ne sera ni élitiste ni populaire au sens péjoratif du terme, mais une Histoire scientifique, fondée sur la vérité, l’équilibre, la responsabilité et inspirée par la volonté de donner à notre pays un outil lui permettant de consolider son unité, sa stabilité, son esprit de tolérance et d’hospitalité, son attachement à la démocratie, à la justice, à la paix, à la solidarité, au respect mutuel, à la considération partagée. Un outil respectueux des valeurs positives fondatrices de notre humanisme, un outil qui inspire le goût du travail bien fait, l’esprit d’innovation et de créativité, la volonté permanente de dépassement, la passion du savoir, de la science, de l’effort continu, le courage et la volonté d’entreprendre, l’éthique dans la gestion, le sens du bien commun, la transparence et la bonne gouvernance, la vertu, l’obligation de rendre compte, le refus de l’impunité, le respect dû à l’autorité, à l’âge, à la famille, à la femme, à l’enfant et à l’étranger. Tout cela est admirablement incarné dans notre Histoire par des exemples patents, que notre peuple ne doit plus ignorer à l’heure de sa marche résolue vers l’émergence.
Nous auront aussi un conseil scientifique réduit qui aura pour mission de valider les contenus ; des directeurs de volume au nombre de deux au moins par volume ; des équipes scientifiques par volume formées évidemment de contributeurs nationaux et étrangers. Je vous apprends qu’entre 1965 et 2004, ce sont, en gros, quelque 463 mémoires et thèses qui ont été recensés, rien qu’au département d’Histoire, sur lesquels 232 concernent la seule période contemporaine. Ils sont tous été numérisés. Cette évaluation ne prend pas en compte tous les travaux et documents existants, ainsi que ceux des bibliothèques privées familiales ou partisanes, encore moins les sources étrangères qui sont diverses et importantes. Nous avons donc une masse critique d’informations rien qu’en Histoire. N’est-ce pas merveilleux ? Nous allons, enfin, lancer un périodique d’informations, genre Newsletter, spécialisé et ciblant le public le plus large. Il sera en français, arabe, wolofal et en anglais, si nous en avons les moyens, pour une mise à niveau permanente de toutes les couches de la nation, qui doit être la première force motrice de notre grand projet.
Pour ce qui concerne les contenus, y aura-t-il rupture avec le passé ?
Bien sûr que oui ! Seront évidemment pris en compte les apports des intellectuels francisants, mais aussi arabisants d’une part, et, d’autre part, ceux ayant produit en langue nationale sous forme de wolofal ou d’écrits en pulaar, en mandinka ou autres, des œuvres significatives. Enfin, ceux que nous ont laissés les détenteurs des savoirs traditionnels et que notre élite, la classe politique, les parents, la jeunesse, ignorent le plus souvent. Je pense aux écrivains nationaux des écoles de Pire, du Fouta Djalon, du Boundou, du Gadiaga, etc. Je pense à Mouhamadou Aliou Thiam, Yoro Diaw, Rawane Boye, Khaly Madiakhaté Kala, Serigne Mbaye Diakhaté, Serigne Hady Touré, Serigne Moussa Kâ - qui nous a laissé, par exemple, un témoignage passionnant sur la dépression économique des années 30 - Je pense à Serigne Mor Diarra, à Cheikh Moussa Camara, mais aussi à Amadou Duguay Clédor Ndiaye, à Mapathé Diagne et surtout aux écrits des guides religieux tidjianes, mourides, layènes, khadres..., dont certains nous ont laissé des traités d’histoire, des taxonomies végétales et animales, des témoignages diplomatiques, des récits économiques, des chroniques politiques, des ouvrages de morale, de philosophie, de pédagogie, d’hygiène, de santé, de médecine, de chimie, des manuels de grammaire, de linguistique, de mathématique, d’astronomie, d’architecture, d’ingénierie agricole, qui sont, pour la plupart, inconnus ou non encore utilisés à ce jour. Tout ce patrimoine historique matériel ou immatériel sera inventorié et pris en compte, sans parler des apports de la tradition orale, des contes, des légendes, des proverbes, de la musique, de la chanson, de la danse, des jeux, etc. Notre Histoire générale les fera connaître ainsi que les valeurs fondatrices de notre humanisme, la notion sénégalaise de l’unité dans la diversité, forces et faiblesses, la parenté à plaisanterie et le modèle sénégalais de coexistence pacifique dans la paix et la tolérance réciproque, le dialogue islamo-chrétien.
