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L'OBS - Sa façon de faire de la politique suscite parfois des questionnements. Idrissa Seck, leader de Rewmi, s’est emmuré dans un silence assourdissant, depuis des mois. L’homme est comme absent de la terre. Il ne communique pas, ne fait pas signe de vie. Une stratégie bien connue chez l’ancien Premier ministre de Wade. Mais une stratégie que beaucoup n’arrivent pas à comprendre pour quelqu’un qui aspire à devenir président de la République du Sénégal.
C’est un homme spécial. Un fin politicien, au style politique particulier. Un homme dont la stratégie communicationnelle échappe à plus d’un observateur de la scène politique. Idrissa Seck drible toujours son monde. L’ancien Premier ministre sous Wade est réputé peu bavard. Il a sa manière propre de faire de la politique. Quand ses adversaires se bousculent dans les médias, il est toujours en retrait. Il préfère garder le silence plutôt que de s’épancher dans la presse. Il choisit les grands événements, les grandes dates pour se faire entendre. Sa méthode est bien organisée. Même si elle dérange parfois, le leader de Rewmi est toujours dans sa bulle. Parfois, il séjourne à l’étranger plus qu’au Sénégal. Laissant sa base affective orpheline de son leader. Un leader en quête de repères ? Idrissa Seck est un cas particulier, qui a une stratégie dont lui seul a le secret.
Idrissa Seck : «Je me porte bien et je travaille»
ABSENCES -En plus de sa stratégie parfois incomprise, ses longues absences font penser que l’homme n’en a cure du quotidien des Sénégalais. Absent du territoire national depuis le 11 juillet 2013 (8 mois), Idrissa Seck s’est «réfugié» en France. Faisant partie des principaux acteurs du jeu politique sénégalais, l’ancien Premier ministre brille par son absence lors des cérémonies de grande envergure. Cette absence a été plus visible lors du dernier Magal de Touba qui attire chaque année les principaux acteurs politiques du Sénégal. Presque tous les ténors du champ politique sont partis dans la cité religieuse pour communier avec la communauté mouride. Beaucoup s’étaient interrogés sur la non-participation du maire de Thiès. Très proche de la famille Tidiane de Tivaouane, Idrissa Seck ne s’est pas non plus présenté dans la ville de Maodo. Une délégation conduite par Bathie Gadiaga est venue à la place de leur leader. A côté de ces rendez-vous des communautés Mourides et Tidianes, Idrissa Seck avait l’habitude aussi, après les prières de Korité et de Tabaski à la mosquée Moussanté de Thiès, de faire des déclarations sur la situation politique de l’heure. Il avait encore raté ces deux occasions. Pour justifier son absence, Idrissa Seck disait : «Je me porte bien et je travaille.»Bien avant l’accession de Macky Sall au pouvoir, Idrissa Seck était aussi absent le 23 juin. Jour historique où le peuple est descendu dans la rue pour protester contre le ticket présidentiel que Wade voulait instituer.
SILENCE - Ses absences ne sont pas son seul «défaut». En sus de cela, Idrissa Seck est plus muet qu’une carpe. Depuis son retrait en France, il n’a pas fait de grande déclaration. Pourtant, les sujets sur lesquels il peut donner son avis ne manquent pas. Réclamé au Grand Magal de Touba par certains marabouts de Touba, Idrissa Seck n’a pas daigné faire le plus petit effort pour justifier son absence. La sortie virulente du porte-parole de la famille Sy de Tivaouane ne l’a pas non plus fait réagir. Serigne Abdoul Aziz Sy a déclaré que Idrissa Seck commet trop d’erreurs et que ses collaborateurs n’osent pas lui dire la vérité. «Idrissa Seck est orgueilleux, il ne veut pas qu’on le critique. Il faut qu’Idrissa Seck change de méthode. Il faut qu’il écoute les gens. Il faut qu’il reconnaisse qu’il se trompe. La perfection humaine n’existe pas. Seul Dieu est parfait», disait le marabout.
