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LA FRONTIERE SENEGALO-BISSAU-GUINEENNE-GUINEENNE CELEBRE SES CENT TRENTE ANS (Deuxième partie)

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La tentative américaine de colonisation de l’île de Bolama 1818-1832
Durant les dernières années du XIXème siècle, des Américains s’intéressèrent à la côte de Guinée dans l’éventualité d’y installer des affranchis5. Ils se tournèrent d’abord vers la Sierra Léone  et vers le Libéria ensuite, entre 1816 et 1822. Un peu plus tard, Sammuel Hodges qui fut consul des Etats-Unis aux îles du Cap-Vert entre 1818 et 1827 encouragea la Société Coloniale Américaine à envoyer des affranchis à la côte de l’Afrique. Sammuel Hodges pensait que la colonisation pourrait apporter la liberté et une aisance économique à des noirs qui avaient des difficultés à vivre aux Etats Unis. Il envisagea une colonisation pacifique de l’île et fut suivi par John H.B Latrobe, un des membres fondateurs de la Société de Maryland. 

 

En 1828, ce dernier proposa que les affranchis des Etats du nord des Etats Unis soient installés à Bolama, ceux de l’atlantique moyen à Monrovia et ceux des Etats du sud à Cap Palmas. Latrobe excluait la Sierra Léone de cette nation américaine qui serait ainsi créée et souhaitait le départ des Anglais de ce territoire qui s’étendrait de Bolama au Libéria. Une fois la colonie américaine africaine fixée sur le Rio Grande, les Américains entreraient en possession des fleuves Sénégal et Gambie. En 1831, la Société Coloniale de Maryland, le Maryland State Colonization décida de créer une colonie américaine africaine à Bolama.
 
Latrobe demanda à George R. Mac Gill, un noir de Baltimore qui avait émigré à Monrovia en 1817 de s’acquitter de cette tâche.  En juillet 1832, Mac Gill renonça au projet et proposa en lieu et place de Bolama, la rivière Sinoe, Cap Palmas et River Cestos. La Société Coloniale de Maryland choisit Cap Palmas où une colonie fut implantée avec succès en février 1834. Bolama fut une déception pour les Américains-africains revenus au Libéria.
 
Bolama entre Anglais et Portugais 1834-1852
 
Après leur expulsion de Bolama par les Bissagos en 1816, les Anglais revinrent dans l’île en 1827. Ils signèrent deux traités avec les autochtones, au cours de cette année, durant laquelle également les régulos biafade et bissagos cédèrent par traités établis à Bissau, l’île de Boulam (Bolama) au Portugal. Les Anglais protestèrent en vertu de la prise de possession de l’île par des sujets de sa majesté britannique en 1792. L’île était donc considérée comme anglaise à moins que le Portugal n’apporta un titre qui invalidait le leur. Cette protestation émise par le représentant du Royaume Uni à Londres le 5 mars 1834 entraina le 26 novembre suivant, la réponse du gouvernement portugais accompagnée de documents attestant que le Portugal exerçait des droits de souveraineté sur Bolama avant et après 1792. En 1837, Honorio Pereira Barreto prit officiellement possession de Bolama au nom du Portugal et fit occuper militairement l’île. Portugais et Anglais se livraient à des actes de violence les uns sur les autres et Bolama passait des mains des Anglais à celles des Portugais ou inversement, chaque fois que les uns ou les autres, sortaient vainqueurs de ces affrontements.
 
L’épilogue de la question de Bolama : la sentence arbitrale du président Ulysse Grant : 23 janvier 1870
Le 26 avril 1856, un navire de guerre mouilla dans le port de Bolama. Son commandant fit amener le drapeau portugais, arrêter le juge et ordonner la libération de quelques esclaves qu’il accueillit sur son navire. Cet incident entraina les protestations de l’ambassadeur du Portugal à Londres. Ce diplomate proposa le 19 janvier 1859 à la Grande Bretagne l’établissement d’un traité qui délimiterait les frontières portugaises et anglaises sur la côte de Guinée. 
 
En guise de réponse, le gouvernement anglais proclama l’intégration de l’île de Bolama à la colonie de Sierra Léone, le 10 mai 1860. Le 7 mars 1861, le représentant du Portugal à Londres fit au gouvernement britannique et au nom de son pays une proposition d’arbitrage, laissant à l’Angleterre le choix de la personnalité qui serait juge dans cette affaire. L’Angleterre s’en tenait au maintien de ses droits sur Bolama alors que par décret du 28 juin 1864, le gouvernement du Portugal nommait le conseiller, Comte Antonio José de Avila, ministre plénipotentiaire pour entamer et conduire les négociations visant à mettre un terme à la question de Bolama, mais aussi de négocier la frontière de la Guinée avec le Sénégal. Le 5 août 1869, le gouvernement britannique fit savoir par son représentant à Lisbonne sa disposition à soumettre la question à l’arbitrage des Etats-Unis si le Portugal n’y voyait pas d’inconvénient, ce que ce pays accepta. Le processus d’arbitrage fut donc lancé et le 4 janvier 1870, le président Ulysse Grant nomma son sous-secrétaire d’Etat Bancolt Davis, en qualité de conseiller en charge de l’étude du dossier. 
 
Le 23 janvier 1870, les représentants du Portugal et de l’Angleterre furent invités dans le bureau du président des Etats-Unis pour se faire remettre la copie de l’originale du jugement. La sentence arbitrale était entièrement favorable au Portugal qui avait un dossier plus solide et mieux exposé que celui de l’Angleterre6. Le 1er octobre 1870, le gouverneur général du Cap-Vert et de Guinée prit officiellement possession, au nom du Portugal, de l’île de Bolama. L’île et les deux rives du Rio Grande de Buba furent constituées en concelho. « C’était la fin d’une humiliation7 ». Ainsi,  fut close la question de Bolama.
 
