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«Mbeuk mi» ou «barça ou barsax» à l’appel des sirens

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  En 2005, Sud Quotidien avait élaboré un dossier très fouillé sur la question de l’émigration clandestine, en mettant à contribution tous ses correspondants régionaux. De tous les coins du pays partaient des jeunes et des moins jeunes qui frustrés par les promesses non tenues par l’Etat avaient choisi de braver les dangers de la mer. Le slogan de « Barça ou Barsax » avait vu le jour. Les immigrants avaient juré de voir l’Espagne (débarquer à Barcelone) ou mourir (dans l’océan).  

 

En effet, à la campagne électorale de 2000, le président Abdoulaye Wade, pour haranguer les foules avait trouvé la formule « Qui n’a pas de boulot lève la main ». Il avait alors promis de donner du travail à tous les chômeurs, une fois élu. Mais c’était simplement une stratégie politique. Car le chômage et la pauvreté continuaient de hanter le sommeil de la majorité des Sénégalais. Quand le président Abdoulaye Wade avait pris les rênes du pouvoir en 2000 la réalité était toute autre. Les jeunes se sentant exclus du nouveau système libéral en place n’avaient qu’une vision, partir… Et ce fut la ruée vers l’océan. Les départs étaient organisés de Rufisque, à Saint-Louis,  en passant par Yenn, Ngaparou, Mbour, de Joal, Elinkine, de Niodior et Diogué, etc. Où chaque jour les passeurs faisaient partir des centaines d’hommes et de femmes vers le voyage à risque. 

 

 
 
Plusieurs concepts étaient utilisés à l’époque pour désigner la forme d’aventure en vogue. Tantôt on parlait de « Mbeuk mi » (coup de tête en Wolof), ou « Barça ou Barsax » (Barcelone ou l’enfer) pour désigner l’aventure maritime. Une affaire d’hommes. C’est une entreprise dangereuse qu’il fallait tenter pour se tirer d’affaire. On se rappelle le dimanche 21 mai 2005 quand 97 sénégalais dont 3 femmes étaient arrêtés au Maroc par la police.  C’est le président de l’Union des pêcheurs de Rufisque qui était venu informer la rédaction de Sud Quotidien. De Saint-Louis, préoccupés par la raréfaction des ressources halieutiques et la réduction du nombre des licences de pêche aux pirogues de la ville, 15.000 départs avaient été enregistrés entre mai 2005 et septembre 2006. 
 
Chaque jour, les pirogues de « Guet Ndar » (quartier traditionnel de Saint-Louis) embarquaient cinquante immigrants clandestins qui avaient comme seule ambition : « voir Barça ou mourir ». L’hémorragie était tellement grave que certains quartiers de Saint-Louis étaient vidés de leur jeunesse. Certains clubs de « navétanes » (tournois de football de l’hivernage) étaient même sevrés de leurs joueurs.
 
Malheureusement, le gouvernement sénégalais outré et dépassé par les vagues de départs de milliers de jeunes qui atterrissent pour la plupart sur les côtes espagnoles, était obligé de réagir pour arrêter la saignée. Ainsi, en septembre 2006, le Sénégal avait rejoint le dispositif de la mission de l’Union européenne de lutte contre l’immigration clandestine (Frontex). L’argent avait encore pesé de tout son poids. De jeunes gens qui étaient arrivés par leurs propres moyens en Espagne avaient vu leur rêve brisé par les autorités sénégalaises qui avaient signé des accords pour les faire rapatrier au Sénégal. Des agents de l’Etat (gendarmes ou policiers) étaient chargés d’aller les chercher dans les centres d’accueil pour les faire revenir de force. A l’arrivée, on leur remettait seulement 10.000 FCFA, une bouteille de Coca-cola et un sandwich.
 
C’était le comble, et le drame dans certaines familles qui avaient tout vendu pour faire partir leurs enfants. La révolte et le mécontentement couvaient à Dakar. C’est cette jeunesse découragée, trompée et blessée qui était massivement sortie le 23 juin pour solder ses comptes avec le système en place.
 
SOURCE/ http://www.sudonline.sn/a-l-appel-des-sirens_a_24108.html