Account
Please wait, authorizing ...
Not a member? Sign up now
×

Sidebar

23
Sam, Nov

Autopsie du sapeurpompier Chérif Ndao : Les enquêteurs enfoncent le médecin-légiste

FAITS DIVERS
Outils
Vos reglages
  • Plus petit Petit Moyen Grand Plus grand
  • Default Helvetica Segoe Georgia Times

Fast backlinks and Guest-post hosting

scandale

L’enquête préliminaire diligentée par l’officier de Police judiciaire militaire Insa Seck, commandant de la Brigade de recherches de la Légion centre-ouest à Thiès, a également permis l’audition des médecins qui ont procédé à l’examen post mortem du corps de Chérif Adjouana Ndao. Les diagnostics renversants et contradictoires à la fois viennent en appoint à la polémique entre les affirmations des stagiaires corroborées par les dires de la famille de la victime et les dénégations obstinées des gradés de contact. Finalement, ces divergences ont cédé le pas à une autre polémique encore plus ardente. Elle oppose les scientifiques qui ont examiné le corps du défunt. D’une part, les partisans de la thèse de la mort naturelle. D’autre part, les adeptes de la thèse de la mort violente. Une confrontation majuscule entre hommes de l’art pour un enjeu qui détermine la suite à donner à cette affaire.

Mort violente 
On débarque en plein roman noir. Un classique digne des maîtres du crime. Homicide ou mort naturelle ? Déjà, il y a cette suspicion légitime qui turlupine l’officier de Police judiciaire militaire Insa Seck. Les soupçons de l’officier transparaissent dans son rapport d’enquête préliminaire et résument son sentiment sur cette affaire : «A ce stade de l’enquête, il apparaît que quelque part, la vérité a été travestie.» Les déclarations consignées au rapport faisaient état de contradictions flagrantes. Pour tirer tout ça au clair, il effectue avec ses hommes «un transport à Dakar, respectivement à l’hôpital Principal de Dakar, à l’hôpital Aristide Le Dantec et à la caserne des sapeurs-pompiers de Malick Sy.» Le policier professionnel relate : «Dans cette première institution hospitalière, nous entrons en contact avec le médecin commandant Mouhama­dou Mansour Fall, qui atteste qu’il s’agit bien d’une mort violente comme mentionnée sur le certificat de genre de mort établi à cet effet. Il déclare avoir donné copie au médecin des sapeurs-pompiers et à la famille. Il met à notre disposition des photos de la victime pour étayer ses dires.» Il prend contact avec le Profes­seur agrégé Bacary Diatta, dont le service avait accueilli Chérif Ndao et lui-même avait contresigné le certificat de genre de mort établi par Mouhama­dou Mansour Fall. Le Professeur agrégé confirme la mort violente au même titre que le médecin commandant Fall et précise avoir cru dans un premier temps avoir été en face d’un patient victime d’une agression lorsqu’il l’avait vu pour la première fois. Il soutient que cette mort est survenue à la suite des actes dont a été victime Chérif Ndao. Il note une contradiction dans le certificat de genre de mort délivré par le Professeur Gisèle Woto Gaye, à savoir que cette dernière a parlé de mort naturelle et en même temps de traumatisme. Pour étayer ses propos, il remet à l’enquêteur une copie du certificat médical détaillant les causes de la mort de Chérif Ndao. Ce document, faisant la description anatomique des lésions et des séquelles, souligne qu’il présentait un syndrome de bastonné avec quatre défail­lances d’organes à savoir : une défaillance neurologique, une défail­lance hémodynamique (tension im­pre­nable), une défaillance rénale, une défaillance hématologique avec trouble majeur de la coagulation avec en sus de cela, la présence de lésions cutanées superficielles et profondes.
Au moment de son interrogatoire, le commandant Mouhamadou Man­sour Fall, médecin traitant, confirme que le sapeur-pompier est décédé à l’hôpital Principal de Dakar le 6 décembre 2013 à 20 heures 40. La prise en charge initiale du patient a été assurée par le Professeur Bacary Diatta, chef du département d’anesthésie, réanimation, urgence et hémodialyse. Aux alentours de 11 heures, du fait de l’indisponibilité du Professeur Diatta, qui devait siéger à une thèse de doctorat en médecine à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, le commandant Fall descend en tant que médecin d’astreinte du week-end pour faire la visite des malades de la réanimation médicale. Il confiait à l’enquête : «C’était mon premier contact avec le patient intube, ventilé sur des critères neurologiques, respiratoires et hémodynamiques suite à une rhabdomyolyse aiguë qui serait secondaire à des traumatismes lors d’une formation militaire à Thiès. Ce patient au moment de mon examen avec l’équipe médicale était en cours de dialyse. Par ailleurs, une notion de goutte épaisse positive a été marquée sur la fiche de transfert. Enfin, l’examen physique de ce patient a mis en évidence des signes cutanés et musculaires de traumatismes localisés essentiellement au niveau de l’épaule gauche, du dos, de toute la fesse gauche, de la face antosupérieure de la cuisse gauche. La prise en charge à la réanimation s’est poursuivie jusqu’à son décès par arrêt cardiaque.» Après cela, il prend le soin de prendre des photos «à des fins iconographiques et éventuellement médico-légales». Le lendemain, il établit un certificat de genre de mort contresigné par le médecin chef adjoint. Un exemplaire est remis à la direction de l’hôpital, un autre à la famille du défunt et un troisième au médecin colonel Ibrahima Diouf de la Brigade nationale des sapeurs-pompiers.
Ces déclarations seront corroborées par celles du médecin colonel Bacary Diatta. Le Professeur confie : «Le malade était inconscient en état de choc. Sa tension artérielle était imprenable, il avait des lésions cutanées au niveau de l’épaule, au niveau du bras gauche, des lésions profondes au niveau de la fesse gauche et il saignait de la bouche et au niveau des lésions décrites.» Alors que l’enquêteur lui demande s’il croit que cette mort est naturelle, le médecin colonel Bacary Diatta déclare : «Pour nous, ayant participé à la prise en charge du patient, j’abonde dans le même sens que le médecin commandant Fall et atteste qu’il s’agit d’une mort violente. J’ai établi un certificat médical détaillant les lésions et les causes du décès.»

