Un début d’après midi du mois de mars. Il est 13 heures et un soleil au zénith chauffe les roues de la petite voiture qui mène vers la station balnéaires en direction de Nianing. Sur les petites routes de la Petite côte en allant vers Joal, la voie est libre. Peu de voitures. La chaussée est brûlante ; et à part le cri des oiseaux de la petite forêt sèche des environs, on sent que la fin de l’hiver commence à pousser, ces espèces migrateurs, vers le retour au bercail, dans le climat boréal du nord. L’ambiance est calme. Mbour, Warang, Nianing, Direction Joal et Mbodiène, le silence qui règne, le calme qui règne n’annonce en rien que nous sommes bien dans un domaine du tourisme de vacances. Il n’y a personne. Pas les habituels randonneurs en vélo. Ni de bus transportant des touristes en vacances pour les marchés de la ville de Mbour.
C’est le grand vide. Une ambiance morose dans ces zones naguère occupées toute l’année à offrir aux gens du voyage, des aires de repos, avec une belle animation, le soir autour des barbecue, des bars et restaurants. Il n’y a presque plus de touristes ici. Harcelés par les badauds et très mal informés sur la destination Sénégal, «le touriste » a fui la Petite côte, depuis la station de Saly jusqu’aux abords de la lagune à Joal où le Laguna beach est nul doute le seul établissement qui ose défier l’enfer de la crise.
Fermeture d’hôtels, faillites en perspectives…La fin d’un monde. George Caze, l’auteur des « Nouvelles colonies de vacances » ne s’en remettrait pas en visitant les stations de vacances sénégalaises en ce moment. Pendant que le tourisme d’affaires cherche une nouvelle voie, le balnéaire ne cesse de prendre l’eau. Novotel et Royam à Saly ; fermés au cours des années 1990. Savana Coumba et Saly au début des années 2000. Depuis une décennie, le Club Aldiana, hôtel-phare de la Petite côte des années 1970. Et, plus récemment l’Espadon Club de Saly a suivi en attendant d’autres ...
La fin des vacances et d’une certaine idée du rêve. Voila comme qui dirait et finalement, on ne sait même pas à quand finira ce massacre qui a débuté bien avant qu’on ne l’ait pensé et aujourd’hui, c’est comme une boule de feu qui tourne sur les hôtels de Dakar, de Mbour et de la Casamance. La raison, expliquent certains hôteliers au bord de la crise de nerfs, à Ebola. Le seul malade déclaré l’année dernière, a enfoui les espoirs de toute une profession. Les professionnels n’ont pas d’autres mots à la bouche. Et, c’est dans ce sens également qu’ils tirent sur la presse occidentale et les chancelleries dans leur zèle à voir le mal partout sur le continent. Et arrive finalement, ce qui devait arriver. Le vide dans les stations et la désolation pour les promoteurs. Dans ces « palais» exotiques du côté de la Petite côte, la tristesse est perceptible. Et, à l’intérieur de ces lieux, l’on ne se retrouvait plus qu’avec un personnel plus nombreux que les touristes. La suite est logique : la fermeture.
Une véritable catastrophe se prépare aujourd’hui autour des gros villages et des villes d’accueil de ces hôtels. Surtout pour tous ces agriculteurs, éleveurs et maraichers qui travaillaient chaque jour dans l’espoir d’écouler le produit de leur labeur dans ces grands marchés qu’étaient les hôtels. Mais tout cela n’était-ce pas prévisible ? Bientôt une décennie que le Club Aldiana a fermé ses portes. Un hôtel quatre étoiles, cela ne s’ouvre pas tous les jours. Loin de Dakar, c’était la Petite Côte, a été le « paradis » du tourisme balnéaire. Foyer du tourisme international, base de la clientèle allemande et française, avec plus d’une vingtaine d’établissements dans les années 1970-1990, la station de Saly et la zone de Nianing-Joal, traversent la crise la plus violente qu’il a été donné d’observer dans le secteur.
