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Jeu, Nov

Le front social en ébullition : la solution n’est sûrement pas pour demain (troisième partie)

ARGENT PUBLIQUE
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Chers lecteurs, vers la fin de ma contribution précédente (mardi 23 janvier 2018), je rappelais les arguments tirés par les cheveux avec lesquels notre vieux président-politicien voulait nous convaincre de la pertinence de la double augmentation de l’indemnité de judicature des magistrats : de 150000 à 300000, et de 300000 à 800000 francs, alors qu’ils n’en demandaient ‘’que’’ 500000. Ces arguments vraiment légers de la part d’un Président de la République – même s’il s’agit du vieux président-politicien –, posent quand même problème. D’abord, ils sont rarement exacts, en tout cas pas rigoureusement. Un magistrat qui sort du Centre de Formation judiciaire (CFJ) – et non plus de l’École nationale d’Administration (ÉNA) – gagne plus que 800 000 francs. Les 800 000 francs représentent sa seule indemnité de judicature. Si on y ajoute son salaire et son indemnité de logement, le magistrat en début de carrière gagne (déjà) bien plus de 1200000 francs. Rappelons, qu’avec ce décret ‘’généreux’’ du président-politicien Jr sur lequel nous reviendrons, son indemnité de logement est passée à 400000 francs.


