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Je ne me ferai entendre que quand j’en aurai envie ! par Mody Niang

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Mody Niang

Un certain quotidien de la place, qui m’a souvent écorché d’ailleurs et parfois vif, au point de m’arracher quelques lambeaux de peau, est revenu à la charge en me faisant figurer, cette fois-ci, dans un groupe de sept compatriotes qui « se sont reniés pour des strapontins », depuis l’avènement de Macky Sall à la Magistrature suprême. C’est à la « Une » de ce quotidien, dans son édition du lundi 27 avril 2015. Pour que nul n’en ignore, la « Une » a pratiquement occupé toute la page, avec des titres chocs pour illustrer nos photos en bonne place : « Latif, Jules Diop, Jacques Habib, Mody Niang, Penda Mbow, Alioune Tine, Aziz Diop DANS LE MACKY ». « Où sont passées les sentinelles de la République ? »

 

A l’intérieur du quotidien, à la page 7 exactement, l’attention du lecteur est attirée par un autre titre, en rouge vif : « Hier aux côtés du peuple, aujourd’hui dans le Macky. Où sont passés les ex-défenseurs de la République ? »  Et les journalistes du fameux quotidien de s’en donner à cœur joie pour répondre à leurs propres questions, à leur manière. Nous nous sommes tus, lancent-ils, « pour des strapontins, sinécures et autres postes de responsabilité aux côtés du pouvoir ». Ces défenseurs des valeurs de la République que nous fûmes, « sont devenus aphones sur les grandes questions qui intéressent la nation comme les reniements, les marchés de gré à gré, la crise scolaire, etc. » 

 

 

Et nos journalistes de continuer de se poser leurs questions et d’y répondre avec le même aplomb : « Les sans voix ont-elles perdu certains de leurs défenseurs ? Le constat général dans ce pays depuis l’arrivée du président Macky Sall au pouvoir ! Des leaders d’opinions ont tourné leur veste, pour être dans les bonnes grâces de la présidence. Au lendemain de leur nomination, certains d’entre eux ont même changé de domicile et de numéros de contacts, devenant invisibles sur leur compte facebook  (. . .) ».

J’ai rappelé au début de ce texte que ce quotidien n’en était pas à son coup d’essai, pour ce qui me concerne tout au moins. Il est à la base de la plainte qu’un des milliardaires de Wade avait portée contre moi. J’ai été ainsi traîné devant la DIC les 16 et 17 septembre 2009 pour des broutilles. Ce quotidien revient donc à la charge et me met (encore) en cause dans une entreprise dont il est seul à comprendre les motivations profondes. J’exprime en tout cas ma grosse surprise de me retrouver dans le groupe mis en évidence à la « Une » de ce quotidien, dans son édition du lundi 27 avril 2015. Je ne crois vraiment pas être dans la même situation (politique) que les autres compatriotes qui composent avec moi le groupe incriminé. Je précise que je ne les accuse de rien, ces compatriotes. Je ne leur reproche rien. Je respecte les choix qu’ils ont librement faits. Je m’écarte seulement de ce groupe, parce que je n’y suis pas à ma place.

Eux, les autres du groupe, ont été nommés par le Président de la République à des postes de responsabilité importants. Pour l’essentiel, en tout cas quatre d’entre eux au moins sont dans la majorité présidentielle et y travaillent activement. Ce qui est loin, très loin de mon cas. Je n’ai été nommé à rien du tout par le président Macky Sall. Je ne lui dois rien et n’appartiens ni de près ni de loin à son régime, encore moins à son Parti. S’il y a une personne à qui je dois quelque chose, après DIEU, c’est bien Mme Nafy Ngom Keïta, Présidente de l’OFNAC. C’est elle qui, au lendemain de sa nomination, m’a fait appeler pour me faire part du souhait et de l’intention qu’elle avait de me nommer à ses côtés, alors que nous ne nous connaissions point auparavant. Nous nous voyions pour la première fois. J’avais déjà lu le texte de loi qui organise l’OFNAC. J’avais aussi entendu parler de Mme Nafy Ngom Keïta par des personnes crédibles et objectives. Elle était digne de confiance et j’ai accepté son offre de travailler avec elle, pour lutter contre la corruption, la fraude et tous les autres fléaux connexes profondément enracinés dans notre pays et qui plombent tous ses efforts vers le développement. Auprès d’elle, j’ai découvert une femme courageuse, une patriote ardente, une travailleuse infatigable et désintéressée. Il n’y a aucun doute que, si elle avait été appuyée par le Président de la République et l’ensemble du Gouvernement, appui traduit notamment par la mise  de moyens conséquents à sa disposition, elle et ses collaborateurs auraient enregistré des résultats substantiels, et contribué à faire reculer notablement la corruption. Je profite en tout cas de cette opportunité pour la remercier sincèrement pour l’honneur qu’elle m’a fait en me nommant à ses côtés et en m’investissant de sa confiance totale. Je suis très à l’aise pour m’acquitter publiquement de ce devoir de reconnaissance, car Mme Nafy Ngom Keïta sait parfaitement que je ne suis pas homme à déverser des louanges sur qui que ce soit.

