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L'OBS - Cheikh Yérim Seck, 45 ans, est sorti de sa solitude carcérale avec un livre : Ces goulots qui étranglent le Sénégal. Un ouvrage de 222 pages préfacé par Cheikh Kamidou Kane, écrivain, ancien haut fonctionnaire. Dans ce livre, le journaliste, écrivain analyste politique sort de ses «tripes» des sujets qui font polémique, mais interpellent. Morceaux choisis.
«MON EMPRISONNEMENT, UNE ÉPREUVE DE LA VIE»
«J'ai écrit l'ouvrage que vous tenez entre les mains alors que je purgeais une peine de prison. Sous une accusation de viol, pilotée par Boubou Diouf Tall qui est à la fois père de la prétendue victime, magistrat et directeur de l'Observatoire des prisons. J'ai été condamné pour avoir violé «par surprise» Ndèye Aïssatou Tall qui a reconnu que l'acte a été précédé de préliminaires et du port d'un préservatif!
Cette décision de justice a scandalisé l'opinion sénégalaise. Je l'ai, pour ma part, trop tôt prise pour une de ces épreuves de la vie dont Dieu a le secret. Mais aussi pour une opportunité formidable de me retrouver seul avec et face à moi-même, après plusieurs années où les défis professionnels et les contraintes de la vie sociale m'avaient totalement happé…
Au bout de ce bouillonnement intérieur, j'ai décidé de coucher sur le papier ce qui sortait de mes tripes.
«VAINCRE LES REBELLES DE CASAMANCE, UN JEU D’ENFANT»
Tous les spécialistes militaires sénégalais sont unanimes: vaincre la rébellion casamançaise est un jeu d'enfant pour l'armée nationale. Chaque fois que les deux forces se sont affrontées, les rebelles ont pris la poudre d'escampette pour mettre leurs vies à l'abri en Gambie ou en Guinée-Bissau. L'observation par notre armée du droit international, qui interdit de s'introduire dans le territoire d'un État tiers, constitue l'éternelle parade de la rébellion pour échapper à l'éradication. Au gré de leurs intérêts dans le trafic de la drogue et du bois, dont regorgent la Casamance, la Guinée-Bissau et la Gambie s'offrent comme base-arrières à des combattants reconvertis en trafiquants de toutes sortes. Un jour de 1992 où il en a eu assez de cette duperie, Abdou Diouf, alors aux commandes du Sénégal, a laissé son armée user de son droit de poursuite jusque dans le territoire bissau-guinéen. Nos soldats, qui se sont enfoncés au-delà de Sao Domingo, ont stationné à portée de canon de Bissau. Pris de panique, Joao Bernardo Vieira, à l'époque président de la Guinée-Bissau, s'est envolé pour Paris pour prier François Mitterrand d'intercéder auprès de Diouf afin que ce dernier accepte de retirer ses troupes. L'alerte a été chaude. L'avertissement a été entendu. C'était la dernière fois que Vieira s'amusait à offrir le territoire de son pays aux rebelles.
YAYA JAMMEH, CE «DICTATEUR UBUESQUE»
Yaya Jammeh, qui règne d'une main de fer sur la Gambie depuis le 22 juillet 1994, continue, lui, à abriter ces combattants sans code d'honneur et à leur fournir des armes. On ne peut comprendre cette inélégance caricaturale sans une virée dans la psychologie de celui qui se fait appeler, pince-sans-rire, «Alaji Doctor Yahya AJJ Jammeh». Celui que la vanité du pouvoir pousse à se proclamer démiurge, détenteur de pouvoirs mystiques, guérisseur du Sida, voyant, «plus grand bâtisseur de l'Afrique...», est un complexé atavique. Tout lui fout des complexes: la taille de son pays, moins vaste qu'une région du Sénégal, son faible voire inexistant poids sur la scène diplomatique mondiale, l'image exécrable de dictature ubuesque qu'il projette dans le monde ... La Gambie, «une banane qui s'enfonce dans la gueule du Sénégal» (l'image est de l'historien burkinabè Joseph KiZerbo), est cernée de toutes parts par notre pays. Son chef se sent encerclé, noyé, écrasé par un État à tous égards incomparable au sien. Jammeh est animé d'une jalousie dévastatrice face à la taille du Sénégal, à sa relative prospérité économique, à sa démocratie, à sa stabilité ... Il vit très mal que les Gambiens aspirent au lifestyle sénégalais… Miné par ses ressentiments, il nourrit l'obsession de détruire le Sénégal. Et s'attèle de toutes ses forces à le faire, par la rébellion casamançaise interposée. Il a poussé le cynisme jusqu'à conduire le chef de guerre Salif Sadio, son protégé notoire, auprès de Laurent Gbagbo, alors à la tête de la Côte d'Ivoire, afin que ce dernier le parraine, en représailles aux bons rapports entre l'ex-rebelle.