On a accusé un moment la formule des hôtels résidence ; mais encore, ces petits détails qui vous privent de tout : agressions, vols et petits larcins. Aujourd’hui, c’est plus que çà. Le mythe fabriqué d’Ebola, pour certains pays, est aussi passé par là. S’y ajoute, toute cette histoire sur la réciprocité des visas à l’arrivée à l’aéroport de Dakar. On y a cru un moment. Depuis peu, çà sonne comme la fin d’un monde. A Saly et Nianing, le rêve semble s’être envolé. Sur ces sites où l’on trouve encore les seules plages laissées intactes, des établissements historiques tombent un à un depuis une quinzaine d’années. Les uns après les autres, sans que l’Etat n’ausculte aucune mesure susceptible de permettre la relance d’un secteur menacé.
Le tourisme se meurt ; la faute à toutes ces questions évoquées plus haut. Mais, l’avenir alors, comment il se dessine alors ?
Avec des points d’interrogation au moment des hôtels-phare des années 1970 jusqu’au milieu de la décennie 2000-2010, ferment leurs portes. Hôtels-résidence, site balnéaire, réserve de faune et enclave forestière, le Domaine de Nianing, un modèle du village typique de vacances, est resté un mythe dans l’univers du tourisme sénégalais. Depuis peu, les portes sont closes.
Aujourd’hui, devant ce beau joyau, une brave dame résiste dans la souffrance. Armande Anastassopoulos, c’est son nom, a baissé les bras, après plusieurs années d’alerte et de résistance. Aujourd’hui, c’est en femme presque vaincue, qu’elle reconnaît que le rêve a cédé la place à la résignation. Et, la pire des décisions à prendre quand on a plus le choix, c’est la fermeture, reconnaît-elle. Avec ces nombreuses familles désormais installées dans l’incertitude, le risque de tout perdre et de plonger dans une forme de dépression aigue se précise dans toute la zone.
L’Etat n’a rien vu venir
Si gouverner, c’est prévoir, l’Etat qui gère l’économie de la nation, a aussi le devoir de venir souvent en aide aux sociétés en difficultés au lieu de brandir pour chacun de ses ministres, le nombre de milliards mis en réserve dans les banques au prix d’un simple mouvement de la main. Ces énormes sommes d’argent gagnées au prix d’aucun effort et non investies dans l’économie, représentent aujourd’hui, la plus grosse perte qu’un pays comme le Sénégal ne saurait rattraper. Sous les deux mandats de Wade, l’on a vu ce gaspillage prend forme au grand bonheur de ceux qui se remplissaient les poches. Sous celui du président Sall, l’approche n’a pas changé.
Si ceux qui font l’économie ne sont jamais aidés, si ceux qui font vivre et entretiennent nombre de familles en offrant à leurs enfants, de quoi vivre, ne sont pas soutenus, le pays ne peut avoir aucun avenir et il ne sert à rien de parler d’économie. Avec les agressions dont sont souvent victimes les visiteurs qui viennent ici, l’on ne se doutait pas qu’un jour, le secteur du tourisme devra payer inéluctablement, la note. 240.000 visiteurs en moyenne dans les années 80-90 , 500.000 nuitées pour chaque année, la majorité étant surtout une clientèle venue de France, le Sénégal avait bien raison d’espérer en recevoir davantage.
Mais, tout de suite, avant la fin des années 2000, le gouvernement s’est rendu compte que l’objectif fixé d’un million de nuitées, à cet horizon, était une utopie. En 1998, Abdou Diouf et son dernier gouvernement dirigé par Mamadou Lamine Loum, ont décidé de changer de cap en jugeant finalement l’option peu réaliste. On se contenta de la moyenne déjà très honorable des 500.000 nuitées annuelles en cherchant à booster davantage les arrivées annuelles de visiteurs dans les stations.
