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Nombre de responsables de la société civile appellent à la rupture du cordon ombilical reliant la présidence de la République aux organes de contrôle, tels que l’Inspection générale d’Etat (Ige), la Cour des comptes, l'Office National de lutte contre la Fraude et Corruption (Ofnac) et l'Autorité de régulation des marchés publics (Armp). Interpellés par Sud quotidien dans le cadre de ce dossier, «Rôle de la société civile dans le renforcement des mécanismes de contrôle des politiques», réalisé en partenariat avec Osiwa, ces activistes ont en effet suspecté l’Etat de ne pas encourager l’indépendance de ces mécanismes. Des organes de contrôle tels que l’Inspection générale d’Etat (Ige), la Cour des comptes, l'Office National de lutte contre la Fraude et Corruption (Ofnac) et l'Autorité de régulation des marchés publics (Armp) ne jouent pas véritablement leurs rôles se contentant d’être de simples faire-valoir .
C’est du moins l’avis partagé par certains responsables de la société civile dont Ndongo Mané Kébé du Forum civil, Sadikh Niass, Secrétaire général par intérim de la Raddho et Babacar Ba, président du Forum du justiciable. Interpellés par Sud quotidien dans le cadre de ce dossier réalisé en partenariat avec Osiwa et relatif au «Rôle de la société civile dans le renforcement des mécanismes de contrôle des politiques», ils n’ont pas manqué de dénoncer le mode de fonctionnement actuel de ces mécanismes de contrôle des politiques publiques au Sénégal.
A les en croire, ils sont à dix mille lieues de leurs missions principales consistant à «promouvoir une gestion transparente des ressources publiques». Ils fustigent l’instrumentalisation de plus en plus marquée des rapports de ces organes de contrôle par les décideurs. Président du Forum du justiciable, Babacar Ba déplore ainsi la «forte mainmise de l'autorité politique» qu’est le président de la République sur le fonctionnement de ces organes de contrôle qui, souligne-t-il, sont pratiquement tous rattachés à la Présidence. Poursuivant son propos, il assure que les responsables de ces organes de contrôle «ont une marge de manœuvre très limitée». Il s’y ajoute que les documents qu’ils produisent sont «exploités par la seule volonté du président de la République qui décide selon ses humeurs changeantes de la suite à leur donner».
Prenant ainsi l'exemple du rapport de l'Ofnac de 2015, Babacar Ba rappelle que ce document avait épinglé les directeurs du Coud et de la Poste en donnant comme recommandations la poursuite judiciaire à leurs égards. Mais déplore-t-il : «jusqu'au moment où je vous parle, aucune suite n'a été donné aux recommandations formulées. Il en est ainsi avec les recommandations sur l'annulation des contrats pétroliers portant sur l'attribution du bloc pétrolier Cayar offshore faite par l'Ofnac». Et de poursuivre : «Pire encore , l'Ofnac n'a toujours pas publié son rapport d'activités de 2016 alors que la loi lui fait obligation de publier chaque année son rapport d'activités. Et pourtant ce sont des mécanismes mis en place pour exercer soit un contrôle général sur la gestion administrative et financière des services publics, soit un contrôle fonctionnel au nom de ministère des Finances sur la gestion comptable et financière des deniers publics».
Toutefois, le président du Forum du justiciable n’est pas le seul à faire ce constat au sujet du fonctionnement de ces quatre organes de contrôle. En effet, interpellé lui aussi sur la question, Ndongo Mané Kébé du Forum civil, tout en soulignant que du point de vue institutionnel le Sénégal est bien doté en termes de corps de contrôle, relève par ailleurs que le mal des organes de contrôle se situe au niveau de «l’absence d’autonomie» et de «l’insuffisance des ressources humaines». Ce qui lui fait dire : «Aujourd’hui, autant l’on peut se réjouir de l’existence de ces corps de contrôle, autant l’on peut regretter l’absence d’efficacité dans leur fonctionnement ». A ses yeux, « il est évident que cette insuffisance de ressources humaines empêche ces organes de faire convenablement le travail attendu. Ensuite, le manque d’autonomie, aussi bien financière qu’institutionnelle, vis-à-vis de l’autorité politique pose un problème que nous déplorons tous, puisque lié à la suite réservée aux rapports des corps de contrôle».
Se prononçant à son tour sur la question relative au rôle de la société civile dans le fonctionnement actuel des organes de contrôle, Sadikh Niass, Secrétaire général par intérim de la Raddho s’est inscrit dans le même sillage que ses collègues en fustigeant «la politisation des conclusions de ces organes par les pouvoirs publics». Il déplore le fait que «le fonctionnement des institutions de contrôle soit peu performant ». Pour lui, « si l’Ige est d’un prestige sans équivoque, les conclusions de ses missions reçoivent le plus souvent une utilisation politique qui amène certains à poser le débat de son maintien ou non sous l’autorité du président de la République». Pour ce qui est de la Cour des comptes, il relève que cet organe, censé «être l’institution la plus proche des populations donc de la Société civile» est «plombé par un déficit de ressources humaines» limitant ainsi son rayon d’action.