Mort naturelle 
Ces déclarations assises sur des rapports et des constatations objectives sont battues en brèche par le Professeur Gisèle Woto Gaye, spécialisée en anatomie pathologie à l’Ucad, dont les services ont procédé à l’autopsie du corps de la victime. Elle reconnaît avoir établi le certificat qui qualifie la mort du soldat du feu de naturelle. L’enquêteur lui demande : «Est-ce que les lésions constatées sur le corps pouvaient entraîner la mort ?» L’univer­sitaire rétorque : «Non ! C’étaient des lésions bénignes» et ajoute : «La rétention d’urine n’est pas mortelle.» Elle attribue les causes du décès à une insuffisance cardiaque décompensée avec la présence de liquide au niveau de la cavité abdominale, autour des poumons, autour du cœur. Quand l’enquêteur observe qu’un autre professeur a confirmé qu’il s’agit bien d’une mort violente, Gisèle Woto Gaye réplique : «Ce professeur n’a pas fait l’autopsie.» Réentendue, elle ne varie guère dans ses déclarations : «Oui, je confirme la mort naturelle du défunt, parce qu’il avait une cardiopathie décompensée, donc n’était pas apte à faire une formation militaire.» Au moment de passer sa visite médicale, Chérif Ndao avait été déclaré apte au service. Gisèle Woto Gaye dit : «Il n’était pas apte. Il avait un cœur qui pesait 450 grammes au lieu de 250. Il avait du liquide autour du cœur, dans les cavités thoraciques et dans la cave abdominale. Il avait aussi déjà 36 ans. Ceux qui doivent faire un stage doivent subir une visite médicale rigoureuse, surtout chez ceux qui ont dépassé la trentaine.»

Autopsie par procuration 
Pourtant, une curiosité borde ces déclarations. Après son transport à l’hôpital Le Dantec aux fins d’auditions du Professeur Gisèle Woto Gaye, l’officier de Police judiciaire militaire relève : «Ce professionnel du métier nous déclare être la signataire du certificat de genre de mort ayant attesté une mort naturelle. Interpellée sur sa présence au bloc au moment de l’autopsie, nous nous rendons compte, de par sa réponse, qu’elle n’était pas présente en ces lieux, bien qu’ayant signé le document sur la base, dit-elle, du compte rendu que lui a fait un de ses collaborateurs et assistant en l’occurrence le docteur Ibou Thiam. Là, on se pose la question de savoir : pourquoi le Docteur Thiam n’avait-il pas apposé sa signature pour attester qu’il s’agissait bien d’une mort naturelle, plutôt que de préférer le faire signer par le Professeur Gisèle Woto Gaye. S’il n’avait pas la compétence, pourquoi lui faire faire une autopsie ? La responsabilité médicale n’est-elle pas individuelle ?»
Interrogée, le Pr Gaye rétorque : «Oui, j’étais présente dans le service, c’est le Docteur Thiam qui a effectué les opérations. Il m’a rendu compte et le certificat de genre de mort a été signé d’un commun accord.» L’enquêteur relève : «Cela veut dire que vous n’étiez pas au bloc lors de l’opération ?» Le Pr Gaye répond : «Nous constituons une équipe et le Docteur Thiam m’a rendu compte.» Les questions se poursuivent : «Avez-vous vu le corps de la victime» ? «Le docteur Thiam a pris des photos», dit Pr Gaye. Docteur Ibou Thiam, assistant du Professeur Gisèle Woto Gaye, confirme au moment de son interrogatoire : «C’est moi qui ai effectué l’autopsie en collaboration avec le Pr Gisèle Woto Gaye. Je confirme qu’il s’agit d’une mort naturelle. Ces lésions ne peuvent pas entraîner la mort.» Sur la possibilité d’une probable erreur de son assistant, Gisèle Woto Gaye défend : «Pas du tout, parce que nous avons des méthodes de travail rigoureux. Le docteur Ibou Thiam est mon élève et mon assistant. Les constations sont immédiatement consignées dans un registre d’autopsie paraphé et on ne peut pas déchirer une page.» Sur l’absence de sa signature, l’assistant répond : «D’habitude, on fait l’autopsie et on rend compte au professeur. S’il n’arrive pas qu’on rencontre des difficultés majeures, elle signe. Si on a des difficultés, on l’appelle et elle vient.» 
Mais les enquêteurs ne manquent pas de relever l’absence d’un officier de Police judiciaire, dont le rapport d’assistance à autopsie serait d’une utilité extrême dans cette enquête et pourrait confirmer ou infirmer certaines constations faites par le praticien surtout sur les poids des organes ou sur une présence de substance ou autre matière dans l’organisme de la victime. Ce vice permet d’émettre un doute sur «la maladie déclarée et les poids annoncés de certains organes que rien ne justifie». L’universitaire objecte : «C’est la personne qui a établi la réquisition qui devait prévenir la Police judiciaire. Je précise aussi qu’on avait une pression de la part des parents des victimes qui voulaient coûte que coûte récupérer leur corps.»

Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

source: http://www.lequotidien.sn/index.php/la-une2/6722-autopsie-du-sapeurpompier-cherif-ndao--les-enqueteurs-enfoncent-le-medecin-legiste