Réalisme ou échec, ce renoncement avait sonné le glas d’un secteur en difficulté. Parce qu’aucune des prévisions ne pouvaient être atteintes. Et devant les tergiversations de la Sapco à réaménager une autre station dans la zone de Pointe Sarène, la situation va, pour la suite, compliquer davantage, la vie des promoteurs du secteur. Le tourisme déjà malmené sous Wade, malgré les conférences et sommets qui se tiennent au Sénégal, ne s’en portera guère mieux quand le président Macky Sall sera au pouvoir.
NGOR DIARAMA, ASTA KÉBÉ, SAVANA SALY, CLUB ALDIANA… : Le blues des grands établissements hoteliers
On entend souvent sonner son nom, mais peu de Sénégalais connaissent l’Hôtel Asta Kébé aménagé par feu Ndiouga Kébé dans la paisible ville de Tambacounda. A côté du Méridien, de Ngor Diarama. Il est l’un des plus grands établissements bâtis au Sénégal. Une idée de génie pour son époque pour le tourisme cynégétique (la chasse). Une belle œuvre d’architecture pour les hommes et femmes venus d’ailleurs qui cherchaient à découvrir le Sénégal de l’intérieur. Cet établissement a été le premier à montrer que le tourisme dans le pays n’était pas une vocation nationale. Des 70 chambres initiales, seule que 28 exploitées aujourd’hui, propres, mais sans intérêt. Avec sa petite piscine et son immense jardin dont seule une infime partie est entretenue, l’hôtel ressemble à un musée du tourisme de masse. « Dans le genre, Asta Kébé est un hôtel mal exploité », regrettent certains exploitants.
Loin du Sénégal oriental et de ses terres ocres, un autre site souffre de l’indifférence et de la banalisation dont il est l’objet. Adossé sur l’atlantique et le front nord de la presqu’île du Cap Vert, l’Hôtel de Ngor était le fleuron et l’un des piliers du tourisme de vacances et d’affaires. Mais, que reste-t-il aujourd’hui de cet établissement ? Edifié sur les parties rocheuses de la côte Cap-Verdienne, depuis 1953 par l’architecte français, Le Corbusier, l’actuel hôtel Ngor Diarama qui portait autrefois le nom de « Relais aérien », a changé de cap et de vocation, sans se doter de moyens efficaces pour décoller. Pourtant, ce premier hôtel de l’Afrique occidentale française (Aof), abritait tous les grands événements sportifs, culturels et politiques dans Dakar dans les années 1960-1970, jusqu’au milieu des années 1980. Même passé à « Quatre étoiles », le départ du Groupe Méridien à la fin des années 1980, va sonner le glas de cet établissement devenu bien anonyme dans l’univers touristique sénégalais d’aujourd’hui.
Dans la capitale, seules restent encore présentes deux zones touristiques, la zone des Almadies-Ngor, fief du King Fahd Palace et des Almadies ; et le bord de mer sur la corniche où se meurt le Savana et sur laquelle sont adossés les rares hôtels encore en vie comme Radisson blue, Sokhamon etc. Le centre ville n’est pas mieux doté. Pendant que l’hôtel Indépendance est mort, certains résistent encore aux temps ; ils ont nom : Pullman et le Novotel Dakar.