«LES LUTTEURS DOPÉS AUX ANABOLISANTS»
La lutte... Encore la lutte... Toujours la lutte! Le Sénégal ploie sous le poids de la lutte. Le Sénégal étouffe sous l'effet de la pollution par la lutte. Et le Sénégal se laisse empoisonner par la toxine de la lutte. La lutte est partout et agresse notre cadre de vie au quotidien. Toutes les artères de Dakar sont dominées par des affiches de mastodontes qui rivalisent de muscles et de hargne. Dès l'ouverture de la saison, presque tous les vendredis, samedis et dimanches deviennent des «dates», des jours où des gaillards de masse supérieure à 100 kg se cognent à sang, s'étripent, se projettent au sol... Le «spectacle», relayé en direct par les télévisions, nous est imposé tous les jours à l'écran ... Si ce n'est pas un combat, c'est une cérémonie de signature de contrat ou un «face-à-face» entre futurs adversaires qui est diffusé. Le «face-à-face», aux effets dévastateurs pour le public jeune, est un échange de propos aigres-doux entre deux bêtes de somme. Un rituel à l'occasion duquel deux adversaires dopés aux anabolisants échangent menaces, invectives, injures et quolibets de toutes sortes…
Les émissions de lutte ont dépassé le stade de la saturation, elles produisent aujourd'hui un effet de pollution. À longueur d'ondes, les télés, les radios et les journaux nous abreuvent de lutte au-delà des limites du supportable. Caxabal, Bantamba, Gal Gal, Xew xe wu lamb, Roffo, L'œil du Tigre, Grand combat, Lamb J, Mbeur Gallé ... se relaient à longueur de journée à l'écran, boutant hors des grilles de programme toutes les émissions à portée socioéducative.
Auréolée du titre de «sport national du Sénégal», martelé à souhait par les «communicateurs traditionnels» reconvertis en reporters des combats, la lutte a perdu son âme après l'irruption de l'argent. Les cachets au-dessus de la centaine de millions versés à certains lutteurs, les grosses mises des sponsors, les pratiques des promoteurs de combat, le business induit au niveau des télés ... ont fini de dénaturer un sport noble à la base…
MARIÉME FAYE SALL, SURNOMMEE SIMONE GBAGBO
…Dépeinte sous les traits d'une femme de pouvoir à l'influence néfaste sur le Président, surnommée Simone Gbagbo, du nom de cette pasionaria diabolisée qui aurait perdu l'ancien Président ivoirien, la nouvelle Première dame est l'objet de toutes les accusations, de toutes les attaques, de tous les fantasmes... Ses détracteurs ont forgé le concept de «dynastie Faye - SalI» pour accréditer l'idée que le nouveau pouvoir n'a promu que des parents et amis du couple présidentiel. Ils font remarquer que Mme Sall a fait nommer son propre frère, Mansour Faye, au poste financièrement stratégique de délégué à la sécurité alimentaire, son beau-père Homère Seck (nouvel époux de sa mère) à la présidence juteuse du Conseil d'administration de PÉTROSEN, ses parents plus ou moins éloignés, ses amis, les maris de ses copines ... y compris son propre tailleur qui, à en croire le journal «Libération», a été récompensé pour ses belles coupes par un poste de membre du Conseil économique, social et environnemental. Si elle fait nommer ses proches, Marième Faye SalI est accusée d'éloigner du Président et de faire dégommer ceux qu'elle ne gobe pas ou plus. Elle serait ainsi derrière le départ de Fatim Bâ Senghor, assistante du Président depuis trente ans, boutée hors du Palais. Pour la remplacer, elle aurait imposé à cette station stratégique d'espionnage des faits et gestes du Président la fille de Seynabou Doucouré, son amie intime. On voit également sa main derrière le limogeage d'Alioune Badara Cissé, compagnon historique de Macky SalI, brutalement défenestré de la tête du ministère des Affaires étrangères, selon certains, pour délit de rivalité politique avec Mansour Faye à Saint-Louis…
À tort ou à raison, la presse et certains détracteurs de Marième Faye SalI dans l'appareil d'État sont en train de lui fabriquer l'image d'une lady MacBeth tropicale, une femme de pouvoir au cœur de toutes les intrigues de cour. D'autres lui prêtent même des liaisons dangereuses avec des hommes d'affaires véreux qui acquièrent sa protection moyennant un soutien en espèces sonnantes et trébuchantes à sa fondation «Servir le Sénégal»…
En tout état de cause, la femme de Macky Sall a tout pour déranger. À commencer par son rapport fusionnel avec le Président. À la différence de moult couples présidentiels soudés par le pouvoir et le protocole qui l'entourent, celui Faye-SalI est bâti sur un amour partagé et une confiance réciproque. Son union à la base contre-nature s'est construite dans l'adversité et consolidée au gré des épreuves et bonheurs de la vie.