Je rappelle que notre quotidien m’accuse, avec d’autres compatriotes, de reniements, de retournements de veste et de silence pour des sinécures. Il nous interpelle et nous somme même de sortir de ce silence coupable pour nous prononcer sur certaines questions qui agitent la nation. Pour ce qui me concerne en tout cas, c’est le lieu de signaler que d’autres compatriotes me font, parfois avec insistance, les mêmes interpellations par le net, des SMS et des appels téléphoniques. Certains le font de bonne foi ; d’autres, comme les journalistes de notre fameux quotidien, avec des intentions inavouées.

Je livre aux lecteurs les échanges que j’ai eus, dans ce cadre, avec un ami (A. B.) qui s’inquiétait de mon silence. Dans un SMS en date du 11 avril 2015, voici ce qu’il m’écrit : «  Grand, on ne t’entend plus. Avec toute la mal gouvernance actuelle, avec cette accélération de la transhumance, avec toutes ses petites gens qui exigent le wax waxeet au PR, tous attendent (à juste titre), ta réaction. » Pour des raisons de santé, je n’ai pas pu répondre à  ce SMS et mon ami revient à la charge le 25 avril 2015. Il me relance en ces termes : « Grand, en 2012, les enseignants étaient en droit de réclamer. Et en 2015 ? On veut te lire comme on te lisait sur la crise scolaire. » Cette fois, de guerre lasse, je lui ai répondu, en ces termes : « Mon cher ami, je me fais entendre depuis 40 ans et le Sénégal est toujours englué dans la mal gouvernance. Et il n’est pas parti pour en sortir avec la gestion de Macky Sall, qui rappelle sur bien des points celle de son prédécesseur. La crise qui secoue l’école sénégalaise n’est qu’une manifestation de celle, plus générale, qui mine tout le pays. Le traitement-choc qui pourrait nous en sortir n’est sûrement pas pour demain. Nos gouvernants n’en ont point le courage. En particulier, la seule voie (ou plume) d’un Mody Niang n’y ferait rien. Bon week-end, mon cher ami ! »

Cette réponse vaut pour les nombreux autres compatriotes qui ont eu à m’interpeller et parfois, à me sommer d’écrire. Je leur précise, à eux et aux journalistes du fameux quotidien du 27 avril 2015, que je n’écris pas sur commande. Je n’écris ni pour plaire, ni pour nuire à qui que ce soit, ni pour en tirer des lauriers. J’écris quand j’en ai envie, quand il se produit un déclic. L’idée, la volonté d’écrire vient de moi et de moi seul. Je ne me prends surtout pas pour une sentinelle, encore moins pour Zorro qui tire sur tout ce qui bouge. Je connais surtout mes limites. Je ne suis qu’un modeste citoyen sénégalais, certainement imprégné de ses devoirs et de ses droits. Un citoyen qui tient comme à la prunelle de ses yeux à son droit d’avoir un regard appuyé sur la manière dont son pays est gouverné. Si je devais résumer mes 40 ans d’activités citoyennes et militantes dans l’espace public, ce serait que, en toutes circonstances, j’ai essayé de cultiver ma modeste part du jardin national, du mieux que j’ai pu. Dans ce cadre, les éphémères prébendes, privilèges et autres sinécures n’ont jamais eu de prise sur ma modeste personne. DIEU m’est TÉMOIN, et IL sait que plusieurs opportunités m’ont été proposées d’accéder à certaines stations et je leur ai toujours tourné le dos, avec leurs privilèges compromettants et fugaces. Yalla xam na ko. Si ce texte n’était pas déjà long, je donnerais de nombreux exemples qui attestent que, en maintes occasions, du temps de Diouf comme de Wade, j’ai eu des opportunités de trouver facilement ma place au soleil des prébendes. Heureusement qu’elles ne m’ont jamais empêché de dormir.

Il en aurait été de même avec Macky Sall si j’avais accepté de jouer le jeu. Le candidat Sall avait organisé, entre les deux tours de scrutin, le mercredi 7 mars 2012 exactement, une conférence-débat à laquelle il m’avait fait l’honneur de m’inviter, parmi un public très restreint. Son élection ne faisait pratiquement plus aucun doute. Pourtant, malgré tout, je lui ai réaffirmé, ce jour-là, les réserves que j’avais par rapport à sa candidature. Je n’avais pas, non plus, manqué de lui souligner, par souci d’objectivité, que s’il était élu et mettait en œuvre la politique « sobre, vertueuse, transparente et efficace » qu’il avait promise dans tout le pays, je l’appuierais. J’avais ajouté que si, au contraire, il faisait le contraire, je dénoncerais sa politique comme j’ai dénoncé celle, catastrophique, de son prédécesseur.