Où va donc le tourisme au Sénégal ? Revenons du côté de la Petite côte pour faire le point. Au milieu de nulle part, cette vieille dame trouvée perdue au centre de son club de vacances, a sans doute une première réponse. « Nous avons vu venir tout çà avec l’histoire de la maladie d’Ebola qui n’était pas à proprement parler, un problème sénégalais. Mais, la presse internationale surtout française et européenne, n’a cessé d’amplifier toutes ces dernières années. L’autre grosse affaire, déplore madame, est dans l’inconscience des autorités sénégalaises qui n’ont jamais soutenu le secteur touristique comme il se devait. »
« Sous l’ère Wade, poursuit la pauvre femme, nous n’avons pas eu ce soutien. Nous l’espérions de Macky Sall et son gouvernement. Mais, cette affaire liée à la réciprocité des visas, a contribué à plomber davantage la situation. Comment voulez-vous faire fonctionner, un établissement aussi grand que le nôtre, avec seulement quelques dizaines de clients et que pendant ce temps, vous croulez derrière de lourdes factures et d’eau, d’électricité et de téléphone, avec toutes ces taxes encore… »
Désolée et meurtrie, seule avec ses gardiens perdue au milieu de son mobilier, malheureuse de laisser de nombreux pères et de mère de famille sur le quai, elle s’affaire à ranger ce qui reste de cet hôtel prestigieux contrainte, comme l’Hôtel Indépendance, de mettre la clé sous le paillasson.
Au final, la conséquence est claire ; et si le secteur n’est pas relancé et vite, le gros de la main d’œuvre active devrait se retrouver dans la rue avec le risque de mettre en péril le désir d’émergence dont parlent encore les autorités sans se soucier des réalités et exigences de l’économie réelle : celle des entreprises.
Dakar aussi dans la morosité
Dakar, sauvé par les conférences et séminaires, n’est pas au mieux. Les hôtels d’affaires résistent à la crise économique qui bloque certains clients occidentaux chez eux. Mais, depuis quelques années, « L’Hôtel Indépendance » un des plus grands hôtels de Dakar est fermé. C’est une petite catastrophe qui n’a pas attiré l’attention des gens exceptés, ceux du milieu. On y passe tous les jours, à la Place de l’Indépendance sans se rendre compte qu’il ne reste dans cet autre joyau que des meubles poussiéreux, des saletés en tout genre et le désarroi des anciens employés laissés à eux-mêmes et qui crient leur détresse quand les ondes de la Fm, leur sont tendues à travers micros, par quelques journalistes.
Le tourisme va bien mal ici aussi ; et cela ne date ni de 2013 encore moins de l’année 2014, mais de bien avant. Avant le sommet de l’Oci, Dakar a rêvé de retrouver sa place de leader du tourisme d’affaires dans la sous-région. Pendant que de nouveaux hôtels comme le Radisson blue étaient en construction dans Dakar, certains parmi eux, ne finiront jamais leurs travaux jusqu’à la tenue du sommet qui aura lieu sans que ces infrastructures préparés pour l’évènement, ne soient terminés. Un bateau sera d’ailleurs affrété au port pour recevoir certains invités et conférences.
On lui trouvait des talents pour tout réussir, les premiers échecs de Wade, président sont là devant l’opinion, mais on n’en parle peu. Devant certains promoteurs, il se raconte que l’homme leur disait ne pas préférer ce type de tourisme à la sénégalaise, mais plutôt, ce qui se faisait du coté de Dubaï… avec des choses du genre « Palm Island ». Rêve insolite et fou, Dubaï n’est pas Dakar. Se trompait-il de monde qu’il ne le savait pas, faute de conseillers compétents capables de lui faire retrouver la raison avant qu’il ne soit trop tard.
Sans disculper le président Macky Sall et son gouvernement, le piège risque d’être à la solde d’une seule idée : l’émergence au détriment des questions économiques urgentes. Pour construire le Sénégal et redonner confiance aux bailleurs, chaque zone économique, chaque région a ses réalités dans le vaste continent qu’est l’Afrique. Pour la Petite côte, le Cap Vert et la Casamance, le tourisme représentait encore beaucoup dans les rouages économiques avant que la rebellion ne plonge le sud du Sénégal dans la misère et la permanence de la pauvreté. Dans Dakar et ses environs, il est encore regrettable que l’offre touristique n’a pas beaucoup progressé depuis le Festival mondial des arts nègres qui s’est tenu du 1er au 24 avril 1966.
Source: http://www.sudonline.sn/la-fin-des-colonies-de-vacances_a_23697.html