On peut bien concéder au vieux politicien qu’« un pays où il n’y a pas de justice n’est pas un pays ». Mais, on peut lui rétorquer aussi – et ce que j’ai fait dans mon livre déjà cité (‘’Le clan des Wade . . . .’’, page 34) en ces termes : «  Un pays où il n’y a pas d’éducation est-il un pays ? Un pays sans paix, sans sécurité est-il un pays ? Un pays sans système de santé est-il un pays ? La magistrature a beau être importante, elle n’est pas le seul pilier de la Nation : elle est un pilier de la Nation, un pilier certainement important, mais un pilier de la Nation. L’éducation, la sécurité, la santé sont aussi incontestablement des piliers de la Nation, qui est un tout. »
Évidemment, je ne dénie point aux magistrats le droit d’avoir des conditions de travail et de vie décentes et de les revendiquer. C’est que, en toute chose, il faut savoir raison garder surtout que, ils ne sont vraiment pas mal lotis. En tout cas, notre vieux président-politicien ne savait pas du tout raison garder. La preuve, au fur et à mesure que s’approchait l’élection présidentielle du 25 février 2007, le vieux Président, politicien et calculateur à souhait, déployait sa ‘’générosité’’ de plus belle. Ainsi, en août 2006, il signa un décret la veille de son départ pour un voyage en Suisse. Ce décret relevait notablement les indemnités de logement des personnels de l’Armée et de la Gendarmerie nationales. Celles des officiers généraux passaient du simple au double : de 250 000 à 500 000 francs. Comme la plupart des officiers supérieurs et généraux sont logés, un article de ce décret – dont j’ai cherché en vain à me procurer un exemplaire – préciserait que ces derniers cumulaient l’indemnité avec le logement occupé. Les Forces de Police, à force de taper sur la table, finiront par avoir leurs parts du gâteau car, un conseil des ministres adopta presqu’immédiatement un projet de loi concernant leur statut qui était largement bonifié. Le texte a été rapidement voté par l’Assemblée nationale, mais ne répondait apparemment pas à toutes leurs attentes. Ne méritaient-ils pas les mêmes attentions que les gendarmes et les militaires ?
La ‘’générosité’’ débordante, sélective, irréfléchie et parfois indécente de notre Crésus national a soulevé la colère de nombre d’autres agents de l’Etat, et particulièrement des différentes hiérarchies A, manifestement laissées pour compte. Les professeurs de l’Enseignement supérieur, les administrateurs civils qui n’étaient pas tout à fait satisfaits, les docteurs en médecine, les docteurs vétérinaires, les différents ingénieurs, les professeurs de l’Enseignement moyen et secondaire tapèrent eux aussi sur la table et réclamèrent légitiment leurs parts du gros gâteau. Devant les antécédents dangereux qu’il imprudemment avait créés, notre calculateur national était obligé d’ouvrir encore les cordons de la bourse : il ne pouvait raisonnablement pas octroyer une indemnité de judicature de 800 000 francs au jeune magistrat sorti fraîchement du CFJ et refuser de donner satisfaction aux professeurs du supérieur qui ont formé ce dernier aussi bien à l’Université qu’au CFJ. Pour donner un autre exemple qui illustre l’instabilité et les risques dont les choix insensés du vieux président-politicien étaient gros, les professeurs d’Enseignement secondaire, se fondant sur les indemnités substantielles accordées aux Forces de la Gendarmerie et de l’Armée nationale, exigèrent une indemnité de logement de seulement 60 000 francs. Qui pouvait vraiment le leur reprocher ? Ils sont quand même recrutés sur la base du baccalauréat plus six ans ! Ils ont même été très raisonnables si on considère que, dans l’Armée, dans la Gendarmerie comme dans la Police nationale, des gens qui étaient loin, très loin d’avoir leur cursus, se retrouvaient avec 100 à 200000 francs d’indemnités de logement. Ne pouvant rester sourd à cette exigence et à la détermination du Cadre unitaire des Syndicats de l’Enseignement moyen et secondaire (Cusems), et craignant d’accorder une indemnité de logement de 60 000 qui serait réclamée immédiatement par tous les enseignants, le Gouvernement l’enroba sous le nom d’« indemnité de recherche documentaire (IRD) ». Ce fut évidement le tollé général chez les enseignants de l’élémentaire (les instituteurs), qui objectèrent que tous les enseignants faisaient de la recherche et de la documentation (même si ce n’était pas rigoureusement exact). En tous les cas, cette discrimination flagrante avait même été à l’origine d’un sérieux malentendu entre syndicats d’enseignants de différents ordres. Surtout que, entre temps, la décision avait été prise d’accorder une indemnité (mensuelle) de contrôle et d’encadrement pédagogiques de 150 000 francs aux inspecteurs de l’Éducation nationale qui étaient entrés, eux aussi, dans la danse. Les inspecteurs de l’Éducation populaire, de la Jeunesse et des Sports réclamèrent avec force la même indemnité puisque, leur fonction comporte, à leurs yeux, des activités d’encadrement et de contrôle pédagogiques. En réunion le samedi 8 janvier 2011 au Centre départemental d’’Éducation populaire et sportive (Cdeps) de Dakar, ils envisagèrent de saisir le Médiateur de la République. Ils ont été certainement satisfaits puisqu’on ne les entend plus.
Le vieux politicien manifestement injuste n’était pas au bout de ses peines : les sous secteurs de la Justice et de la Santé ont été aussi secoués par d’interminables grèves. Les greffiers en chef en particulier exigeaient d’être ‘’versés’’ dans la hiérarchie A1, en même temps que de bénéficier de l’indemnité de judicature de 800 000 francs. Le responsable de leur syndicat justifiait leur exigence par le fait que certains fonctionnaires appartenant à la hiérarchie B3 ont été ‘’versés’’ dans la hiérarchie A. Alors, pourquoi pas eux, puisque depuis le 2 avril 2000, combien sont-ils, d’agents d’un corps inférieur à avoir été facilement ‘’versés’’ dans le corps immédiatement supérieur ? Les syndicats de la Santé, et principalement le Syndicat unique des travailleurs de la Santé et de l’Action sociale (Sutsas), devenaient chaque jour plus offensifs, plus exigeants, et perturbaient terriblement le fonctionnement des hôpitaux et autres structures de santé qui étaient déjà très mal en point. L’essentiel de leurs ressources est englouti dans des primes de motivation et autres avantages distribués à tous les agents du sous-secteur, même à ceux qui passent le plus clair de leur temps à tourner les pouces. Et DIEU sait qu’il y en beaucoup, dans ce sous-secteur comme dans nombre d’autres ! Pendant ce temps, les formations hospitalières et autres structures sanitaires croupissaient et croupissent encore sous de lourdes dettes et de graves pénuries.
Voilà la situation inextricable où nous a menés la ‘’générosité’’ insouciante de notre Crésus national. Et ce n’est pas tout. Dans ma prochaine contribution, le lecteur découvrira bien plus de motifs de frustrations, bien plus d’injustices flagrantes qui secouaient le front social et continuent de le secouer aujourd’hui, le bras de fer qui oppose les enseignants au Gouvernant en étant une parfaite illustration.
A la prochaine, amis lecteurs !
Dakar, le 29 janvier 2018
Mody Niang