Avez-vous déjà pris une décision définitive sur le nombre de volumes que cette « Histoire générale du Sénégal des origines à nos jours » va compter ?
Le nombre de volumes définitif n’a pas encore été retenu. On y procédera au terme des trois séminaires résidentiels que les trois commissions mises en place, après avoir découpé l’Histoire du pays en Période haute ou ancienne, en Période intermédiaire ou classique et en Période contemporaine, vont tenir les 24, 26 et 27 avril, 3 et 4 mai 2014 prochains. La date du 19, initialement retenue, a été décalée en raison du conseil des ministres décentralisé à Kédougou. Ce qui, dès à présent, est acquis à l’unanimité, c’est que nous aurons deux volumes autonomes. L’un sera consacré aux sources, sous la direction du Pr. Saliou Mbaye, ancien de la prestigieuse Ecole de Chartres. C’est un acte sans précédent d’une valeur scientifique inestimable. Un tel travail n’a jamais été sérieusement effectué et sera un outil irremplaçable pour tous les chercheurs présents et futurs de notre pays. L’autre volume sera consacré aux Sciences et à la Technologie, sous la direction des Pr. Ahmadou Wagué, académicien, directeur du Centre d’énergie nucléaire, et Sakhir Thiam, recteur de l’Université Dakar-Bourguiba, et du Dr Cheikh Mbacké Diop, fils de l’inégalable savant Cheikh Anta Diop. Ce tome démontrera à notre pays, à sa jeunesse et à ses générations futures que ni le Sénégal, ni la Sénégambie, ni l’Afrique n’ont jamais été des déserts scientifiques, mais des terres de création et d’innovation scientifique et technologique.
Combien de Sénégalais savent, par exemple, que le Pr. Sakhir Thiam a inventé une quarantaine de théorèmes mathématiques, dont certains ont été publiés par des revues scientifiques et d’autres enseignés actuellement aux Usa dans des universités noires, ainsi qu’en Pologne ? Nous avons, dans notre pays, un génie dans son domaine, que peu de gens connaissent, un génie qui transforme en or tout ce qu’il touche, comme l’avait été Cheikh Anta Diop de son vivant. Cela va décomplexer définitivement les Sénégalais, mais aussi leurs voisins et frères du continent. Juché sur ces acquis, notre peuple pourra enfin déterminer les coordonnées de notre philosophie au cours du XXIe siècle qui commence.
Une fois le travail terminé, nous allons assurément rédiger, en plus, une version abrégée destinée au large public, qui sera traduite dans les langues nationales, mise en ligne et placée dans toutes les écoles, centres de formation, collectivités locales, institutions nationales et administrations du pays, sans oublier les ambassades et les communautés de Sénégalais à l’étranger. Une fois ce travail terminé, nous nous occuperons du dictionnaire et de l’encyclopédie sur le Sénégal, si Dieu le veut.
Propos recueillis par Cheikh THIAM source: http://www.lesoleil.sn/index.php?option=com_content&view=article&id=38728:pr-iba-der-thiam-president-du-comite-de-pilotage-du-projet-de-reecriture-de-lhistoire-generale-du-senegal-l-notre-but-est-de-produire-une-histoire-globale-qui-ne-sera-ni-elitiste-ni-populaire-r&catid=140:actualites