La cascade de démissions à Rewmi le laisse de marbre
Mais Idrissa Seck est toujours dans son silence. Même la cascade de démissions des responsables de son parti ne l’a pas fait sortir de sa coquille. Nafissatou Diop Cissé a déposé ses baluchons à l’Alliance pour la République (Apr) du Président Macky Sall. Youssou Diagne, Waly Fall et Ousmane Thiongane ont aussi quitté le navire orange. La coordination Rewmi de Grand-Yoff a même fait une sortie pour montrer son inquiétude face aux départs multiples au sein de leur parti, estimant que Idrissa Seck avait l’obligation de descendre sur le terrain pour redorer le blason de son parti, dans le souci de participer et de gagner les élections. Mais Idrissa Seck est resté le même. Muet. Il ne veut pas se laisser dicter sa conduite par le cours des événements. Il préfère choisir lui-même ses moments pour parler. Même quand il s’agit de répondre à des attaques sur sa personne, ce sont ses lieutenants qui vont au front. Après la Déclaration de politique générale du Premier ministre, Aminata Touré, tous les grands responsables politiques de ce pays ont donné un avis favorable ou défavorable sur les propos du Chef du gouvernement. Les partis de l’opposition n’ont pas raté Mimi Touré. Idrissa Seck s’est encore signalé par son absence. Ce sont, encore une fois, ses lieutenants Thierno Bocoum et Omar Sarr qui donnent toujours la position de leur parti. Même quand Macky Sall faisait des tractations pour empêcher à son parti d’avoir un groupe parlementaire, Idrissa Seck n’est pas intervenu. Et Macky Sall a bien réussi son jeu. Récemment, le débat politique était alimenté par le Plan Sénégal émergent (Pse) que Macky Sall et son équipe devaient défendre au Groupe Consultatif de Paris. Un tintamarre médiatique avait accompagné ce projet. Chacun y allait de ses commentaires. Certains ont même déploré la présence du Chef de l’Etat à Paris à la place du Premier ministre. Mais Idrissa Seck n’a pas non plus senti le besoin de donner son point de vue. Il n’a pas non plus commenté la bonne performance du Sénégal. Les travaux de la Commission nationale de réforme des institutions (Cnri) ont aussi soulevé un débat dans la classe politique. Amadou Mahtar Mbow et son équipe ont proposé des réformes profondes, que certains membres du champ politique n’ont pas appréciées. Idrissa Seck a eu la même attitude : un silence assourdissant. Pourtant, les moyens de communication ne manquent pas. Certains politiciens, comme Samuel Sarr, communiquent maintenant via leur compte facebook. Mais Idrissa Seck n’est pas de ceux-là. Il préfère se taire. L’annonce d’une maladie qui l’aurait cloué au lit ne l’a toujours pas sorti de son mutisme. Ce sont encore ses lieutenants qui sont sortis pour dire que leur leader se portait bien et qu’il faisait même beaucoup de sport. Autre motif qui devrait faire que Idrissa Seck brise son long silence, les Locales qui se pointent à l’horizon.
Nafissatou Diop Cissé : «Idrissa Seck ne respecte que sa propre personne et sa famille»
INACCESSIBLE ET «PARESSEUX» - Autre «défaut», Idrissa Seck est décrit comme un leader inaccessible. A plusieurs occasions, ses militants se sont plaints de ne pouvoir entrer en contact avec lui. Il est toujours injoignable. Ou presque. Les militants du Rewmi de la Casamance avaient même tenu un point de presse pour déplorer cette situation. Ils en avaient profité pour fixer un ultimatum à celui-ci pour qu’il vienne en Casamance, sinon ils allaient tous démissionner. Nafissatou Diop Cissé qui a claqué la porte a étalé au grand jour les frustrations des responsables de Rewmi et en a profité pour faire part du manque de considération de Idrissa Seck envers ses militants. «Idrissa Seck est un leader qui ne respecte personne, il n’a de respect que pour sa propre personne et sa famille. Je pense qu’il n’a pas changé entre-temps. En général, c’est lui qui appelle les gens quand il en a envie, mais personne ne peut le joindre. Il y a peu de gens qui ont des contacts avec lui. Il continue à diriger son parti comme sa maison, où les gens font ce qu’il dit. Il fait ce qu’il veut et ne consulte personne. Donc, cela ne me surprend pas que des gens partent. Je vous dis que d’autres départs suivront, et sous peu», disait Mme Cissé dans les colonnes du journal Le Quotidien. Hormis son inaccessibilité, Idrissa Seck se présente aussi comme un politicien paresseux. L’homme des Chantiers de Thiès n’a jamais terminé une tournée nationale. Après les élections, Idrissa Seck avait entamé une tournée et beaucoup disaient qu’ils imitaient le Président Macky Sall qui a fait le tour du Sénégal à plusieurs reprises avant de devenir le locataire du Palais présidentiel. Mais la tournée d’Idy a finalement été écourtée. Ses lieutenants qui ont peut-être compris que l’heure est grave et que l’absence de Idy inquiète les militants ont initié une tournée menée à l’intérieur du pays. Ils se sont rendus à Ziguinchor. Oumar Sarr et les autres responsables du parti ont voulu remobiliser les troupes. Mais leur action ne va manifestement pas avoir l’impact escompté. L’absence de la voix du maître a été perceptible dans la capitale du Sud.
FORCES - Malgré tout cela, Idrissa Seck a beaucoup d’atouts. Quand il parle, tout le monde l’écoute. Il atteint toujours sa cible. Ses sorties sont toujours suivies de commentaires, les uns plus passionnants que les autres. Ses déclarations font toujours tilt auprès de ses auditeurs. C’est un as de la communication. Il est éloquent et sait comment parler. Quand il s’exprime, Idrissa Seck prend exemple sur des versets du Coran, sur les enseignements de l’Eglise, sur les recommandations des marabouts comme Seydi El Hadji Malick Sy, Serigne Touba, entre autres. Avec son sourire malicieux, il séduit toujours les observateurs de la classe politique qui le qualifient de politicien doué. Considéré comme le seul adversaire de taille du Président Macky Sall, Idrissa Seck est de ces hommes imprévisibles, qui perturbent le sommeil de tous leurs adversaires politiques. Tellement il a le verbe et la verve.
