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Gaspillage lors des cérémonies les femmes indexées se défaussent sur la tradition

CULTURE
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violence sociale   Le changement de mentalité des Sénégalais. C’est la requête du Président Macky Sall qui déplore ainsi le gaspillage lors des cérémonies. Toutefois les personnes rencontrées rejettent la responsabilité sur la gent féminine, qui à son tour indexe des coutumes dont elle ne peut plus se départir. Reportage  

Grand Dakar, un des quartiers populeux de la capitale sénégalaise, livre en ce lundi 20 octobre, son décor habituel. La chaleur aidant, les rues semblent  être la place de salut où jeunes, femmes, enfants et vieux se retrouvent à la quête d’un temps beaucoup plus clément. Si ce n’est des enfants, la démarche innocente, qui reviennent de l’école, arborant fièrement sacs et bouteilles d’eau, ce sont des femmes plongées dans des corvées ou d’autres assises tranquillement sous l’ombre des arbres, qui attirent l’attention. 

 

Les dépenses, dans les cérémonies c’est une réalité dans ce quartier : «il y a trop de baptêmes, de mariages et de cérémonies religieuses, et le pire c’est les hommes qui en souffrent le plus», clame Ass, rencontré prés d’une boîte de nuit. Poursuivant son réquisitoire contre les femmes, il fait remarquer : «pour les cérémonies, désormais je dépenserai en fonction de mes moyens. Je ne vais pas m’endetter pour faire plaisir à mon épouse». Mieux, estime-t-il, « Aucune religion ne recommande le gaspillage, donc même ma mère ne m’obligerait pas à faire pareil ». 
 
Embouchant la même trompette, M. T renchérit, «le Président a dit tout haut ce que tout le monde pense. Il  y a trop de désordre dans ce pays, des fêtes à en plus finir alors que les temps sont durs, Même les gens riches ne doivent plus se permettre de faire certaines choses», tonne t-il.  Le pire dans tout ça, juge t-il, ce sont les femmes qui créent toutes les dépenses, surtout celles aux revenus modestes. 
Les dépenses excessives, Astou les désapprouve, «la semaine passée, une de mes voisines, lors de son baptême, a distribué plus de 2 millions de F Cfa, sans compter les tissus », raconte   -t-elle.
 
 La folie dépensière dans les cérémonies est une question dans la société sénégalaise qui mérite plus d’attention, de l’avis de mère Yama : « Ce que nous dépensons, nous l’avons gagné à la sueur de notre front et dans ce cas, il nous revient de choisir comment le dépenser. Quant on a un baptême ou un mariage, si on fait des choses sobres, tout le monde en parle le lendemain. C’est la société qui l’impose maintenant», affirme-t-elle, tout en sueur, devant un fourneau aux charbons incandescents. Non loin de là, il y a l’avenue Bourguiba très animée du reste. Les incessants va-et-vient des voitures, mêlés aux coups de klaxons, font ressentir l’effet de la chaleur déjà intenable. En ces lieux également, le sujet ne laisse pas indifférent : « Au lendemain du baptême de mon premier enfant, j’étais fauché comme un rat d’église, alors que j’avais fait beaucoup d’économies, et depuis lors c’est comme si je ne travaille pas, j’ai des problèmes pour joindre les deux bouts », raconte Ibrahima interrompu dans sa discussion par un bus en partance pour le centre ville.
 
Les pratiques sociales font perdre aux femmes la plupart de leurs économies : «ce que j’ai dépensé pendant ces 4 dernières années avec les baptêmes de mes deux filles, je pouvais acheter un terrain avec », laisse entendre Adja. Un choix qui ne l’arrange guère : «je ne pouvais pas faire autrement, le cas contraire elles seraient la rusée de leurs belles-familles ». 
 
ABBE EUGENE DIOUF, VICAIRE À LA CATHÉDRALE DE DAKAR -  «POUR PLUS DE RESPONSABILITE ET DE MODERATION...»
 
L’abbé Eugène Diouf, Vicaire à la cathédrale de Dakar, a déclaré que l’Eglise catholique n’encourage pas le gaspillage. Elle en appelle à plus de responsabilité dans la gestion de toutes les richesses confiées à l’homme par Dieu. Par la même occasion, le Vicaire a aussi rappelé que l’Eglise n’interdit pas la fête, mais elle invite tout simplement les hommes à faire un usage modéré de leurs biens.
 
Le vicaire Eugène Diouf de la cathédrale de Dakar s’est réjoui de la réaction du président Macky Sall sur la question du gaspillage dans les fêtes et les cérémonies. Il estime que la question est d’une importance capitale et engage la responsabilité de tous. « Une réflexion sur la question du gaspillage, à mon avis, au sens de l’Eglise, c’est faire appel à la responsabilité. Et pour parler de responsabilité, il faut remonter au livre de la Genèse qui est le livre des origines. Car Dieu, après avoir créé l’homme et la femme à son image, leur a donné le pouvoir de dominer, dans le sens de «dominare», c’est-à-dire d’être maîtres de l’univers. Il prend ainsi tous ses biens qu’il met sous la responsabilité de l’homme», a-t-il laissé entendre. 
 