Poursuivant son diagnostic, le Secrétaire général par intérim de la Raddho a également dénoncé la situation actuelle de l’Ofnac qui selon lui, s’est emmuré dans un silence depuis le départ de Mme Nafi Ngom Keïta. Et de marteler : «L’Ofnac a fini par fonctionner comme un service de l’Administration. Cette situation est à déplorer car l’Office est une Autorité administrative indépendante (AAI). Ce statut lui donne une certaine autonomie et le met à l’abri d’une fragilisation par le pouvoir exécutif. C’est malheureux, car c’est l’institution spécialement dédiée à la lutte contre la corruption. D’ailleurs la lutte contre la corruption ne peut être efficace dans la discrétion». Concernant l’Armp il rappelle que : «Cet organe avait pour mission de favoriser une bonne administration de l’octroi des marchés publics ; de veiller par conséquent au contournement des règles par certaines pratiques liées ou assimilables à la corruption. Malheureusement, on note une léthargie qui donne naissance à une inefficacité avec le maintien illégal de son Directeur général qui a épuisé ses mandats mais est maintenu en poste par une prolongation, ce qui ne fait que l’affaiblir davantage».
«LA COLLABORATION ENTRE CES ORGANES DE CONTROLE ET LA SOCIETE CIVILE EST TRES LIMITEE»
Par ailleurs, se prononçant sur la collaboration entre ces organes de contrôle et leurs organisations, les responsables de la société civile interrogés ont estimé que celle-ci est n’est pas au beau fixe , la plupart d’entre eux jouant un rôle de figurant au sein de ces institutions. Ainsi, accusent-ils l’Etat d’être le principal responsable de cette situation. «La collaboration entre société civile et organes de contrôle est très limitée parce que ceux qui nous représentent au sein de ces organes ne communiquent pas ou en tout cas ne nous rendent pas compte. En plus, on ne sait même pas sur quelle base, ces représentants sont en général choisis», déplore SadikhNiass, Secrétaire général par intérim de la Raddho. Faisant la même remarque au sujet de ces représentants de la société civile, Babacar Ba, président du Forum du justiciable, déclare que ces derniers «sont cooptés sur la base de simple copinage». «Les membres de la société civile qui siègent au niveau de ces organes de contrôles sont réduits à leur plus simple expression, ils n'ont jamais dénoncé les manquements de ces organes de contrôles. Avez-vous une fois entendu un membre de la société civile de l'Ofnac dénoncer le retard noté dans la publication du rapport d'activités de l'Ofnac ? Moi je pense que la société civile sénégalaise est devenue une affaire de business dont certains profitent pour faire leur propre affaire», s’indigne le président du Forum du justiciable qui plaide pour une redéfinition des termes de cette collaboration. «La collaboration n'a aucun sens dans la mesure où la majeure partie des membres de la société sont aujourd'hui réduits à leur plus simple expression.Il faudrait revoir cette collaboration qui est devenue une simple formalité tendant à crédibiliser le travail des organes de contrôles», précise-t-il. Abondant dans le même sens, Ndongo Mané Kébé du Forum civil, pour rendre beaucoup plus efficaces les actions de ces deux organes (société civile et contrôle), préconisera une jonction entre ces deux entités. «Cette collaboration pourrait être beaucoup efficace si elle était adossée à la définition et à la mise en œuvre participative de stratégies nationales selon des orientations prédéfinies de commun accord. À cela s’ajoute la promotion d’espaces de consultation, de concertation, et de construction de synergies entre les différents organes de contrôles de l’Etat et les acteurs de la société civile, pour une plus grande transparence dans la gestion des affaires publiques».
«L’ETAT DEVRAIT FAIRE L’EFFORT DE NOMMER DES PERSONNALITES...»
Pour parer aux manquements susmentionnés dans le fonctionnement de ces organes de contrôle, Ndongo Mané Kébé du Forum civil, Sadikh Niass, Secrétaire général par intérim de la Raddho et Babacar Ba, président du Forum du justiciable dégagent un certains nombre de pistes de solutions. Ainsi pour Babacar Ba, président du Forum du justiciable, tout doit commencer par le retrait de ces organes de la tutelle du président de la République. «Aujourd'hui les organes de contrôles ne doivent plus être sous la coupe de la présidence de la République afin qu'ils puissent jouir de leur totale indépendance. Mais également il faudrait que le peuple soit vraiment associé au processus de contrôle. Je ne parle pas de simple présence symbolique comme on a l'habitude de le voir souvent : compter une ou deux personnes de la société dont la présence est purement symbolique, non je ne parle pas de ça, je parle d'une présence large et inclusive avec des représentants intègres, renouvelés au besoin. Ensuite il faudrait que les organes de contrôle soient contraints de mettre à la disposition du public leurs rapports d'activités, il faut qu'on déclassifie les rapports pour une meilleurs gestion transparente».
Confortant cette position, Ndongo Mané Kébé du Forum civil souligne qu’il « urge d'accroître leur autonomie institutionnelle vis-à-vis de l’autorité politique en commençant par le mode de nomination des présidents et membres de ces différents organes concernés ». Il renseigne ainsi que : « Il existe des traités et conventions internationaux que le Sénégal a ratifiés, portant notamment création d’agence de lutte contre la corruption, et dont le respect scrupuleux au niveau national constituerait déjà une grande avancée». Pour sa part, Sadikh Niass, Secrétaire général par intérim de la Raddho préconise une meilleure ouverture en direction de la Société civile. «L’Etat devrait faire l’effort de nommer des personnalités fortes, d’une grande probité mais aussi neutres. Il y a va de l’intérêt de la Société car l’objectif final c’est d’arriver à une société juste et équitable dans le cadre d’une utilisation efficiente des ressources de l’Etat. Ensuite, ceux qui sont nommés à ces postes stratégiques ne doivent pas se sentir redevables, mais plutôt montrer une grande dignité en se rappelant toujours qu’ils ne servent pas des hommes mais l’Etat».
source:http://www.sudonline.sn/la-societe-civile-degage-des-pistes_a_38329.html