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En marge de la célébration du 20ème anniversaire du rappel à Dieu de Birago Diop (conteur-poète) décédé en 1989 ; et pour lequel le Conseil pour le développement intégré du village de Ouakam (Codiv) a organisé le 2ème mémorial, nous avons interpellé le professeur Oumar Sankharé. Ce professeur de lettres à l'Université Cheikh Anta Diop, par ailleurs inspecteur général de l'Education nationale, nous livre ici son sentiment sur l'œuvre du conteur-poète et développe toute une réflexion sur le niveau actuel de nos élèves.
Dites nous professeur, quelle lecture faites-vous de l'initiative du Codiv, tendant à rappeler à la jeune génération la vie et l'œuvre de Birago Diop ?
Je pense que le Codiv qui a organisé cette manifestation a bien fait de dire aux jeunes qui était Birago Diop. C'était tout le sens de cette conférence d'aujourd'hui. Birago Diop a laissé une œuvre monumentale. C'est un homme qui s'est distingué aussi bien dans le conte que dans la poésie. C'est pourquoi nous sommes venus pour le célébrer. Birago Diop, conteur, a voulu non seulement divertir ses lecteurs, mais encore leur donner des enseignements. Et surtout, montrer que l'Afrique a une civilisation, qu'elle a une culture ; contrairement aux occidentaux qui pensaient que l'Afrique était une Taboula Rasa, une terre sans culture, sans histoire. La poésie de Birago Diop est influencée par la poésie française, la poésie classique. C'est un poète qui continue à écrire en alexandrins et en décasyllabes, contrairement aux autres poètes africains comme Senghor, David Diop, qui écrivent avec le ver libéré. Mais, même dans cette poésie, il y a toujours l'âme nègre. Et d'ailleurs, Jean Paul Sartre ne s'y est pas trompé : c'est lui qui, en préfaçant l'Anthologie de la poésie Nègre et Malgache, a montré sa préférence pour la poésie de Birago Diop, qui est «la meilleure et la plus importante de toute la poésie africaine».
A votre avis, professeur, est-ce qu'on a des chances d'avoir d'autres Birago Diop au Sénégal ?
Absolument ! Je pense que si l'on cultive chez nos enfants le goût de la poésie, le goût de la lecture, nous pouvons encore avoir des Birago.
C'est là où il a peut-être problème ; car il y a, chez les jeunes, une forte propension à surfer sur Internet plutôt qu'à s'adonner à la lecture. Or, en matière de littérature, il n'y a que la documentation qui compte. Et par la lecture.
Oui, effectivement, il y a une concurrence entre les livres et l'audiovisuel. Mais, je pense que même si l'on utilise intelligemment l'audiovisuel, on peut acquérir des connaissances. Je pense que c'est le devoir des enseignants et des parents d'orienter leurs enfants pour leur faire acquérir le savoir. Car, comme vous l'avez dit, sans le savoir, sans la documentation, on ne peut pas écrire. Ecrire montre bien sa culture littéraire. Tout poète, tout écrivain, n'écrit pas à partir de rien. Il écrit à travers sa culture, à travers ses lectures.
On le dit souvent, il y a une baisse de niveau constatée chez nos élèves. A quoi est-ce dû, à votre avis ?
Cette baisse de niveau a plusieurs causes : la première, c'est la massification de nos effectifs. Dans nos collèges, dans nos lycées, nous avons trop d'élèves par classe. Il y a également un défaut de formation des maîtres ; puisque depuis quelques années, dans nos établissements scolaires, on recrute des volontaires, des vacataires qui, souvent, n'ont aucune compétence pour l'enseignement. Je pense qu'il faut retourner aux méthodes qui formaient jusqu'à présent l'élite de l'école sénégalaise. Il faut former les maîtres et, en même temps, il faut que les élèves sachent que les études sont la voie primordiale pour le développement. Il faut que les parents et les enseignants s'y mettent, pour rendre à l'école sénégalaise ses lettres de noblesse.
Là, vous me confortez dans ce que j'appelle la baisse de niveau des élèves ; que vous expliquez, entre autres, par la baisse du niveau des enseignants ?
Oui ! la baisse du niveau est réelle. Cela, on ne peut plus le cacher, car les élèves d'aujourd'hui n'ont plus les mêmes compétences que ceux d'antan. Cela, comme je l'ai dit, est dû à plusieurs facteurs : des facteurs d'ordre politique, social et même environnemental. Cette baisse de niveau peut avoir pour cause non seulement les enseignants, mais aussi - il faut l'avouer - vos confrères journalistes qui, dans certains organes de presse, écrivent sans tenir compte des règles de la grammaire, des articles que les enfants lisent chaque jour. Il y a aussi le défaut de formation de leurs maîtres. Certains maîtres sont arrivés à l'enseignement sans aucune vocation. N'ayant tout simplement pas le choix, ils viennent dans l'enseignement, y exercent sans conviction ; et si une occasion un peu plus lucrative se présente à eux dans un autre secteur, ils partent sans hésiter.
Ce qui n'était pas le cas il y a quelques années. Tous ces facteurs font donc qu'aujourd'hui, le niveau est en train de baisser. Je pense qu'il y a urgence à y remédier. Je vous livre une petite anecdote, que j'ai vécue en tant qu'inspecteur général de l'Education nationale. Une fois, on a voulu faire un test de niveau. Nous avons considéré que 30 ans constituait une génération et nous avons proposé, au Bfem, une dictée qui avait été donnée à l'entrée en sixième, il y a 30 ans. Le résultat a été catastrophique et l'on s'est rendu compte que le niveau des élèves du CM2, il y a 30 ans, était bien meilleur que celui de nos actuels élèves de 3ème. Cet exemple est illustratif à plus d'un titre. Le niveau des enseignants baissant, le niveau des élèves baisse forcement.
OUMAR SANKHARÉ, PROFESSEUR DE LETTRES A L'UCAD : « Nous pouvons avoir encore des Birago… »
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