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Tout jeune, Séni Mbaye rêvait d’être militaire, mais il a fini par devenir artiste comme son frère aîné le peintre Kré Mbaye, décédé le 21 octobre 2014. Pensionnaire depuis 1998 du Village des arts où nous l’avons rencontré hier mardi 27 janvier 2015, il a horreur des casiers, toujours à saute-moutons entre les projets. Ses premières expositions datent des années 1970. S’il n’a pas fait de longues études, il ne s’est pas gêné pour dévorer tous les livres que lui prêtaient ses amis qui étudiaient encore alors que lui avait choisi d’autres sentiers. Bricoleur dans l’âme, il adore le jazz.
Le peintre Séni Mbaye est allé à l’école. Un parcours « normal » comme il dit, mais ce n’est pas là-bas qu’on lui a appris à jouer de son pinceau. Il griffonne déjà à l’époque, mais sans plus. Sans doute parce que le jeune garçon d’alors rêve d’une autre vie, car pour tout dire, il se verrait bien militaire. Il n’enfilera pourtant pas le treillis. Et lorsqu’il parle de son échec au brevet, on a comme l’impression que c’était voulu. Lorsqu’il dit aussi qu’il n’était pas très doué pour les études, on a du mal à le croire. Il dessine toujours un peu à ce moment-là, mais ce n’est pas très « sérieux ». Un jour, alors que son grand-frère (le peintre Kré Mbaye décédé l’an dernier) lui parle d’aller faire un tour aux Beaux-arts, Séni l’écoute à peine parce que comme il dit, l’art ça ne fait pas vivre.
Kré insiste, mais Séni est déjà loin. Il bricole un peu, s’amuse à toucher à tous les outils de leur père qui traînent à la maison, des burins, des truelles ou des râteaux. Il devient peintre, mais sans être artiste, et ses premiers clients sont des particuliers qui lui font assez confiance pour lui ouvrir les portes de chez eux : Séni Mbaye s’approprie les lieux et s’occupe alors de tout ce qui est décoration.
Mais voilà qu’entre-temps, hasard ou pas même si Séni n’y croit absolument pas, Kré Mbaye, qui travaille comme agent commercial pour une entreprise qui vend des voitures, perd son emploi à la suite d’un accident. Et c’est un peu comme cela que les deux frères se retrouvent à travailler ensemble : Kré peintre jusqu’au bout des doigts et Séni un peu plus bricoleur comme il dit. Mais peintre quand même…Car sans cela jamais il ne se serait devenu pensionnaire du Village des arts où l’artiste réside depuis 1998, autrement dit depuis le début. Son parcours y est sans doute pour beaucoup : on sélectionne les artistes qui se sont fait un nom et ses expos qui commencent dès les années 70-74 ont dû plaider en sa faveur.
«Tuer l’angoisse»
Quand on lui demande ce qui l’inspire, il fouille dans sa mémoire, apparemment un peu intrigué par le bruit d’une voiture qui démarre nerveusement dans la cour du Village. La vérité, c’est que tout « (l’) inspire : un bout de tissu, un bout de bois, parce qu’il faut dire qu’il est aussi sculpteur. Il dit d’ailleurs avec poésie que «certaines formes sont déjà sculptées par le temps, et qu’il suffit parfois de quelques retouches…»
Lorsqu’il parle de son métier d’artiste, on a comme l’impression que c’est plus un état d’esprit qu’autre chose. Surtout lorsqu’il dit que s’il a choisi cette voie, « c’est pour donner envie de vivre, c’est pour tuer l’angoisse ». Il dit aussi que cela ne suffit pas toujours d’être artiste et qu’il faut parfois savoir emprunter des voies parallèles, surtout quand les temps sont durs. Son œuvre avait été sélectionnée pour décorer le Centre international de conférences Abdou Diouf (CICAD), mais il attend toujours d’être rémunéré, comme d’autres artistes d’ailleurs.
Heureusement que lui n’a jamais refoulé son passé de bricoleur, loin de là. Certaines décorations de certains hôtels dakarois portent sa signature, et il trouve aussi le temps de confectionner des cartes de vœux. Aussi touche-à-tout que ses doigts, et aussi « labyrinthique » que son atelier. Mais il s’y retrouve.
Entre ses bouteilles de peinture, ses pinceaux et ses pots tachés de couleurs, ce couvre-chef qui n’attend qu’un…chef, ces œuvres suspendues aux murs et ces autres qui prennent racine, entre la télé et la radio…Quand Séni Mbaye dit qu’il écoute toutes sortes de registres, de la musique indienne à la voix de la diva Mahawa Kouyaté, on ne peut que le croire. Pendant qu’il nous raconte comment « tout a commencé », il y a du zouk en sourdine, et la musique plus affirmée de l’Orchestra Baobab (il monte le son), ne lui fait pas de l’ombre…Pas l’ombre d’une cacophonie. Il adore le jazz, et c’est un euphémisme : John Coltrane et Charlie Parker, pour ne citer que ceux-là, ont fini par faire partie de lui.
Quand on s’introduit dans l’atelier de Séni Mbaye, l’ordre est un «désordre», mais même quand lui-même le dit, on a comme l’impression que ce n’est qu’une question de convention de langage ou de perspective. On en ressort avec des bribes de lui-même portées par chacun de ses mots à lui, ou cachées derrière chacune de ses toiles…Y compris dans la discrète bienveillance des portraits de son épouse et de ses enfants.
Source:http://www.sudonline.sn/ce-pinceau-qui-s-improvisa_a_22842.html