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Les habitués du prétoire de Dakar le connaissent et reconnaissent en lui des qualités certaines. Du lot des "jeunes loups aux dents longues" du barreau de Dakar, Me Bocar Arfang N'dao, qui comptabilise une décennie de pratique, est la personne indiquée pour parler de ce qu'il est convenu d'appeler les "affaires Petro Tim et ArcelorMittal". Ce, pour avoir eu à participer à des négociations relatives à des blocs de pétrole aussi bien sous nos cieux qu'au Gabon entre autres. Interview à bâtons rompus!
Dakaractu : Maître, vous avez récemment mis sur les fonts baptismaux un mouvement dénommé "Vision Responsable du Sénégal", à quel impératif obéit-il?
Me N'dao : "Vision Responsable du Sénégal" vous remercie de l’opportunité que vous lui offrez à travers cet entretien, de confirmer ce que nous avons exposé à l’occasion de notre cérémonie de lancement du 28 novembre 2014. Nous souhaitons principalement apporter une rupture dans le monopole apparent du politique dans les débats autour de la chose publique. Nous considérons que la jeunesse doit être partie prenante à ce débat, être une force de proposition et promouvoir une vision responsable en dehors des considérations partisanes.
Dakaractu : En tant que juriste, que vous inspirent ces scandales qui ont secoué la République, je fais allusion aux affaires ArcelorMittal, Petro Tim etc...? N'est-ce pas pertinent ce débat soulevé par l'ancien Président de la République (Me Wade)?
Me N'dao : Ma première impression est que l’une de ces affaires est à la base, un échec d’un projet minier très important pour le Sénégal. La transaction qui fait débat est un règlement en compensation d’un préjudice qui, quelque soit le montant transactionnel, n’est pas un facteur de développement durable. C’est donc à la limite, un prétexte pour étudier les facteurs endogènes et exogènes du fiasco et repenser le cadre du développement du secteur minier sénégalais. La véritable valeur du minerai se trouve dans son exploitation.
La seconde est de considérer dans la deuxième affaire (Petro Tim) la finalité du débat. Les circonstances dans lesquelles l’opinion a été saisie de la question (meeting), laissent penser qu’il s’agit d’une réplique politique à la CREI. Il est constant que le rapport que l’Etat entretient avec les sociétés en phase d’exploration et d’exploitation éventuelle est régi par une loi et un décret d’application et repose essentiellement sur les capacités techniques et financières de ces sociétés à respecter les engagements contractuels. A ce titre je crois, pour avoir participé à des négociations, que PETROSEN travaille avec un personnel outillé et rigoureux en tant que représentant de l’Etat. Discréditer notre système pétrolier (une conséquence immédiate des débats) devrait se faire avec des fondements plus avisés en justifiant de la violation des textes le cas échéant et en initiant les procédures de nature à restaurer les droits violés. Le peuple y gagne en démocratie et en transparence. Si nous avons des institutions de contrôle et de jugement, c’est elles qui doivent être saisies des faits délictuels.
Par ailleurs nous pensons que l’Etat devrait privilégier les modes institutionnels de règlement des litiges probables ou avérés. Un point de presse sur une interpellation publique et isolée procède d’une rupture de l’égalité des citoyens devant la loi, si dans une hypothèse semblable, un autre point de presse n’est pas organisé, les citoyens étant par ailleurs égaux en droits.
Dakaractu : Maître, vous conviendrez avec nous que les droits des populations doivent être garantis par la loi, ne pensez-vous pas que les responsabilités, notamment délictuelles, doivent être recherchées mais surtout sanctionnées?
Me N'dao : C’est l’idéal de justice qui le veut. Mais le souverain reste le peuple et en toutes hypothèses, la sanction démocratique des manquements à la trilogie faute-responsabilité-sanction, réside dans le suffrage. Nous pensons que la classe politique a apprécié à sa juste valeur la maturité du peuple sénégalais sur ce point. Par ailleurs, le souverain est l’obligation de s’imprégner constamment, nul n’étant sensé ignorer la loi, de la teneur de toutes ces questions. Le peuple est le garant des avantages acquis pour peu qu’il accepte et joue pleinement son rôle. Au demeurant, cela commence par le refus de leaders politiques de 1980, qui 34 ans après demeurent les maîtres de l’opinion.
Dakaractu : L’Etat plénipotentiaire déclare avoir négocié dans l’intérêt du Sénégal et transigé dans les règles de l’art, or aussi scandaleux que cela puisse paraître, Me Wade a accusé deux ministres de l'actuel gouvernement Sénégalais d'avoir indûment encaissé des numéraires. Quelle est votre commentaire?
Me N'dao : Ma modeste connaissance du droit me permet de dire que le choix d’un plénipotentiaire de l’Etat peut être dans certains cas, dictés par la conjoncture ou les circonstances (délégation de pouvoir). Il n’est pas absurde qu’un ministre soit mieux outillé pour négocier un point précis d’un acte au-delà de nos frontières puisqu’ayant une vision globale de la politique de l’Etat sur ce point. C’est ce qui peut expliquer la ratification des actes pris à l’extérieur par des institutions internes. Dans ce cas, nous glissons d’une responsabilité individuelle à une responsabilité du gouvernement, si ce n’est de l’Etat. Un tel acte appelle une sanction politique sur la question de l’opportunité des décisions qui sont prises.
