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Post-coïtum, us et coutumes : Après l’amour les hommes s’endorment, les femmes se réveillent...

LES INFOS ZÉRO
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La réalité post-coïtale est plus complexe qu’elle n’y paraît - les hommes s’endorment, les femmes se réveillent, estime la chroniqueuse de « La Matinale » Maïa Mazaurette, qui suggère de s’intéresser aux possibilités de l’après-sexe pour bousculer la routine. 

Après l’amour les hommes s’endorment… et les femmes se réveillent. Simple cliché, réalité biologique, construction sociale ? Un peu des trois. 

 

A mille lieues des représentations faciles, certains hommes confessent leur envie de câliner, de discuter, de manger. De se connecter émotionnellement ou au contraire de déconnecter complètement. Certaines femmes confessent qu’elles jouent les belles au bois dormant, d’autres ressentent l’urgence de filer sous la douche. 
Commençons donc par étouffer nos clichés sous l’oreiller : si l’endormissement était automatique, jamais personne ne ferait l’amour le matin. 

Que se passe-t-il dans notre corps exactement ? Sérotonine, prolactine, diminution de l’activité du cortex préfrontal : les hommes sont soumis à un cocktail chimique qui pousse à l’endormissement. Les femmes aussi, mais de manière moins immédiate. La pop culture en a fait un motif de frustration féminine, mais hors écrans rien n’est moins sûr : voir un homme s’assoupir laisse plutôt supposer qu’il se sent en totale confiance… et en situation de totale béatitude. Preuve que le partenaire a rendu des services miraculeux et que sexuellement, en toute humilité, nous sommes au sommet de notre art. 

« Quoi faire après » 
Attention aussi aux généralisations hâtives : nous sommes inégaux face aux décharges hormonales, et ce moment de sérénité peut s’accompagner d’effets secondaires pas piqués des hannetons. Certains ou certaines se sentiront après l’amour vulnérables, désemparés, dégoûtants, honteux, voire déprimés (selon l’Institut de santé et d’innovation biomédicale, la prévalence de la dysphorie post-coïtale est identique selon le sexe). 
La construction sociale a également un impact sur les comportements. Par exemple, comme chacun sait, les vrais bonhommes n’ont pas de sentiments. Ils sont trop occupés à chasser le mammouth. Après avoir obtenu « ce qu’ils voulaient », après avoir répondu à l’impératif consistant à répandre leur semence, on attend d’eux qu’ils se désintéressent de leur proie (je ne parle plus du mammouth). 

Ce discours est encore régulièrement transmis aux garçons. Pour se conformer à cette masculinité rigide, il faut se montrer indifférent. Or quelle coupure plus absolue que le sommeil ? Quand on quitte la pièce, on peut continuer de penser à son/sa partenaire, mais quand on quitte l’état de conscience, la communication est complètement impossible. La représentation sociale se télescope avec la grosse fatigue. 
Parce que cette masculinité-là commence à embêter son monde, toute une littérature parallèle s’est développée à l’attention des mammouthosceptiques, qui répond à la question du « quoi faire après ». Les experts en politesse post-coïtale recommandent à leurs lecteurs mâles de se secouer pour câliner leur partenaire. Ils suggèrent de lui susurrer des mots doux, de lui faire couler un bain ou de lui préparer un snack (steak tartare pour la 12, merci). On soulignera la double contrainte parfaite : l’homme qui s’endort est un monstre, l’homme qui ne s’endort pas n’est pas un homme, et Socrate est un chat. 

