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Me Sidiki Kaba déclare sa candidature à la CPI

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Capture d’écran 2014-05-23 à 15.30.00

iGFM (Dakar) Le ministre de la Justice du Sénégal, Me Sidiki Kaba déclare sa candidature  à la présidence de la CPI. Voici sa déclaration de candidature parvenue à IGFM.

Garde des Sceaux,

Ministre de la Justice du Sénégal

  1. Réconcilier toutes les Régions  avec la CPI, notamment l’Afrique et l’Union Africaine

Comme vous le savez mon Pays, le Sénégal, a participé à la conférence diplomatique de Rome et a contribué aux travaux des plénipotentiaires, ayant abouti à l’adoption du Statut de Rome portant création la Cour Pénale Internationale(CPI). Il  est le premier Etat au monde à avoir ratifié le dit  Statut en 1999,  après avoir organisé à Dakar une conférence internationale regroupant plusieurs pays africains afin d’encourager sa ratification. L’attachement de mon pays à la CPI et son engagement dans la promotion du droit et la lutte contre l’impunité n’ont jamais souffert d’ambiguïté. Le Président Macky Sall vient de le  réaffirmer.

C’est dans ce sillage qu’il faut noter le rôle majeur joué par le Sénégal tant dans la rédaction et l’adoption de la Charte Africaine des Droits et des Peuples en 1981, que dans la création, la promotion et le fonctionnement de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. Le Sénégal, qui a depuis longtemps  mis en conformité sa législation nationale avec le Statut de Rome s’apprête enfin à ratifier l’APIC. Il aura ainsi ratifié la presque totalité des instruments internationaux, lui permettant de faciliter la mise en œuvre de la Justice Pénale Internationale.

C’est en reconnaissance de ces efforts constants de promotion de la Justice Pénale Internationale et de la lutte contre l’impunité que l’Union Africaine a confié au Sénégal la mission historique de faire juger sur son sol les  hauts responsables des  crimes graves commis sur le territoire tchadien entre le 07 juin 1982 et le 1er décembre 1990. A cet effet, elle a signé avec le Sénégal le 22 août 2012, une convention créant les Chambres Africaines Extraordinaires auprès des juridictions sénégalaises.

 En tant que Garde des Sceaux, Ministre de la justice, j’ai l’honneur et la responsabilité  d’organiser, pour la première fois en Afrique,  un tel procès impliquant un ancien Chef d’Etat à savoir, Hissène Habré, présumé responsable de crimes contre l’humanité et de torture. Je  peux vous assurer, au  nom de monengagement pour la lutte contre l’impunité mais  aussi de la promotion et la protection des droits de l’Homme, que ces procédures seront impartiales et  indépendantes et que tous les accusés auront droit à un procès juste et équitable.

 Aujourd’hui, le continent africain compte le plus grand nombre d’Etats Parties au Statut de Rome (34). Quatre juges  africains siègent à ce jour à la CPI  et le poste de Procureur de la Cour est également occupé par  Madame Fatou Bensouda de la Gambie.  

Les États africains ont été les premiers à déclencher la compétence de la CPI (je pense à l’Ouganda, à la République Démocratique du Congo, à la République Centrafricaine, à la Côte d’Ivoire et au Mali). Dans l’affaire du Kenya, l’action de la Cour a été déclenchée par le Procureur, agissant de sa propre initiative sur la base de l’article 15 du Statut. S’agissant des deux saisines du Conseil de Sécurité de l’ONU (Darfour et Libye), les Etats africains qui siégeaient alors au sein du Conseil ne se sont pas opposés au renvoi de ces deux situations devant la CPI. Ces faits illustrent à suffisance la volonté du continent africain à combattre l’impunité.

Toutefois, une certaine perception de  deux poids deux mesures dans l’administration de la justice internationale a créé un raidissement donnant l’impression (inexacte) que la Cour est contre l’Afrique et qu’elle est une institution partialesélective, voire discriminatoire.

La réalité est en effet que la Cour connait huit (08) situations sur huit (08) pays africains. La réalité est de dire que la Cour devrait pouvoir intervenir sur des crimes commis dans d’autres pays comme en Syrie ou en Afghanistan pour dissiper ces incompréhensions. La réalité est aussi de dire que la Cour a ouvert des analyses préliminaires sur d’autres situations comme en Colombie, Honduras et en Géorgie.

Il faudrait changer cette perception négative de la Cour par les populations africaines et celles d’ailleurs. Elle risque à terme d’affecter sérieusement la crédibilité et la légitimité de la Cour.

C’est pourquoi, je compte placer mon mandat de Président de l’Assemblée des Etats Parties de la Cour Pénale Internationale, sous le signe du dialogue et de la  pacification des relations entre la celle-ci avec l’Union Africaine, et avec tous les autres Etats de toutes les régions du Monde.