Celle-ci avait progressivement conduit le Portugal à accepter la réalité. Sa présence sur la côte de Guinée était certes ancienne mais son autorité ne s’y manifestait que faiblement, sur des territoires menus et dispersés, séparés par de vastes étendues aux mains des autochtones, et sur quelques localités situées dans les basses vallées de certains fleuves guinéens. A son incapacité d’occuper et d’administrer réellement le territoire qu’il se donnait, sans qu’au demeurant, qu’il puisse lui conférer des limites, s’ajoutait son impuissance à tenir tête à ses rivaux et à leur imposer sa suprématie. L’Angleterre a mis fin à son rêve d’inclure la Sierra Léone dans sa grande Guinée et la France le gênait considérablement sur le fleuve Casamance, et à une moindre échelle, sur le Rio Cessini.
 
Une fois  réglée la question de Bolama, le Portugal s’attela à transformer en une colonie compacte et viable ‘’sa Guinée’’ si fragmentée et dont les ‘’morceaux’’ se trouvaient essentiellement au bord des fleuves Casamance, Cacheu et Geba ainsi que sur le littoral. Il comprit très vite que cette mutation ne pouvait provenir que de la délimitation de la Guinée des territoires français qui étaient situés au nord et au sud de sa possession. En effet, il n’avait ni les moyens financiers ni les soldats qu’il fallait pour se lancer dans des conquêtes de pays farouchement attachés à leur liberté et jusque là invaincus.
 
Les prétentions du Portugal sur la Sierra Léone qu’il réclamait depuis le XVIIème siècle avaient été balayées par son absence de fait de cette colonie. La France restait donc l’adversaire du Portugal dans la partie du littoral comprise entre la rivière Mellacorée au sud et le Rio Nunez au nord ainsi que sur les bordures du fleuve Casamance.
Entre 1828 et 1837, les gouverneurs du Sénégal envoyèrent plusieurs expéditions en direction de ce fleuve qu’on appelait aussi rivière de Casamance. Ils obtinrent des positions qui leur permirent de gêner considérablement les mouvements des portugais établis à Ziguinchor.
 
L’acquisition en 1828 de Carabane, de la Pointe de Diembering, de la Pointe Saint George, de Brin ou Mbering et de Sédhiou en 1837, donna à la France une position fort avantageuse sur le fleuve. Ce pays en contrôlait, en effet, l’estuaire et l’amont. En 1830, le Secrétaire d’outre-mer français donna au gouverneur du Sénégal l’ordre de fortifier l’ilot des Moustiques ou Carabane. Entre 1828 et 1886, les expéditions françaises le long du fleuve Casamance essentiellement furent nombreuses, meurtrières et destructrices par les bombardements et les incendies de villages. Les autorités portugaises de Ziguinchor protestaient au près des Français chaque fois que ceux-ci empiétaient sur leurs domaines ou maltraitaient leurs alliés. L’un des plus grands protestataires et opposants portugais fut incontestablement Honorio Pereira Barrreto (1813-1859), mulâtre, fils du capverdien Joao Pereira, sergent major (serjento mor) de la deuxième ligne installée à Cacheu et de Rosa de Carvalho (de) Alverenga, surnommée la puissante Rosa de Cacheu en raison de sa forte personnalité, commerçante de son état, originaire de Ziguinchor . 
 
Il fit de bonnes études au Portugal mais n’entra pas à l’université, comme ses parents l’avaient souhaité. Il revint à Cacheu en 1829, un an après les premières occupations par les Français de positions stratégiques le long du fleuve Casamance. Nommé chef du provedor de Cacheu en 1832, à l’occasion de la réorganisation du Cap Vert et de la Guinée, il chercha à bloquer la progression de la France en Casamance, en signant des conventions avec les chefs de terre Bagnoum, en débauchant ceux que la France avait pu ranger de son coté, en achetant des terres au profit du Portugal et en discréditant les français.
 
 Il déploya d’énormes efforts pour impliquer toujours d’avantage sa métropole dans le devenir de la Casamance. Pourtant, lorsqu’il comprit que son pays perdrait tôt au tard cette région, il n’hésita pas à proposer, malgré lui, la vente de Ziguinchor à la France. D’ailleurs, le 3 juillet 1840, le sénateur de Madère inscrit dans la dynamique de l’abandon du fleuve de Casamance, déclarait aux Cortes « qu’on ne devait pas s’occuper des affaires de Casamance qui est un nom barbare »9. Même après avoir quitté sa fonction de commandant, Honorio Pereira Barreto continua à défendre avec l’énergie du désespoir et jusqu'à sa mort, les intérêts du Portugal en Casamance et sur la côte de Guinée. Il s’était d’ailleurs impliqué dans la question de Bolama. Après sa mort intervenue à Bissau le 26 avril, un témoignage de satisfaction lui fut décerné. Il fut décoré de l’ordre du christ à titre posthume.
A suivre
 
Pr Amadou Fadel KANE
Géographe, auteur d’une thèse d’Etat sur les questions de frontalières en Afrique de l’ouest - SUITE DE L’Edition d’hier
source: http://www.sudonline.sn/la-frontiere-senegalo-bissau-guineenne-guineenne-celebre-ses-cent-trente-ans-2eme-partie_a_30104.html