Dans l’hypothèse résiduelle de la faute individuelle avérée, le Président WADE que nous respectons beaucoup pour quelques raisons qu’il ne semble pas utile de développer ici, est assez rompu à l’Etat et au droit pour mener les actes nécessaires au rétablissement de la vérité des faits et à leur sanction. Nous ne concevons pas le transfert à la place publique des actes déjà confiés à nos institutions, surtout pour des faits ou une problématique qui ne participe pas à l’amélioration des conditions de vie des sénégalais, laquelle constitue plus qu’une super-priorité.
Dakaractu : Maître, venons-en au procès du fils de Wade. Que vous inspire l'affaire Karim Wade, la traque des biens supposés mal acquis de manière générale?
Me N'dao : La CREI est passée d’une hypothèse à une réalité. La traque des biens mal acquis de même répond à un idéal de justice, un besoin exprimé par la société qui pourvoit sur la base des promesses de campagne à l’investiture des gens jugés aptes à réaliser ses objectifs.
Mais toutes les deux à l’image d’un procès pénal, regroupent des parties opposées en intérêt auxquelles s’ajoute un procureur. L’unanimité n’est ni à rechercher et ne peut être trouvée quant à sa pertinence. Ce que nous pouvons espérer, c’est que la justice y grandisse en expérience, de même que la démocratie et que les mis en cause le cas échéant y grandissent, ce qui est théorique puisqu’aucune décision n’a été rendue sur le fond. L’un dans l’autre, c’est l’idéal de justice qui doit y gagner. Maintenant si le Sénégal estime que la CREI ne renvoie plus à une aspiration légitime, il entreprendra d’y remédier par le jeu démocratique des institutions de représentation. La demande sociale d’une justice ne peut, il faut le reconnaître, être déléguée et récusée. L’action responsable est ce que nous voulons aussi transmettre à travers la vision responsable.
Dakaractu : Nous sommes à quelques 24 mois de la Présidentielle 2017. Un mot sur le magistère de Macky Sall? Quelle note lui donnez-vous?
Me N'dao : Je ne peux me permettre de donner une note sans trahir le peuple souverain. Par contre, ce que je peux faire, c’est appeler les sénégalais à adopter une démarche participative et ne pas confondre la contradiction qui est un effort de contribution intellectuelle et l’opposition, qui en tant que mode d’action n’est pas structurellement viable, parce que temps d’un mandat s’inscrira définitivement dans l’histoire. Alors, autant faire de sorte qu’il soit bénéfique au peuple sénégalais. Par ailleurs, je ne pense pas que 5 ou 7 ans d’opposition rigoureuse peuvent constituer un bilan apte à provoquer une alternance.
Dakaractu : Que vous inspire l'opposition Sénégalaise dans sa diversité?
Me N'dao : Il s’agit de la preuve de l’absence d’une structuration idéologique. Je ne pense pas que tous ces partis relèvent d’une idéologie crédible au delà de nos frontières. Cela explique par ailleurs l’aisance dans la transhumance et les alliances de circonstance à forte valeur ajoutée politique, mais peu représentatives du peuple en réalité. Nous pouvons dire d’ailleurs par anticipation que la coalition Benno Bokk Yakaar risque une dislocation, parce que dans son principe, elle est structurellement limitée dans le temps quant à son objet.
En effet, le regroupement des partis à la base de BBY par dénomination qu’ils ont choisie, montre bien que la communauté d’objectifs était dictée par le besoin d’une alternance ou plus décisivement du départ du PDS du pouvoir.
L’objectif une fois atteint, il aurait fallu redéfinir le cadre de l’association au-delà des conjonctures. Ce qui a priori n’a pas été fait.
Il faut par ailleurs admettre que les postes politiques ou publics occupés par les membres de la coalition ne sont pas un choix pertinent de personnes pour une cohésion dans l’action gouvernementale, mais plutôt une obligation pour le parti au pouvoir et un droit pour le parti socialiste, s’il fallait le nommer.
Rien, au lendemain de l’alternance, n’est alors symbole d’une fusion. Cela explique que pour le parti socialiste, la participation au gouvernement ne soit pas signe, loin s’en faut, ni d’une fusion qui implique la renonciation logique à briguer la magistrature suprême, ni d’une responsabilité politique solidaire avec l’APR parce qu’ils sont au gouvernement par et pour eux-mêmes au pro rota de leur participation à l’alternance.
Au demeurant, la fusion ou la renonciation à une candidature présidentielle serait difficile pour le parti socialiste, car l’idéologie socialiste dont le secrétariat général n’est qu’un élément représentatif, transcende les regroupements conjoncturels. Après presque 40 ans de règne, le PS ne peut à notre avis se fondre derrière un candidat dont le mérite est palpable, mais dont le parti n’a pas encore fêté ses 15 ans comme organisation politique. Un tel fait serait pour le moins inédit et défierait toute logique.
Dakaractu : Toute dernière question, qu'est-ce qui explique ces remous souvent notés dans la famille judiciaire; allusion faite aux éternels bras de fer entre le Sytjust et le ministère de tutelle?
Me N'dao : Vous savez le travail juridictionnel est très éprouvant intellectuellement, émotionnellement et juridiquement. Nous pensons que l’Etat ne conçoit pas de distinction entre fonctionnaires pour les statuts, mais notre avis vu de l’intérieur, est que l’Etat peut prêter une attention particulière à leurs préoccupations. Lorsque la justice d’un pays grandit, c’est sa démocratie qui grandit. De même nous pensons qu’il n’y a pas de justice sans un personnel dévoué au-delà des heures prévues par le code du travail.
source: http://www.dakaractu.com/Me-Bocar-Arfang-N-dao-Si-le-Senegal-et-les-Senegalais-estiment-que-la-CREI-ne-renvoie-plus-a-une-aspiration-legitime-il_a82107.html