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Retour sur les événements sanglants du 28 avril dernier : Mahmouda Chérif, les vérités après la mort

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L’OBS – Le village de Mahmouda Chérif a été, le mardi 28 avril 2015, le théâtre d’une «guerre fratricide», qui s’est soldée par la mort de Mahfouz Seydi, muezzin du village. Les populations de cette localité située dans le département de Bignona, au sud du pays, se sont affrontées à coups de machettes. La cause de cette tragédie : la construction d’une nouvelle mosquée, qui serait financée par une organisation terroriste. Quelques jours après ces évènements malheureux qui ont secoué toute la région de Ziguinchor, L’Obs s’est rendu dans la cité chérifienne pour rencontrer les deux parties en conflit, ainsi que la famille de la victime. Lire leurs versions des faits.

 

CHEIKH ABDAL KANINE AIDARA, FRERE DU KHALIFE GENERAL DE LA FAMILLE CHERIFIENNE

 

 

«Nous nous opposons à la construction de cette mosquée, parce qu’elle est financée par un terroriste»

 «Nous sommes tous attristés par ce qui s’est passé, notamment la mort de Mahfouz (Seydi) des suites de ces affrontements. Je dois par ailleurs avouer que notre khalife général, ainsi que toute sa famille, regrettent profondément ces événements malheureux, qui ont été provoqués par la construction d’une nouvelle mosquée dans le village par la famille de Mahfouz Khalifa Aïdara, une famille à laquelle appartient la victime, Mahfouz Seydi. Ce sont eux qui sont, malheureusement, à l’origine de tout cela. Ils sont venus nous dire, en présence de tous les oulémas, qu’ils vont construire, de force, une nouvelle mosquée dans le village, malgré notre opposition et l’interdiction formelle du khalife général de la cité religieuse. C’est par la suite que nous avons saisi les autorités administratives de la localité, notamment le sous-préfet de Diouloulou et le commandant de la Brigade de gendarmerie. Mais, malheureusement, ils ont tardé à réagir.

Cette affaire de construction d’une seconde mosquée dans la cité religieuse ne date pas d’aujourd’hui. Il y a deux ans, ils avaient même procédé à la pose de la première pierre, mais les populations leur avaient défendu de poursuivre les travaux. Cette année, ils sont revenus à la charge pour nous imposer cette mosquée. Le khalife général, informé de la situation, nous a demandé de garder notre calme et de ne pas réagir, avant de nous envoyer chez le sous-préfet de Diouloulou. Malheureusement, là non plus, rien n’a été fait (…) Nous avons tous compris que celui qui finance cette famille qui veut construire une seconde mosquée au village, est en Gambie. Il s’appelle Atab Kébading Aïdara. C’est un intégriste et il appartient à une organisation islamiste qui s’appelle «Nasrou». Avant le mardi 28 avril 2015, jour de la bagarre, nous avions tous appris qu’il était venu dans le village avec un cortège de véhicules 4×4 noirs. Il y avait à bord de ces véhicules, des fusils et d’autres armes. Et quand nous sommes retournés voir le khalife général,  il nous a demandé d’alerter aussitôt le sous-préfet et le commandant de Brigade de Diouloulou. Mais malheureusement, les autorités n’ont pas bougé. Ainsi, les hommes de Atab Kébading Aidara ont pu cacher leurs armes un peu partout dans le village et quand la bagarre a éclaté, ils en ont fait usage.

