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Si Abdoul Guissé alias No Face s’est retrouvé à la production sonore du Journal télévisé rappé, ce n’est certainement pas parce qu’il a appris le métier de façon classique ou conventionnelle. Son parcours est plein de chemins de traverse. L’école coranique et l’école française où il ne restera pas très longtemps finalement ; sa magique rencontre avec Internet en 2003, cet oncle qui l’envoie dans un lointain studio pour qu’il arrête de casser les pieds à tout le monde. Sa rencontre avec Xuman et cette aventure solitaire qu’il a décidé de mener, avec cet album prévu pour le mois de décembre et intitulé «Wolofbeat » comme le nom de ce genre musical qu’il a décidé d’introduire.
Derrière la production sonore du Journal télévisé rappé, se cache un jeune homme qui serait presque sans visage. Le pseudonyme de cet « anonyme » parle d’ailleurs de lui-même puisqu’il se fait tout simplement appeler No Face on the cover, comme s’il n’y avait personne sur la couverture de la pochette du disque ou de l’album. Mais ce n’est pas comme s’il se cachait. Quand on l’entend décliner son identité, sur un nom aussi kilométrique qu’Abdoul Khafour Mbacké Guissé, on sent bien qu’il tient à chacun des morceaux de ce prénom qui lui rappelle sans doute d’où il vient. D’une famille plutôt conservatrice où il explique qu’il ne pourrait pas se permettre de se comporter n’importe comment, «mais ce n’est pas de la peur». Et c’est cette sorte d’invisibilité à laquelle il se raccroche, cette carapace transparente, qui sert à la fois d’armure protectrice et de filtre entre ses deux univers parallèles.
Derrière cette discrétion plus ou moins instrumentalisée, il y a des enjeux «commerciaux» que le jeune homme assume parfaitement, avec une lucidité déconcertante. Puisqu’il dit que lorsqu’on s’affiche de manière ostentatoire, on n’inspire pas la moindre curiosité ; on n’intrigue pas. Et au-delà de No Face, pour faire court, il y a tout un monde. Le compositeur de son est à la fois artiste, arrangeur et directeur artistique.
Quand il parle de son parcours, Abdoul Guissé n’a pas peur de se présenter comme un autodidacte plutôt chanceux. Son histoire se résume à l’école coranique où il s’est aussi retrouvé à devoir mendier comme ses autres petits camarades. L’école française comme on dit, il avoue n’être pas resté suffisamment longtemps pour en parler. La seule constante dans sa vie, c’est peut-être cette sorte de fascination qu’il a toujours eue pour la musique : «Je me suis toujours demandé comment on parvenait à fabriquer un son musical, une mélodie, et comment surtout on parvenait techniquement à en faire quelque chose d’audible et d’agréable», raconte-t-il.
Essais et erreurs
En 2003 par exemple, il y a donc une dizaine d’années, Abdoul Guissé n’avait «pas la moindre notion d’informatique», mais la curiosité vous ouvre parfois des portes closes. No Face se souvient qu’il s’est surtout contenté de poser tout un tas de questions. On lui parlait d’Internet, mais il ne savait pas très bien à quoi tout cela pouvait bien correspondre. Sa démarche sera expérimentale, entre des tentatives audacieuses pour ne pas dire téméraires, et des échecs parfois cuisants. «Je me rendais souvent dans les cybercafés, sans trop savoir ce que je faisais. Je me contentais de manipuler, et surtout de faire un peu n’importe quoi. Personne ne m’a jamais dit où je devais mettre le doigt. La vérité, c’est que je tâtonnais beaucoup. J’ai ensuite acheté un ordinateur, que je me suis arrangé pour abîmer, même si je me suis aussitôt débrouillé pour trouver de quoi en acheter un autre.»
Quand on parle d’aventure humaine, l’histoire sent souvent la Providence ou le destin. Un jour, des amis rappeurs à lui, proposent à Abdoul Guissé de concevoir le son de leur musique ; et lui qui n’y connaît rien prend le soin d’interroger la «machine». On lui parle d’un logiciel de production sonore qu’il apprend à manipuler. Sur la toile et sur certains forums spécialisés, il n’a pas honte de poser toutes les questions qui lui passent par la tête, «même dans un français boiteux». Le premier studio où il met les pieds, c’est celui du rappeur Gaston. Et voilà que petit à petit il fabrique son premier «morceau de musique instrumental», mais sans se prendre au sérieux ; peut-être qu’il aurait dû. Parce que c’est cette même mélodie qu’il sera surpris d’entendre «sur un morceau du groupe Keur Gui». No Face ne s’en formalisera pas, plutôt flatté que des artistes confirmés puissent se réapproprier ce que lui-même ne faisait qu’en dilettante.
Le lointain studio
Direction cette fois un studio «rufisquois», propriété d’un expatrié où l’introduit son oncle, et pas seulement par altruisme. «La vérité, dit Abdoul Guissé, c’est qu’il voulait surtout que j’arrête d’embêter tout le monde à la maison et de monter le son de la radio». Quand on lui demande ce qu’il a appris là-bas, il répond qu’il s’est surtout entraîné à ne «compter ni les heures, ni le temps qui passe». Il n’y restera pas très longtemps, une année tout au plus, parce qu’entre-temps un ami à lui, encore un, rachète le studio qui se déplace à Grand-Yoff. C’est à cet endroit, entre les nombreuses allées et venues, qu’il fera la connaissance d’un certain Xuman qui l’introduit dans son milieu à lui, lui ouvrant des portes insoupçonnées.
L’artiste raconte aussi que la première fois que Xuman lui a parlé du JT rappé, il a surtout pensé que c’était un défi comme il les aime. Au début, il leur arrivait de devoir travailler pendant deux jours pour produire ne serait-ce qu’un seul numéro. Aujourd’hui, il leur suffit parfois d’une heure. Si les choses marchent aussi bien, c’est peut-être parce qu’on se parle beaucoup là-bas. Xuman et Keyti viennent avec une idée précise de ce qu’ils donneront comme contenu à leur journal, et c’est à leur ami No Face de « s’y coller ». Parfois, c’est l’inverse : il propose un son et eux écrivent par-dessus.
Aujourd’hui, l’artiste rêve d’une aventure plus solitaire, juxtaposée à ses autres activités. Son premier album est prévu pour le mois de décembre prochain. Un opus d’une quinzaine de titres à moitié prêt, et qui s’intitulera « Wolofbeat », un genre musical qu’il tente d’introduire. En reprenant « cette ossature qu’il y a dans tous les morceaux mbalax, et en recréant un autre rythme par-dessus, qui se mêlera à des sonorités un peu plus modernes », entre l’électronique, la techno et le reggae. Histoire de trouver l’équilibre entre l’authenticité et la modernité.
Ce qu’il attend de cet album et de cette musique qui le porte, c’est qu’ils puissent fédérer des publics différents, et que les frontières ne soient pas aussi tranchées d’un style musical à un autre. Que l’on soit plutôt rap ou plutôt mbalax, plutôt salsa ou plutôt techno.
source: http://www.sudonline.sn/un-autodidacte-decomplexe_a_24055.html