 Macky Sall est élu triomphalement élu  le 25 mars 2012 et je suis resté dans cette posture pendant au moins deux ans. Je renvoie le lecteur aux différentes contributions que j’ai publiées pendant cette période-là. En un moment donné, avant même d’avoir été appelé à l’OFNAC, j’ai choisi librement, pour des raisons qui me sont propres, de garder le silence. Silence qui a donné lieu à toutes sortes de conjectures et de suppositions malveillantes,

On me somme donc, pour revenir à notre sujet, de me faire entendre sur la détestable transhumance, sur les marchés de gré à gré, sur la crise scolaire, etc. Combien de fois me suis-je fait entendre sur ces questions-là et sur bien d’autres ? J’ai passé de nombreuses années devant l’écran de l’ordinateur, les livres et les journaux. J’ai publié sept (7) livres et au moins 250 contributions, sans compter mes rares interventions devant les micros des radios et sur les plateaux des télévisions privées. En particulier, que n’ai-je pas déjà écrit  sur la détestable transhumance, les marchés de gré à gré, la crise scolaire, etc ? On trouve ces questions, largement développées, dans mes livres comme dans mes contributions. Pour ne m’arrêter que sur la nauséabonde transhumance, je lui ai consacré un long chapitre dans deux de mes livres. Il en est ainsi du chapitre IV, « Transhumance et entrisme : deux pratiques honnies et remises au goût du jour par les Libéraux », pp. 79-119,  in « Me Wade et l’Alternance : le rêve brisé du Sopi », février 2004. L’autre, c’est le chapitre VII de mon dernier livre (« Le clan des Wade : accaparement, mépris, vanité »), octobre 2011. Il a pour titre : « Pourfendeurs hier, encenseurs aujourd’hui », pp. 169-202. Je n’ai vraiment plus rien à dire ou à écrire sur ces détestables transhumants, sinon pour les renvoyer dos à dos avec ceux qui légitiment leur pitoyable existence et les accueillent à bras ouverts.

Je pourrai en dire autant du gré à gré et de toutes les autres manifestations de la mal gouvernance. Dans le premier livre cité (« Me Wade et l’Alternance … »), j’ai consacré le chapitre VI à ces questions-là. Le titre en est : « L’opacité dans la gestion des affaires publiques : un dénominateur commun aux Socialistes et aux Libéraux », pp. 149-210.

Un chapitre bien plus fourni encore leur est consacré dans le second livre (« Le Clan des Wade … »). C’est le chapitre VI que j’ai intitulé : « Une corruption nourrie et entretenue au sommet de l’Etat », pp. 67-168. 

Donc, je ne dispose plus de temps à consacrer à des questions que j’ai déjà développées de long en large. C’est le lieu de signaler, en particulier, que j’ai quand même 70 ans et que je commence à payer les longues années passées dans la lecture, l’écriture et, en particulier, celles passées devant l’écran de l’ordinateur. J’aurais certainement continué d’écrire malgré tout si, au bout, il y avait quelques lueurs d’espoirs que la gouvernance s’améliorerait un jour dans notre pays.  Je ne crois malheureusement plus à cette éventualité. En particulier, la classe politique ne m’inspire plus confiance. Je ne suis surtout pas sûr que, pour le temps qui me reste à vivre, l’opportunité me sera donnée d’être témoin de l’avènement, au Sénégal, de la gouvernance qui a toujours peuplé mes rêves. C’est ce pessimisme, cette profonde déception qui me pousse au silence et non quelques sucettes dont raffolent nombre de nos compatriotes qui grouillent et grenouillent autour du Président de la République.

Le temps est surtout venu, je crois, pour les jeunes générations qui auront peut-être plus de chance que moi de voir la bonne gouvernance s’enraciner dans notre pays, de prendre la relève. J’attends surtout de voir mes nombreux compatriotes qui m’interpellent se signaler de temps en temps par une seule contribution orale ou écrite. Dans ce pays, chacun, chacune doit cultiver sa part du jardin national.

En direction de Mme la Présidente de l’OFNAC – et c’est là que je vais terminer –, je rappellerai simplement cet adage wolof : « Loo noppi noppi ngir am jámm ak say dëkkëndóo, boo yeewoo benn bis fekk ñu wat pónkalum mbaam mu dee bayyi ko ci sa búntu kër, booba nak, wax jot na. » Traduit dans la langue de Molière, il donne ceci : « Tu as beau choisir de garder le silence pour sauvegarder la paix avec tes voisins immédiats si, un bon matin, tu découvres que le cadavre d’un gros âne a été déposé devant la porte de la maison,  tu n’auras plus alors d’autres choix que de faire entendre ton indignation ». J’ai subi pratiquement le même affront et me suis fait entendre dans cette contribution exceptionnelle, dont Mme Nafy Ngom Keïta comprendra parfaitement la nécessité et la pertinence.

Dakar, le 3 mai 2015

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