Selon lui, «cela suppose que tout ce que l’homme a reçu ne lui appartient pas comme tel». Le vicaire estime dès lors que «l’homme a reçu le pouvoir de bien gérer ce qu’il a reçu, de bien le conduire de manière à ce que cela corresponde d’avantage à la volonté de Dieu».  Et de préciser : «Quand Dieu confie toutes les richesses de la terre à l’homme, c’est pour qu’il puisse en faire un usage responsable, sage et solidaire. De ce point de vue-là, le gaspillage n’est pas une chose permise. C’est donc une chose qui doit être combattue». Toutefois, Abbé Eugène Diouf regrette qu’il y ait autant de gaspillages dans notre pays. 
 
Il a d’ailleurs rappelé que l’Eglise a toujours essayé d’attirer l’attention des fidèles sur la question. « Des lettres pastorales ont été écrites dans ce sens. Et dans les prêches, les questions reviennent souvent. Et pour exemple les fêtes de communion coûtent souvent assez chères, il faut le dire. Il y a le mariage où les gens dépensent des fortunes et se retrouvent dans des difficultés le lendemain. C’est quand même une occasion de tirer la sonnette d’alarme et d’amener les gens à plus de raison », a plaidé l’abbé tout en rappelant que l’Eglise n’interdit pas la fête, mais qu’elle recommande la modération en toute chose.
 
«Il y a des choses prioritaires, donc l’usage des biens doit être orienté vers ces choses-là. Le chef de l’Etat attire notre attention sur le fait que le gaspillage doit être combattu parce qu’il n’est pas normal que pendant que la terre produise suffisamment pour tout le monde, pendant que les richesses du monde sont suffisamment abondantes pour tous, qu’il y ait une minorité qui en gaspille, alors qu’il y a une majorité qui manque du stricte nécessaire », rappelle-t-il. 
 
«Jésus même dit dans l’Evangile que nul ne peut servir deux maîtres, c’est-à-dire Dieu et l’argent. Dans les Saintes Ecritures, ils sont nombreux les passages qui mettent en garde contre la richesse en général et l’argent en particulier. Nous devons profiter modérément des richesses que nous détenons mais nous devons aussi les utiliser pour le bonheur des autres. C’est ce que véhicule le Consul Vatican 2 qui est un document de référence dans l’Eglise », a souligné Abbé Eugène Diouf.
 
OUSTAZ TAÏB SOCE, PRECHEUR À LA RFM - «L’ISLAM N’ENCOURAGE PAS LES NOMBREUSES FETES»
 
L’Islamologue Taïb Socé, n’a pas mis des gants pour fustiger cette propension pour notre pays à faire la fête. Il estime que «l’Islam n’encourage pas les nombreuses fêtes, tout ce qu’il encourage c’est plutôt le travail». Selon lui, «l’Islam est une religion qui prend bien en compte l’économie, car elle participe à la bonne marche d’un pays. Mais, il est bien évident que les nombreuses fêtes ne favorisent pas l’essor économique d’un pays».
 
Pour lui, « si tout le monde est obligé d’observer les fêtes des catholiques et des musulmans en même temps, quand est-ce que le Sénégal va avancer ? » Pour toute réponse, il donne en exemple la télévision TV 5 qui avait consacré 24 h au Sénégal. « TV 5 a dit que le Sénégal perd tous les ans 1000 heures de travail alors qu’il y a seulement 365 jours dans l’année. Et toutes ces 1000 heures sont dévolues aux fêtes. L’Islam n’encourage guère cela. Tout ce que l’Islam encourage c’est le travail », dit-il. 
 
Ousstaz Taïb Socé a aussi cité les festivités organisées autour du retour des pèlerins de la Mecque. Il a toutefois tenu à rappeler que « si c’est dans le cadre de l’Islam, il n’y a que deux fêtes qui ont été autorisées par le prophète Mouhammad (PSSL) en son temps : la Korité (Eid El Fitr) et la Tabaski (Eid El Kebir). On devra travailler pour tout le reste. Pour les autres fêtes de l’Islam comme la « Tamxarit » (nouvel an musulman) et le « Gamou » (naissance du prophète Mouhammad), et les autres fêtes créées par les hommes, quand elles arrivent, personne ne travaille ». 
 