J’ai pour ambition d’instituer les bases d’une meilleure coopération entre ces deux Institutions afin de favoriser une synergie d’action dans leur lutte commune contre l’impunité et la recherche de la paix.

J’ai eu le privilège d’avoir conduit la délégation du Sénégal à la 12éme Session de l’Assemblée Générale des Etats Parties au Statut de Rome, qui s’est tenue à la Haye en Novembre 2013, et j’ai pu contribuer à l’adoption des décisions consensuelles sur le dossier Kenyan. J’ai été invité, en tant qu’expert, à présenter une communication sur les enjeux de la coopération entre la CPI et les Etats.

J’exhorterai les Etats donc, tous les Etats sans exception, à soutenir la Cour, à garantir son indépendance et son intégrité, à établir des canaux appropriés de communication via des fonctionnaires et des bureaux de liaison,  via la plateforme de l’Assemblée des Etats parties. J’organiserai des rencontres techniques, des fora d’échanges sur les problématiques de la justice, de la réparation, de la coopération et de la paix.

  1. Développer la coopération entre les Etats et la CPI

Le développement de la coopération est, pour l’avenir de la Cour un défi majeur des années à venir. La CPI n’ayant ni police, ni armée, seuls les Etats parties peuvent combiner leurs efforts pour faciliter l’arrestation et le transfèrement des suspects devant la Cour. Cette coopération est un pilier fondamental pour le bon fonctionnement de la CPI et du système de justice internationale mis en place par le Statut de Rome. La Coopération  s’inscrit à plusieurs niveaux : au niveau politique et diplomatique lorsqu’il s’agit d’exprimer publiquement son soutien à la Cour ; au niveau opérationnel et financier lorsque la Cour accomplit son mandat. Il est  donc primordial de développer trois catégories de  coopération :

-       La coopération horizontale entre les Etats Parties et la Cour Pénale Internationale pour renforcer le dialogue avec les autorités nationales et l’entraide pénale internationale, pour faciliter les enquêtes, les poursuites nationales, la signature d’accords de privilèges et d’immunité, d’accords de relocalisation des témoins, et de protection des victimes, d’adoption des lois d’adaptation du Statut de Rome.

-       La coopération avec les Etats non Parties, pour garantir l’universalité de l’action de la CPI. Compte tenu de l’extrême importance de son mandat, il est anormal qu’aujourd’hui encore qu’environ la moitié de la population mondiale ne puisse pas bénéficier de la protection, même théorique de cette instance. Je ferai de la ratification universelle du Statut de Rome, et de l’adoption des lois d’adaptation interne aux dispositions dudit Statut une grande priorité.

-       La coopération multiforme avec tous les autres acteurs non étatiques sera renforcée : les organisations internationales des droits de l’homme, les organisations humanitaires, les associations de victimes, les organisations régionales, les organisations intergouvernementales, comme la Francophonie, le Commonwealth, la société civile, les universités, les syndicats, les Parlements. J’organiserai des conférences regroupant tous ces acteurs pour discuter des enjeux majeurs de la CPI afin de trouver les meilleures solutions pour son bon fonctionnement. Je m’appuierai à cet effet, sur la presse et les associations de journalistes pour amplifier le message de la prévention, de l’exigence de justice, du respect des droits fondamentaux de l’être humain et de la paix.

Je ferai en sorte :

-       Que cette coopération soit  variée dans les domaines des enquêtes, des poursuites pénales et financières, de la protection des témoins ou de l’exécution des décisions de la Cour.

-       Qu’elle soit effective, pratique et mesurable dans le but d’avoir une Cour Pénale Internationale qui, tout en continuant à utiliser de manière rationnelle et efficace les moyens qui lui sont annuellement alloués, disposera des ressources nécessaires pour accomplir son mandat.

-       Que les  juges, les  procureurs, les greffiers et les personnels qui animent la CPI aient les plus hautes qualités professionnelles et éthiques et que leur choix se fasse sur la base de la représentation géographique et du genre.

-       Que le défi de la participation des victimes, gage de la crédibilité de la CPI soit effective, car c’est l’évolution et l’atout majeur de cette juridiction par rapport à ces illustres devancières : Nuremberg, Tokyo, Arusha ou la Haye. Ce sont enfin les victimes qui apportent la légitimité aux procédures. Il faut donc protéger leur participation au procès, en les informant de leurs droits, en leur donnant les moyens d’une représentation légale et efficace et en assurant leur sécurité. Un procès sans victime est une justice sans boussole. Il faut assurer aux témoins les garanties d’une protection et d’une sécurité. Leur témoignage est essentiel pour la manifestation de la vérité. Un procès sans témoin est une justice partielle et partiale.