Phase réfractaire 
La même pression pèse sur les femmes : comment se mettre à ronfler en toute décontraction, quand la féminité est supposée veiller, prendre soin, sécuriser l’affection d’un possible père pour sa progéniture ? Nous attendons plus ou moins consciemment qu’une femme soit dans la continuation, le lien, encouragée en cela par la décharge d’ocytocine qui, effectivement, pousse à vouloir se rapprocher de l’autre. 
Qu’on opte pour la nature vive ou le bouillon de culture, une chose est sûre : le script post-coïtal est bien plus complexe qu’il n’y paraît – et échappe volontiers à l’assignation de genre. Reste une question épineuse : l’endormissement n’étant ni obligatoire ni généralisable à tous les hommes… pourquoi cesse-t-on de faire l’amour ? Si nous nous accordons à trouver cette expérience supérieurement agréable, pourquoi ne pas la faire durer interminablement – pourquoi ne pas imaginer non seulement qu’on recommence mais qu’on ne s’arrête pas ? 

On pourrait très raisonnablement arguer que la phase réfractaire oblige les hommes à laisser leurs organes sexuels se remettre de leurs émotions. Une telle assertion implique cependant que le rapport ait lieu jusqu’à cette jouissance-là spécifiquement – un scénario certes culturellement répandu, mais qui implique l’éjaculation comme fin de l’histoire. 

Rien n’empêche pourtant les autres zones érogènes de prendre le relais. Nous pourrions passer du pénis à la prostate, d’une stimulation clitoridienne à une pénétration vaginale, nous pourrions tester tous les fantasmes du catalogue sexuel, tous les sex-toys, nous pourrions étirer massages et caresses sur plusieurs heures. 

Le potentiel de désir a besoin d’être rechargé 
Quoi ? Ne sommes-nous pas censés en vouloir toujours plus, comme la publicité nous y encourage, comme le cinéma le représente ? Il semble que non. Nos marathons sexuels restent exceptionnels. Le rapport-type dure de trois à treize minutes. La mise en bouche se limite le plus souvent au minimum vital : il faut environ dix minutes aux hommes comme aux femmes pour atteindre un état d’excitation suffisant (30 secondes pour les plus rapides). 

Au risque de mettre les pieds dans le plat de mammouth : si on arrête de faire l’amour, c’est parce qu’on en a assez. Le plaisir a tué le désir. Nous pouvons nous gaver, mais ça n’est plus vraiment drôle… ce qui contredit l’idée romantique d’une passion sexuelle insatiable. 

Nous n’arrêtons pas de faire l’amour parce qu’on n’en peut plus, mais parce qu’on ne veut plus. Justement parce que nous ne sommes pas que des corps, justement parce que nous investissons la sexualité de charges symboliques et émotionnelles, le potentiel de désir a besoin d’être rechargé. Exactement comme le potentiel de plaisir. 
Terminons par la question qui fâche : de toute façon, si on continuait, on ferait quoi ? Saurions-nous varier suffisamment nos pratiques pour nous amuser encore ? Car l’énorme avantage d’une relation sexuelle rapidement interrompue et constamment recommencée, c’est que l’on peut repartir la fois suivante… de zéro. 

Changer de paradigme? 
Et parce qu’un minuscule quart d’heure est tout juste suffisant pour accomplir les tâches considérées comme obligatoires (câlin, pénétration, éjaculation), nous avons tendance à suivre l’exacte même feuille de route. 
Au risque de transformer la sexualité en routine : les différentes études montrent que 15 % des hommes et un tiers des femmes ressentent un manque d’intérêt pour le sexe. Plus on avance en âge (et potentiellement en répétition des routines), plus le phénomène s’amplifie. 
Alors peut-être pourrait-il être intéressant – au moins comme expérimentation – de se focaliser moins sur l’après-sexe immédiat (qui s’endort et pourquoi) que sur l’après-sexe en général : puisqu’il faut s’interrompre pour retricoter la distance nécessaire au désir, pourquoi ne pas changer de paradigme ? Au lieu de recommencer la fois suivante, nous pourrions continuer. Si l’on cesse de partir de zéro, nous changeons l’équation. Et bousculons l’ennui. 

Source LeMonde

 

url : http://www.lemonde.fr/m-perso/article/2017/12/10/post-coitum-us-et-coutumes_5227406_4497916.html