L’islamologue fait aussi remarquer qu’après la prière du vendredi, « les gens ne travaillent plus, ils décident de rentrer chez eux ». Mieux, « personne ne travaille à l’occasion des baptêmes, de mariages et de décès », fait-il remarquer avant de signaler que : « tout cela constitue des gaspillages dans le cadre des cérémonies familiales ».
L’islamologue s’est aussi réjoui du courage du président de la République qui a soulevé le débat sur cette question. « Ce que le président de la République a dit est très important. Mais cela doit se traduire en acte, il faut que des mesures soient appliquées dans ce sens. S’il y a une loi dans ce sens, elle n’est pas appliquée. Or, une loi est faite pour être appliquée sinon elle n’a pas de sens. Appliquer une loi c’est respecter la charte divine. Le Sénégal vote malheureusement des lois sans les appliquer. Ce qui pose problème. Or ce sont les lois qui développent un pays », a-t-il laissé entendre.
Pour terminer, Ouztaz Taïb Socé s’est posé la question la question : « quand est-ce qu’on va se développer ? ». Donnant en exemple les parents qui sont déjà acculés par la rentrée scolaire juste après la fête de la Tabaski, il a cité la Tamxarit et le Gamou qui se profilent à l’horizon. « Tout ceci n’est pas enseigné par l’Islam. Je ne veux pas que ceux qui ne savent pas pensent que c’est la religion qui l’a recommandé. L’Islam n’a pas recommandé cela. Ce sont nos propres coutumes », a-t-il conclu.
 
REGARD DU SOCIOLOGUE ALY KHOUDIA DIAW - «LES ADEPTES DU «M’AS-TU-VU» VEULENT DEMONTRER LEUR PUISSANCE FINANCIERE EN FAISANT TOUT POUR OCCUPER LES RAGOTS DE «GRAND-PLACE»
 
Interpellé sur la question du gaspillage lors des cérémonies au Sénégal, le sociologue Ali Khoudia Diaw pense que les adeptes du «m’as-tu-vu» se livrent à cette pratique pour démontrer leur puissance financière. Selon lui, ce phénomène peut être expliqué par le fait que la vie est devenue une éternelle compétition de position dont on ne cerne pas toujours les réelles motivations.
 
«Le contexte culturel sénégalais est devenu le lieu propice pour toutes sortes de gaspillage et un terreau fertile pour les adeptes du «m’as-tu-vu» qui veulent démontrer leur puissances financières ou révéler leur personnalité en faisant tout pour occuper les ragots de « grand place ». C’est du moins  l’avis du sociologue Aly Khoudia Diaw qui était interpellé hier, lundi 20 octobre, sur les gaspillages lors des cérémonies au Sénégal. Selon lui, la problématique du gaspillage lors des fêtes peut en partie s’expliquer par le fait que la vie est une éternelle compétition  de positions dont on ne cerne pas toujours les réelles motivations. 
 
«C’est ce que le wolof appelle le «poukaré» qui signifie gaspillage, signe ostentatoire de richesse et qui se traduit par le fait que pour toute cérémonie (tabaski, korité, fêtes du nouvel an, baptême, mariage,) les protagonistes transforment de simples fêtes en gigantisme, ameutant toute  la famille, les amis, le voisinage, conviant les griots à la fête, etc »,a souligné le sociologue.
 
 Poursuivant, il indique : «mais les uns et les autres savent que c’est un investissement dans le ménage qui se consolide du fait de l’appréciation positive que les parents, amis, familles et connaissances feront sur l’acteur». Toutefois, il relève que dans la pratique, une tendance à la dénaturation est de plus en plus notée car la pratique est source de convoitise, «de m’as-tu vu», et cela s’explique, selon lui, par le fait que le nouvel enjeu, c’est  le positionnement au sein de la communauté où désormais les apparences priment sur tout, et encouragées en cela par la volonté quasi maladive de tenter de conserver un rang ou un standing social   par des astuces et artifices multiples.
 
GASPILLAGE DANS LES CEREMONIES RELIGIEUSES - LA LOI N°67-04 DU 24 FEVRIER 1967 IMPUNEMENT VIOLEE
 
La loi n°67-04 du 24 février 1967 sur les gaspillages dans les cérémonies religieuses n’a pas atteint son objectif. Selon le juriste NFALY Kama de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar : « quand une loi est votée les députés et les parlementaires doivent s’assurer qu’elle va être appliquée ». 
 
Malheureusement, dit-il, ce n’est pas le cas avec cette loi. C’est pour cette raison qu’il suggère « sa suppression de l’ordonnancement juridique du Sénégal ». Par ailleurs, il faut noter que la loi n°67-04 du 24 février 1967 n’est pas la seule  à ne pas être appliquée au Sénégal. Il en est ainsi de la loi sur les tapages nocturnes. Même celle sur l’excision peine aussi à être appliquée dans toute sa rigueur.
 
 
source: http://www.sudonline.sn/les-femmes-indexees-se-defaussent-sur-la-tradition_a_21290.html