Vous savez, notre khalife général n’a jamais voulu que pareille chose se passe dans le village. Il est, au contraire, un homme épris de paix et de justice. Seulement, je dois vous dire que nous n’allons pas tolérer que des gens viennent d’ailleurs pour troubler notre quiétude, en prenant les terres que nos grands parents nous ont léguées. Nous sommes des musulmans et nous n’acceptons jamais la corruption. Nous regrettons vivement le comportement du sous-préfet de Diouloulou, qui nous a dit que tout ce qu’il fait, c’est le président de la République, Macky Sall, qui lui demande de le faire. Il est même allé plus loin, en traitant nos talibés de tous les noms d’oiseaux. Il a, à la limite, vomi la famille chérifienne. Je peux vous dire que les Présidents Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, aucun d’entre eux n’a jamais mal traité notre famille. Donc, pourquoi le Président Macky Sall le ferait-il ? Nous lui demandons de bien choisir les autorités qu’il envoie dans notre terroir. C’est le vendredi 23 avril 2015 que le sous-préfet nous a insultés et le mardi 28 avril 2015, la bagarre a eu lieu. L’ordre a été donné par Atab Kébading Aïdara, qui est de connivence avec une organisation terroriste basée en Gambie. Nous demandons au Président Macky Sall de prendre toutes les dispositions pour barrer la route à ces intégristes, qui sont en train de chercher une porte d’entrée au Sénégal et nous ne voulons pas que notre village, Mahmouda Chérif,  leur serve de porte d’entrée.»

ABDOURHMANE THIAM

MAHFOUZ KHALIFA AIDARA, COLLABORATEUR DE ATAB KEBADING AIDARA

 «C’est faux ! Notre mosquée a été financée par une organisation reconnue par l’Etat du Sénégal»

 «Tout ce que raconte l’autre camp est faux. C’est eux qui nous ont trouvés dans notre village de Kariaye (situé à l’entrée de  Mahmouda Cherif et considéré par l’autre camp comme un simple quartier : Ndlr), avant de nous attaquer avec des armes. Nous sommes les habitants authentiques du village de Mahmouda Chérif, qui a été créé en 1921, par le marabout Cheikh Mohamed. Décédé en 1929, Cheikh Aba va le remplacer jusqu’en 1946. C’est après la disparition de ces derniers que les frères de nos ennemis d’aujourd’hui vont arriver. C’est ça la vérité. Nous sommes un village et nous devons avoir notre mosquée. D’ailleurs, une solution a été trouvée quand nous nous sommes retrouvés chez le sous-préfet. C’est par la suite qu’ils sont venus, pour la deuxième fois, saccager notre mosquée en construction. Nous avons, à chaque fois, porté plainte, en vain. Et pourtant, le khalife général, qui a procédé à la pose de la première pierre de notre mosquée, nous avait donné l’autorisation de construire notre mosquée.

Cette histoire n’est pas une affaire de famille. Elle concerne deux villages, c’est-à-dire Mahmouda Chérif et Kariaye, dont Maleyni Sambou est le chef. La construction de cette mosquée a été bien autorisée, je me répète, par le khalife général de la famille chérifienne. Mieux, il ne s’agit pas d’une dispute entre Diolas et Chérifs, comme nos adversaires l’ont dit un peu partout. Cette mosquée n’a pas été financée par un terroriste. Leur mosquée et la nôtre ont été entièrement financées par deux frères de même père et même mère. Chacun avait son organisation : «Nasrou» et «Muslim Hands». Toutes ces organisations sont bel et bien reconnues par l’Etat du Sénégal, à travers le ministère de l’Intérieur. J’avoue que tous les Chérifs sont peinés, outrés et indignés par ce qui s’est passé. Car, les Chérifs doivent être des modèles de sainteté, de pureté, de savoir-vivre et de savoir-être. Nous présentons toutes nos excuses à toute l’humanité, aux musulmans, en particulier, à nos condisciples.

Si ce problème a persisté, c’est parce que ceux-là qui nous combattent et qui sont nos adversaires, ont toujours été des impunis, des hors-la-loi. Il y a eu plusieurs antécédents avec eux, mais ils n’ont jamais été convoqués. Nous avons des doutes quant à l’arrestation du commanditaire de ces événements malheureux. Il continue de déambuler tranquillement dans le village, au vu et au su de tout le monde. N’eût été l’intervention du sous-préfet, le pire allait se produire. Les populations étaient prêtes à se faire justice.»

 ABDOURHMANE THIAM

ENCADRE

Mahmouda Chérif placé sous haute surveillance

La mobilisation est générale à Mahmouda Chérif, même si le clame est revenu dans les différents coins du village. Seulement, le niveau d’alerte y est très haut. Devant la mosquée objet de cette guerre fratricide, des gendarmes armés montent la garde. Venus de Ziguinchor, ces hommes en bleu assurent la sécurité du site  et des populations, divisées aujourd’hui en deux camps.