-       Que les ONG et les associations de la société civile qui soutiennent ces victimes et luttent contre l’impunité puissent travailler librement et bénéficier également d’une protection dans les zones de conflits. Les rapports d’enquêtes qu’elles produisent constituent de véritables sources d’information et de renseignements sur les belligérants, les circonstances et le contexte de la perpétration des crimes de masse.

  1. Renforcer la complémentarité

Je voudrais rappeler que la Cour ne peut et ne doit être qu’un recours ultime contre l’impunité. Elle n’a pas vocation à se substituer au travail efficient des justices nationales. Elle n’en a d’ailleurs ni les moyens ni la compétence. En effet, en ratifiant le traité de Rome, les Etats n’ont ni abandonné ni limité leur souveraineté. Au contraire, ils ont clairement énoncé que la  responsabilité première de juger les auteurs des crimes les plus graves revient aux Etats. Le Statut s’appuie sur le principe de complémentarité laissant la priorité d’action aux juridictions  nationales et ouvrant la compétence de la CPI qu’en cas d’absence de volonté ou d’incapacité d’un Etat à diligenter des poursuites contre les auteurs présumés de crimes graves.

Vous conviendrez dès lors avec moi que le succès de la Cour se saurait s’évaluer par le volume des affaires pendantes devant elle mais plutôt par la croissance exponentielle des affaires relevant de sa compétence devant les juridictions nationales.Je rappellerai aux Etats leur responsabilité de protéger leurs populations contre les  génocides, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité (résolution1674 du 28 avril 2006 du Conseil de Sécurité des Nations Unies).

Je proposerai avec le concours des membres du bureau les stratégies de prévention et d’alerte précoce. Je veillerai, sur la base des dernières résolutions de l’Assemblée des Etats Parties, à ce qu’une assistance permanente soit assurée aux pays émergents, et en développement, qui le solliciteraient. Il en sera de même en ce qui concerne le renforcement des capacités des acteurs de la Justice  (magistrats, des avocats, des forces de sécurité etc…), en Droit International Humanitaire et en Droit Pénal International, selon un plan élaboré par le Bureau.

Je m’attellerai à la mise en œuvre effective des documents stratégiques adoptés au cours des précédentes assemblées, sur la complémentarité, et j’arrêterai un plan d’exécution annuelpour l’atteinte des objectifs. J’identifierai les Etats bénéficiaires et je développerai les échanges d’expériences entre les Etats qui ont une expertise et qui ont des moyens, avec ceux qui n’en ont pas et qui en ont besoin.

J’associerai les différents organes de la Cour à ces efforts selon leurs mandats et leur capacité (voir  d’une part l’exemple des séminaires régionaux de formation financés par l’OIF et la France pour les juges, Procureurs et Avocats à Dakar, Yaoundé, Tunisie et d’autre part les formations sur les stratégies de réinstallation des témoins financés par les Pays Bas et la Norvège, les sessions de formation de Nuremberg en Allemagne et d’autres initiatives bilatérales, qu’il va falloir au sein du Bureau).

  1. Travailler à l’universalité du Statut de Rome

 Je travaillerai au quotidien à l’universalité du Statut de Rome en m’appuyant aussi bien sur les Etats parties que sur les Etats non parties. Il en sera de même avec les organisations intergouvernementales, les organisations de la société civile, pour atteindre l’objectif de ratification universelle du Statut de Rome par le plus grand nombre d’Etats et dans toutes les régions du monde.

Mon  ambition est également de travailler à rendre la Cour compétente partout dans le monde pour lutter efficacement et effectivement contre l’impunité des crimes graves relevant de sa compétence. Pour ce faire je pense aux étapes suivantes :

-       Tenir régulièrement des réunions de coordination avec tous les acteurs qui travaillent dans ce sens.

-       Organiser et présider, en marge de l’Assemblée des Etats Parties de cette année, une rencontre préliminaire afin d’élaborer un plan et une stratégie d’action pour les deux prochaines années.

-       Associer tous les Etats, tous les acteurs y compris les ONG et la société civile, à toutes les séquences d’exécution du dit plan.

Au demeurant, ma conviction est que si la paix doit s’enraciner dans les cœurs et dans les âmes, la justice peut largement y contribuer par son œuvre de prévention, de dissuasion, de sanction, de réparation, de rétablissement de la dignité de la victime, en libérant, le cas échéant, les peuples d’une culpabilité collective.

Je voudrai vous assurer que je suis prêt et disponible pour mener avec vous ce combat légitime pour les droits et la justice.

Maitre Sidiki KABA

Garde des Sceaux,

Ministre de la Justice

de la République du Sénégal

Avocat à la Cour,

SOURCE:http://www.gfm.sn/me-sidiki-kaba-declare-sa-candidature-a-la-cpi/