CHOIX DES DATES - Idrissa Seck est aussi un homme politique très méthodique. Bien organisé. Il parle rarement, mais il le fait quand il le faut. Au bon moment. Il sait utiliser les mots qu’il faut pour faire passer son message. L’ancien Premier ministre aime aussi les symboles. Il choisit ses jours, loin du hasard. L’on se souvient de sa dernière sortie. C’était lors d’une interview accordée au Groupe Futurs Médias, le 25 Mars dernier, commémorant le 1er anniversaire de l’accession de Macky Sall à la magistrature suprême. Idrissa Seck avait cogné fort sur le régime de son ex-«frère», dont il était pourtant un allié. «Rewmi Doxul», déclarait-il, ravissant ainsi la vedette au Chef de l’Etat et à son équipe.
Déthié Fall : «Nous sommes sur le terrain et nous travaillons»
Cette sortie avait permis au leader de Rewmi de reprendre du poil de la bête. Même si c’était une stratégie politique, beaucoup avaient apprécié son courage. Idrissa Seck en avait aussi profité pour raconter les moments sombres de sa vie. Son emprisonnement, la galère de ses enfants, sa rencontre avec Serigne Saliou… Et cerise sur le gâteau, le maire de Thiès avait versé des larmes. Une stratégie communicationnelle qui avait porté ses fruits. Mais, ce n’est pas la première fois que l’ancien Premier ministre fait le buzz, un jour d’anniversaire. En 2006, il avait attendu le jour de la fête de l’Indépendance (4 avril) pour annoncer sa candidature à la Présidentielle de 2007. Ce jour, il avait éclipsé le chef de l’Etat, Abdoulaye Wade, et tout le défilé qu’il avait organisé avec son gouvernement. Le maire de Thiès affectionne aussi de faire parler son éloquence les jours de fête, au grand dam de ses cibles. Très souvent, l’homme saisit l’occasion des Korité ou Tabaski pour se mettre à la parole et gâcher des… fêtes. A chacune de ses prières à la mosquée Moussanté de Thiès, Idrissa Seck en profitait pour égratigner Abdoulaye Wade et puis Macky Sall. Pour dire que les choses n’ont pas encore bougé. Mais au-delà des jours d’anniversaires, Idrissa Seck choisit aussi les sujets sur lesquels il s’exprime, donne son avis. On se souvient qu’il s’était invité dans le débat sur la somme que Wade avait laissée dans les caisses de l’Etat, au moment de plier bagages. Alors que Macky Sall et son équipe criaient sur tous les toits que les caisses de l’Etat étaient vides, Idrissa Seck révélait que Me Wade avait laissé à Macky Sall la somme de 417 907 000 000 de FCfa au moment de rendre le pouvoir. C’était aussi au courant du mois de Mars. Ce qui avait fini d’envenimer les relations entre Macky Sall et Idrissa Seck. La bataille revêtait alors un cachet institutionnel. Car le ministère des Finances s’était invité dans le débat pour expliquer les chiffres avancés par Idrissa Seck. L’enjeu était grand, car c’est la crédibilité des financiers du Sénégal qui était en jeu. Deux mois après, au mois de Mai, le débat sur le mandat du Président de l’Assemblée nationale se pose. Idrissa Seck secoue encore la majorité en proposant qu’on porte le mandat du président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse, à 5 ans. Après deux sorties contre le Président, sans grand succès, Idy s’attaque aux gens qui gravitent autour de Macky Sall et au premier rang de ceux-là : Moustapha Niasse. Car si la coalition amenait le mandat à 5 ans, le peuple sénégalais l’imputera dans les hauts faits de Idrissa Seck. Si, en revanche, elle fait fi de cette proposition, cela risque de créer une cacophonie au sein de Bby. Il y avait donc un dilemme bien calculé par Rewmi.
Et connaissant bien Idrissa Seck, qui a «grandi» sous l’aile protectrice du Pape du Sopi, on peut croire qu'il a plus d'un tour dans son sac. Et cette fois-ci, ses lieutenants ont adopté sa stratégie. Pas de commentaires. «Nous sommes sur le terrain et nous travaillons», freine poliment Déthié Fall, Directeur des structures de Rewmi et responsables des cadres de Idrissa Seck.
CODOU BADIANE
SOURCE: http://www.gfm.sn/actualites/item/11778-silence-absence-inaccesibilite-tournees-inachevees-ces-defauts-quidrissa-seck-tra%C3%AEne-comme-un-boulet.html
SILENCE, ABSENCE, INACCESSIBILITÉ, TOURNÉES INACHEVÉES - Ces «défauts» qu’Idrissa Seck traîne comme un boulet
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