Quand l'étudiant Macky SalI rencontrait la lycéenne Marième Faye à Diourbel en 1992, rien à priori ne les unissait et tout les séparait. D'extraction modeste, le premier, Toucouleur bon teint issu d'une famille conservatrice, était destiné par une règle non écrite à épouser une femme de son ethnie. La seconde, Sérère élevée à Saint-Louis, d'un père cadre à l'ONCAD, la réputée structure de développement agricole de l'époque, et d'une mère dégourdie en affaires, appartenait à la petite bourgeoisie. Contre vents et marées, le Toucouleur désargenté mais diplômé et ambitieux a épousé la jeune Sérère. Alors qu'elle était en deuxième année de génie électronique à l'Ensut (actuelle Esp) de Dakar, madame Sall a donné naissance à leur fils aîné, en 1995. Au lendemain de son accouchement, elle a dit à son homme: «Mbegnou, j'ai décidé d'arrêter mes études, me consacrer à mes devoirs de mère de famille. Je sais que tu ne partages pas l'idée, mais ma décision est prise. J'ai opté pour sacrifier mon avenir pour le tien et pour l'éducation de notre progéniture.» Cet oubli de soi au profit d'un projet de vie à deux a marqué Macky à vie.
COMBAT TAPHA TINE-BOMBARDIER, C’ÉTAIT DE LA BARBARIE
Expression achevée de la barbarie, le combat opposant Bombardier à Tapha Tine en juin 2012 a vu ces deux colosses de plus de 130 kilos chacun se cogner à sang pendant une vingtaine de minutes. Tapha Tine a d'ailleurs été déclaré vainqueur suite à une décision médicale. Ardo, le médecin attitré de l'arène, a décidé que Bombardier, qui subissait une hémorragie suite à une blessure ouverte à l'arcade, ne pouvait plus continuer à combattre. Le gagnant, au triomphe immodeste, s'est trouvé un nouveau slogan, «Takh ci ripp», qui signifie «se mouiller à fond» (sous-entendu avec le sang de son adversaire). Quel message aux jeunes qui martèlent ce refrain repris par des chanteurs dans des morceaux dédiés à la lutte! Rivaliser de cruauté est devenu le jeu favori des lutteurs. Nombre de leurs expressions, négativement chargées, sont entrées dans le langage populaire. Et s'incrustent dans les mœurs. «Damalay yobou Ardo», récurrent dans les discussions des adolescents, veut dire : «Je vais te blesser à sang.»
Les titres sont de la rédaction
source:http://www.gfm.sn/culture/item/12743-les-bonnes-feuilles-ces-goulots-qui-etranglent-le-senegal-ouvrage-de-222-pages-publie-aux-editions-harmattan-auteur-cheikh-yerim-seck-mon-emprisonnement-a-scandalise-lopinion-senegalaise.html
Les bonnes feuilles- ces goulots qui étranglent le Sénégal. Ouvrage de 222 pages, publié aux éditions harmattan. Auteur Cheikh Yérim Seck - « mon emprisonnement a scandalisé l’opinion sénégalaise »
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