ENCADRE 2

ADAMA SEYDI, FILLE AINEE DU MUEZZIN MAHFOUZ SEYDI, DECEDE DES SUITES DE LA BAGARRE

«J’ai vu mon père tomber sous la charge de ses agresseurs»

Dans la concession des Seydi, la consternation est grande. Tristesse et désolation se lisaient sur les visages des enfants et de la femme de Mahfouz Seydi, qui a succombé des suites de ses blessures au cou, 24 heures après les événements malheureux du mardi 28 avril 2015. Adama Seydi est sa fille aînée. Témoin du drame, elle raconte : «Mon père a été lâchement agressé par ses bourreaux, qui avaient des armes blanches par devers eux. Je revenais du marché, quand j’ai rencontré ces derniers, armés jusqu’aux dents. Sans hésiter, je les ai suivis jusqu’à la mosquée, où était mon père. Ils se sont attaqués à lui, l’ont roué de coups. Je l’ai vu tomber sous la charge de ses agresseurs et quand j’ai crié, l’un de ses bourreaux m’a aussitôt intimé l’ordre de disparaître, sinon il allait s’en prendre à moi. Je reconnais son principal bourreau, il s’appelle Adramé K. Aïdara et il vit dans le village. Mon père représentait tout pour nous, c’est pourquoi nous réclamons justice. Nous demandons à la justice d’arrêter son bourreau, parce que nous avons pas le droit de nous faire justice nous-mêmes.»

 ABDOURHMANE THIAM

YOUSSOU FAYE, SOUS-PREFET DE DIOULOULOU

«Personne parmi ces gens-là ne peut me manipuler»

«Toutes les accusations portées sur ma modeste personne sont fausses. Je suis arrivé dans cette commune de Diouloulou le 19 décembre 2013 et j’ai hérité de ce dossier, qui était pendant. Déjà, l’atmosphère était électrique entre les deux parties en conflit.  J’ai aussitôt pris mon bâton de pèlerin pour trouver une solution et aboutir une cohésion sociale. Le 27 janvier 2105, le khalife général, Chérif Atab Aïdara, m’a envoyé une lettre afin que je puisse faire la médiation entre les deux parties pour la levée de l’interdiction des travaux de la mosquée controversée. Pour ce faire, j’ai pris à témoin le maire de Kataba 1 pour une vérification de la lettre. Celle-ci fut exacte et elle sera même confirmée par le khalife général de la famille chérifienne, qui s’est par la suite longuement confié à moi. C’est à partir de ce moment que j’ai appelé les deux familles, avant de les réunir. Le 04 mars 2015, en présence du commandant de Brigade de Diouloulou, j’ai organisé cette réunion de réconciliation, avec un seul point à l’ordre du jour : la levée de l’interdiction de la construction de la mosquée et les deux parties ont accepté. Elles se sont, sur place, réconciliées et la mesure a été levée.  A partir de ce moment, chaque partie a pris l’engagement et toujours devant le Cdt de Brigade de Diouloulou, de respecter, sur procès verbal, l’accord. Je dois vous dire que personne parmi ces gens ne peut me manipuler. J’ai une position d’impartialité et je suis un médiateur social. Le khalife général avait même procédé à la pose de la première pierre pour la construction de la mosquée. De retour de mon voyage, j’ai été surpris de voir qu’une des deux parties a contesté ma décision. Cette partie a manqué de sincérité dans la démarche que nous avons prônée.  J’ai toujours voulu régler ce problème dans la concertation. Mais je dois vous avouer que l’instigateur de tout ceci, c’est le nommé Cheikh Sidaty Aïdara. Il est de la famille de Cheikh Atab, le khalife général et il vit en France. Il ne vient à Mahmouda Chérif qu’une seule fois par an. Il ne respecte aucune autorité de la localité. Voilà ce que je peux vous dire dans cette affaire de la famille chérifienne de Mahmouda Chérif.»

 ABDOURAHMANE THIAM

 

source: http://www.gfm.sn/retour-sur-les-evenements-sanglants-du-28-avril-dernier-mahmouda-cherif-les-verites-apres-la-mort/