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INTERNATIONAL - L'histoire se répète. Abubakar Shekau, chef des insurgés islamistes de Boko Haram qui infligent défaite sur défaite à l'armée nigériane, a proclamé à son tour, dimanche 24 août, la création d'un califat islamique à Gwoza, une ville du nord-est du Nigeria. "Allah nous a donné la victoire à Gwoza", qui fait "partie du califat islamique", déclare Shekau dans une vidéo de 52 minutes. Boko Haram s'est emparé de Gwoza en août.
Alors que Boko Haram se rapprochait ces dernières semaines de son objectif de créer un califat dans le nord du Nigeria, des experts estimaient pourtant que la situation n'était pas la même qu'en Irak, où les djihadistes de l'EIIL (devenu Etat islamique)ont proclamé la naissance d'un califat islamique fin juin, et que les islamistes de Boko Haram n'avaient pas la partie gagnée. Il existe pourtant des similitudes entre les deux groupes.
ACTUALISATION - L'armée nigériane a rejeté dimanche la proclamation d'un califat par le groupe islamiste armé Boko Haram dans une vidéo, affirmant "intactes" "la souveraineté et l'intégrité territoriale" du Nigeria.
"Cette proclamation est vide de sens. La souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Etat nigérian sont intactes", déclare dans un communiqué le porte-parole des armées Chris Olukolade.
Dans une précédente vidéo diffusée le 13 juillet, Shekau avait d'ailleurs apporté son soutien au chef de l'Etat islamique Abou Bakr Al-Baghdadi, qui contrôle de larges pans de territoires en Irak et en Syrie et a été proclamé par son groupe "calife" de tous les musulmans. Mais Shekau ne mentionne pas Al-Baghdadi dans sa vidéo de ce dimanche, et n'explique pas plus précisément s'il se range sous la bannière d'Al-Baghdadi ou s'il crée un nouveau califat au Nigeria.
Dans cette nouvelle vidéo tournée en plein air, présentant des images de mauvaise qualité, Shekau s'exprime alternativement en arabe et en haoussa, principale langue du nord. Il est habillé d'un treillis militaire, chaussé de bottes noires, et porte une Kalachnikov sur l'épaule. Il est flanqué de cinq hommes masqués et armés. Derrière eux sont stationnés trois véhicules tout-terrains, avec à l'arrière plan de la végétation, dont des arbres.
"Nous n'allons pas quitter la ville (de Gwoza). Nous sommes venus pour rester", affirme Shekau, qualifié de "terroriste à l'échelle mondiale" par les Etats-Unis qui ont mis à prix sa tête pour 7 millions de dollars. Depuis avril, Boko Haram s'est emparé de nombreuses localités et contrôle des zones entières du nord-est du pays d'où l'armée a disparu, selon les témoignages d'habitants, des responsables de la sécurité et des experts. Établir une cartographie précise des zones contrôlées par les islamistes est cependant impossible, faute d'informations fiables.
Plus de 10.000 morts et 650.000 déplacés
Depuis mai 2013, les trois Etats du nord-est du Nigeria (un pays fédéral), les plus touchés par le conflit, sont placés sous état d'urgence. L'armée censure les informations, les communications sont perturbées et les déplacements périlleux dans ces contrées isolées aux confins du Niger, du Tchad et du Cameroun.
Seule certitude, le conflit est dévastateur, surtout pour les civils : plus de 10.000 morts depuis le début de l'insurrection en 2009, dont 4.000 rien que cette année, et 650.000 personnes déplacées. Les Nations unies ont confirmé la prise par les rebelles, début août, des villes de Damboa et Gwoza, dans l'Etat de Borno. L'armée a affirmé avoir repris Damboa depuis, mais cela n'a pas été confirmé.
Jeudi, une nouvelle ville est tombée : Buni Yadi, dans l'Etat voisin de Yobe. L'évolution de la tactique de guérilla vers la conquête de territoires est une "évolution importante" et cette stratégie devrait se poursuivre, estime Ryan Cummings, analyste de la société de sécurité Red 24, basée en Afrique du Sud.
Boko Haram, "lentement mais sûrement, est en train de réussir son premier objectif, la création d'un califat régi par la charia (loi islamique) dans le nord-est du Nigeria", dit-il. Un avis partagé par Virginia Comolli, chercheuse à l'Institut international d'études stratégiques de Londres, selon laquelle Boko Haram "contrôle" entièrement le nord de l'Etat de Borno, ce que de nombreux témoignages d'habitants corroborent. "Ils cherchent à étendre leur territoire et ils ont vraiment la possibilité d'atteindre leur objectif", estime-t-elle.
Similitudes avec l'Etat islamique
Dans une vidéo diffusée en juillet, le chef de Boko Haram Aboubakar Shekau a apporté son soutien à Abou Bakr al-Baghdadi, le chef de l'Etat islamique en Irak et en Syrie, qui a revendiqué l'assassinat cette semaine du journaliste américain James Foley. Selon Jacob Zenn, chercheur à la fondation américaine Jamestown, il y a des similitudes entre Boko Haram et l'Etat islamique, notamment la brutalité extrême des actions.
Boko Haram a massacré des milliers de civils, y compris des élèves dans des écoles, et kidnappé plus de 200 lycéennes en avril. Mais alors que l'Etat islamique est décrit par Washington comme extrêmement bien armé, organisé et financé, les rangs du groupe nigérian sont formés par des jeunes pauvres et sans éducation ni formation tactique.
Les experts estiment qu'il a noué des liens avec des groupes jihadistes, comme Al Qaïda au Maghreb islamique, mais leur niveau de coopération reste mal connu. Boko Haram "n'a pas atteint le niveau de sophistication" de l'Etat islamique, estime Virginia Comolli, mais ce qu'a dit Shekau montre que le groupe "s'intéresse à ce qui se passe" dans d'autres régions.
Faiblesses de l'armée
Alors que Boko Haram s'est considérablement renforcé, s'équipant d'armements puissants et recrutant de nouveaux combattants, les faiblesses de l'armée nigériane sont apparues. "Nos soldats sont capables de battre les terroristes de Boko Haram, mais ils ont désespérément besoin d'armes", affirme une source sécuritaire à Maiduguri, la capitale de l'Etat de Borno.
L'offensive de l'armée lancée à partir de mai 2013 avait permis de repousser les islamistes hors des agglomérations et de les chasser de leurs bastions. "Boko Haram aurait pu être écrasé si nous avions pu poursuivre notre offensive", dit encore cette source. L'armement insuffisant des militaires est un facteur clé de leurs défaites récentes. Des soldats se sont même mutinés cette semaine à Maiduguri, exigeant des armes plus performantes.
Premier producteur de pétrole et plus puissante économie d'Afrique, le Nigeria ne manque pourtant pas de ressources financières: Le budget de la défense s'élève à 6 milliards de dollars (4,5 milliards d'euros) par an. La corruption et la désorganisation sont davantage en cause que le manque de moyens pour expliquer le sous-équipement chronique des militaires, selon les experts.
source :http://www.huffingtonpost.fr/2014/08/24/boko-haram-califat-islamique-nigeria_n_5704319.html?utm_hp_ref=france